Suisse
Guerre contre l'Ukraine

Comment Zelensky a conquis le WEF

Comment Zelensky a conquis Davos pour battre le «prédateur Poutine»

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lancé un appel pressant à l'élite de Davos pour qu'elle mette hors d'état de nuire la Russie poutiniste. Les attentes de Zelensky envers la Suisse sont énormes.
17.01.2024, 12:0117.01.2024, 19:19
Volodymyr Zelenskyy, President of Ukraine, arrives during the 54th annual meeting of the World Economic Forum, WEF, in Davos, Switzerland, Tuesday, January 16, 2024. The meeting brings together entrep ...
Zelensky à Davos.Image: KEYSTONE
Patrik Müller, Stefan Bühler et Florence Vuichard / ch media
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Zelensky-Mania à Davos. Il n'avait encore jamais assisté à une standing ovation debout dans la grande salle du congrès, déclare le président du WEF Børge Brende, après le discours du président ukrainien. Il se trompe sur ce point. Les invités plus âgés du WEF se souviennent de l'intervention de Nelson Mandela à Davos en 1992. A l'époque aussi, il y avait eu une standing ovation.

Cela en dit long sur Zelensky: il est une «personnalité historique», estime Børge. Ce mardi après-midi, les 1200 auditeurs présents dans la grande salle des congrès sentent qu'ils assistent à une performance historique.

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Le ministre suisse des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, qui s'était déjà entretenu bilatéralement avec Zelensky avant cela, lance à nos collègues de CH Media après le discours de l'Ukrainien:

«Le président Zelensky ne dit en fait rien de nouveau sur le fond, mais la manière dont il se présente, dont il apporte de l'émotion: c'est profondément impressionnant.»

Les VIP sont tout à coup insignifiants

Quelques heures avant le grand discours, l'aura du nouveau combattant de la liberté remplissait déjà les halls de Davos. Zelensky et son entourage, reconnaissables à leur uniforme vert militaire désormais presque iconique, ont traversé à plusieurs reprises le centre de congrès. Devant lui, des agents de sécurité suisses écartaient les autres invités. Ces VIP - à tout le moins se considèrent-ils ainsi -, tout à coup, deviennent insignifiants.

Sur la scène, on entend alors les paroles peut-être les plus combatives jamais prononcées à cet endroit. C'est un homme qui est confronté chaque jour à la misère et à la mort qui parle, un homme qui a vu des cadavres, encore et encore, de ses propres yeux. Un homme qui a perdu des amis. C'est un homme en guerre qui parle.

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Zelensky, lors de son discours.Keystone

Après avoir remercié le «professeur Schwab» pour son invitation, Zelensky entre sans détour dans le vif du sujet, le mal: Poutine. «Cet homme nous a infligé de la douleur, de la peine et de la souffrance.» Le dirigeant russe incarne la guerre. Tant qu'on le laissera faire, cela restera ainsi:

«Poutine ne changera pas. C'est nous qui devons changer»

«Nous» - par là, Zelensky entend également la communauté internationale. Il remercie certes tous les pays qui ont pris des sanctions ou qui ont directement soutenu l'Ukraine, mais brièvement. Cette fois-ci, il émet également des reproches. L'Occident n'a pas compris qui était Poutine, dit Zelensky.

Volodymyr Zelenskyy, President of Ukraine talks with German Klaus Schwab, Founder and Executive Chairman of the World Economic Forum, WEF, during the 54th annual meeting of the World Economic Forum, W ...
Volodymyr Zelensky, en pull, et le fondateur du WEF, Klaus Schwab, pour une séance photo.Image: KEYSTONE

Car pendant trop longtemps, l'Occident n'a voulu qu'une chose: éviter une escalade avec la Russie. Même après l'annexion de la Crimée il y a presque dix ans, peu de sanctions ont été prises contre l'agresseur. C'est pourquoi celui-ci a continué. Les menaces de la Russie en cas de sanctions n'étaient qu'un pur bluff. Il aurait fallu remettre Poutine à sa place bien plus tôt.

«On ne croit plus à la Russie»

Zelensky pense que tout le monde a désormais les yeux ouverts. La Russie a perdu sa crédibilité, même en Chine et en Corée du Nord, elle s'effrite, estime-t-il:

«Le monde a cessé de croire en la Russie»

D'après Zelensly: «Poutine est un prédateur, il ne se contente pas de ce qui est gelé». Le président ukrainien fait ici référence à la stratégie de «gel» de la guerre. Cela implique, par exemple, un cessez-le-feu dans les zones occupées par la Russie ou leur démilitarisation. Cela ne fonctionne pas, comme on l'a déjà vu dans le Donbass, estime Zelensky. Selon lui, il faut donc faire davantage pression sur le chef du Kremlin et notamment son porte-monnaie. Dans ce contexte, les sanctions doivent être renforcées afin que Poutine en ressente les conséquences:

«Ce n'est qu'alors qu'il regrettera d'avoir commencé la guerre»

Le président est convaincu que la guerre prendra fin, et ce, avec une paix juste et stable. Il a, dans ce contexte, expressément mentionné la Suisse, «ce merveilleux pays». La conférence de paix de dimanche dernier, à laquelle ont participé 80 pays, a été très importante, tout comme les efforts de la Confédération pour lancer de nouveaux pourparlers de paix. Il a assuré avoir eu d'excellentes discussions avec la présidente de la Confédération, Viola Amherd.

