Pour la Suisse, le 7 octobre 2023 a de mêmes effets sismiques que le 24 février 2022. Comme l’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait trembler le socle de sa neutralité, le massacre du Hamas met à l’épreuve son logiciel moyen-oriental. Tout ne sera probablement plus comme avant.
Le chef du DFAE, Ignazio Cassis, a pris la mesure du bouleversement provoqué par l’attaque du Hamas. Le 25 octobre, il annonçait la suspension du financement de onze ONG – six israéliennes, cinq palestiniennes – œuvrant pour les droits humains au Proche-Orient. Lors d’une précédente annonce, le 13, il indiquait qu’une task force Proche-Orient au sein de son département allait examiner les moyens juridiques permettant de déclarer le Hamas organisation terroriste. Dans le même temps, elle serait chargée de vérifier que les montants alloués à la coopération dans la région – 2,3 millions de francs pour l’année 2023 – ne servent pas à la propagande ou aux combats.
Mais l’audit en cours embrasse des champs bien plus vastes. C’est ce qu’explique le conseiller national Nicolas Walder (Les Vert.e.s/GE), membre de la commission de politique extérieure, qui se réunira lundi pour un suivi des travaux de la task force.
On n’y est pas encore. Pour l’heure, le DFAE, en attendant de couper des branches qui se révéleront peut-être pourries, envoie du bois en termes de communication. Le diplomate précité l'affirme: «Après le 7 octobre, la Suisse ne peut en aucun cas courir le risque d'être traitée comme une espèce de complice, même à son corps défendant, du Hamas.» Tout sauf un bad buzz sur la scène internationale.
D’où son intention d’inscrire le groupe gazaoui sur la liste des organisations terroristes – le Conseil fédéral pourrait faire connaître sa décision à ce sujet le 15 novembre. D’où ses mesures conservatoires à l’endroit de onze ONG. Ce dernier point ne fait pas l’unanimité chez ceux qui pensent que l’aide humanitaire à des ONG apparemment sans taches, fussent-elles critiques de la politique du gouvernement israélien à l’égard des Palestiniens, ne doit pas être sacrifiée sur l’autel de la raison d’Etat. «Il aurait mieux valu procéder à un examen préalable de leurs actions avant de les sanctionner s’il y a lieu», réagit Nicolas Walder.
Les onze ONG devraient être fixées sur leur sort fin novembre.
La Suisse est-elle en train d’agir contre ses intérêts? Ou plutôt contre sa nature? Celle d’un Etat patrie tout à la fois du CICR et des Conventions de Genève, où le droit humanitaire et la neutralité ne font qu’un. Là encore, le massacre du 7 octobre, en raison de son extrême cruauté, «fait exploser une situation déjà difficile pour le CICR», relève le diplomate. Qui développe:
Le 7 octobre force à considérer que l’horreur, dans ce qu’elle a d’absolu, est venue côté palestinien. Qu’elle ne soit pas sans causes, comme le relèvent certains, n’ôte rien à sa spécificité.
C’est probablement cette spécificité qui, le 1er novembre, a retenu Ignazio Cassis d’appeler Israël à un cessez-le-feu, alors que la guerre menée par Tsahal fait des milliers de morts parmi les Gazaouis, 10 000, dont 4000 enfants, selon le Hamas. «Cela aurait voulu dire qu’Israël n’a pas le droit de se défendre, alors qu’un groupe armé appelant à sa destruction a mitraillé, brûlé et coupé en morceaux plus d'un millier de civils sans défense. La barbarie du Hamas n'est pas de même nature que la réponse militaire d'Israël, bien qu'elle soit dramatique pour les civils palestiniens», analyse crûment le diplomate suisse. Qui résume la situation d’une formule: