On connaissait l'époque mythifiée de la guerre froide, où diplomates soviétiques, américains ou européens pouvaient se croiser dans les petites rues sombres et emplies de brouillard de Berne — ou bien en plein soleil, mais discrets, sur une des grandes artères de Genève. Cette ère révolue fait place à une nouvelle réalité politique, mais l'espionnage est toujours bien présent dans notre pays. Selon la NZZ, près de 20% des espions russes actifs en Europe sont basés en Suisse.
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D'après un haut fonctionnaire du SRC qui s'est exprimé devant la commission de politique extérieure (CPE) du Conseil national, près de 80 agents du renseignement russe actifs en Suisse sont concernés. Une situation d'autant plus surprenante que, depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine, nombre de pays de l'Union européenne (UE) n'ont pas hésité à expulser le personnel diplomatique russe soupçonné d'espionnage. En Suisse, selon la NZZ, c'est tout le contraire: même les espions russes clairement identifiés ne sont pas inquiétés.
Historiquement, trois villes européennes sont connues pour être des plaques tournantes de l'espionnage, et ce depuis la guerre froide: Bruxelles, Vienne et Genève. Les Belges, par exemple, n'ont eu aucun scrupule à expulser des espions russes. Résultat: ceux-ci se retrouvent transférés à Berne ou à Genève.
Parmi les opérations des agents russes en Suisse: contrôler le reste du réseau d'espionnage européen, trouver des moyens de contourner les sanctions et surveiller la diaspora russe en Europe. Selon Adrian Hänni, la tentative d'assassinat au Novichok de Sergeï Skripal au Royaume-Uni, en 2018, aurait été planifiée à Genève.
Plusieurs membres du Parti socialiste et du Centre ont demandé l'expulsion systématique de ces espions. De l'autre côté, le PLR et l'UDC s'y opposent, craignant des répercussions économiques sur la Suisse. Pour le conseiller national Hans-Peter Portmann (PLR/ZH), par exemple, la présence d'agents de renseignements russe en Suisse «est légale et ne pose pas de problème fondamental». Le président du Centre, Gerard Pfister, est très critique:
Le Département des affaires étrangères (DFAE) défend de son côté une certain retenue, expliquant vouloir «maintenir les canaux de communication avec la Russie».
Le DFAE précise que «lorsque la Suisse expulse des diplomates, elle le fait pour des raisons de sécurité intérieure et ces cas ne sont pas rendus publics». Pour la NZZ, cette explication n'est toutefois pas suffisante, car seuls un à deux diplomates par année sont expulsés du pays pour cette raison.
Il existe cependant des interdictions d'entrée à l'encontre de diplomates russes qui ont été expulsés d'autres Etats, ajoute-t-il. Depuis le début de la guerre, 270 interdictions de ce type ont été prononcées. Les pays européens ont toutefois procédé à 600 expulsions.
De plus, ajoute le journal zurichois, il n'est pas impossible que des tensions soient présentes à Berne entre plusieurs département. En effet, le SRC, qui est venu témoigner auprès de la CPE, dépend du Département fédéral de la Défense (DDPS).
Le département de Viola Amherd pourrait, pour raisons sécuritaires pures, ne pas se trouver forcément sur la même ligne que celui d'Ignazio Cassis. Le renseignement fédéral a ainsi déclaré sobrement à nos collègues de la NZZ:
(Avec ATS)