Zelensky a ainsi clairement mis la Suisse devant ses responsabilités et placé la barre très haut. Après son discours, le ministre des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, montre qu'il ressent cette pression. En sortant de la salle, il lance:

«Ce ne sera pas facile de répondre aux attentes. Ce sera compliqué. Mais nous essayons de faire une percée»

Ignazio Cassis rencontre Roger Köppel

En sortant de la salle, Ignazio Cassis croise, par hasard, Roger Köppel, l'ancien conseiller national UDC qui couvre désormais Davos en tant que rédacteur en chef de la Weltwoche. Köppel loue la technique de Zelensky: «C'est un brillant performeur». Comme d'autres sur cette scène, il a surtout fait de la «propagande» pour son pays, c'était parfait, selon l'ex-élu de droite qui se tourne vers Cassis, et en vient à l'éloge de la Suisse par Zelensky.

«De telles embrassades sont belles, mais aussi dangereuses: on peut rester collé»
Après le discours de Zelensky, Roger Köppel (à gauche) et le conseiller fédéral Ignazio Cassis se sont rencontrés.
Après le discours de Zelensky, Roger Köppel (à gauche) et le conseiller fédéral Ignazio Cassis se sont rencontrés sous l'oeil de Nicolas Bideau.Image: ch-media

Notre ministre des Affaires étrangères fronce les sourcils et ne commente pas. Mais Köppel, qui a de son côté une certaine expérience des embrassades (mais avec les propagandistes du Kremlin, lui), touche un point que certains membres du Parlement suisse, présents sur place, évoquent également. En cet après-midi solennel, ils ne souhaitent toutefois pas être cités par leur nom.

Car Davos – et donc, aux yeux du monde du WEF, la Suisse – est accaparé par l'Ukraine. Ce jour-là, la station est en territoire ukrainien. Cela plaît à la plupart des participants occidentaux, mais ne facilitera pas le ralliement d'autres Etats à l'initiative de paix de la Suisse. Sera-t-elle encore perçue comme neutre? La Turquie a déjà boycotté le WEF cette année.

Pendant ce temps, toujours à Davos, le premier ministre chinois Li Qiang, le principal intervenant non occidental, a dû essuyer des critiques sans détours de la part de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen: la Russie est dépendante de la Chine. Traduction: la Chine est du côté de la Russie.

La Suisse veut expressément impliquer la Chine dans son initiative de paix, ce serait un coup de maître si elle y parvenait. Toutefois, si la Confédération est perçue, en raison du Forum de Davos, comme une lobbyiste de la cause ukrainienne, cela n'aidera pas forcément le dossier.

Exposition de guerre au cœur de Davos

Revenons à notre journée ukrainienne. A un kilomètre du centre de congrès se trouve un bâtiment qui fait office de «maison de l'Ukraine» cette semaine. On peut y voir l'exposition «Deciding Your Tomorrow» qui, selon ses concepteurs, montre «des Ukrainiens défendant la liberté, supportant des pertes et remportant des victoires» - ainsi que des gens qui tentent de vivre leur vie au milieu d'une menace permanente. Des bruits de guerre constituent la toile de fond sonore.

L'affluence est importante ce mardi soir, car, en plus du président polonais Andrzej Duda ou du grand sponsor Victor Pinchuk, le président ukrainien lui-même est annoncé pour le vernissage de l'exposition.

Zelensky avec le président polonais Duda à l'exposition de Davos, où il s'est présenté en fin de soirée.
Zelensky avec le président polonais Duda à l'exposition.Image: pmu

A 19h01, le moment est venu. Zelensky entre dans la maison bondée, s'entretient avec le président polonais Duda, puis se laisse guider à travers l'exposition. 45 minutes plus tard, il est reparti.

Le trajet du Palais des Congrès à la Maison de l'Ukraine devait être, pour le président ukrainien, comme jouer un match à domicile. En effet, tout Davos semble avoir été mis au diapason ukrainien, jusqu'aux poubelles. En jaune et bleu, elles se détachent sur les rues et les trottoirs recouverts de neige et de boue de la station. Les armoiries de la commune de Davos, similaires à celle de l'Ukraine, collent à merveille à la visite...

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

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