Quand un pays entre en guerre, son personnel politique doit se montrer déterminé et, parfois, arborer les symboles mêmes de la position de combat. Adieu les costumes et les cravates: bonjour les uniformes ou, pour d'autres, les chemises militaires.
Depuis mars 2022, la référence en la matière est bien connue: le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dont le pays a été attaqué par la Russie, ne porte que des chemises vert kaki ou, au mieux, un t-shirt ou pull de la même couleur arborant le trident ukrainien. Même si la coupe se veut décontractée, le vert militaire de l'habit dit tout ce qu'il y a à dire: Zelensky est le chef des armées et arbore les couleurs. Une démarche symbolique qui a suscité une puissante vague de sympathie, dans le monde entier.
Une opération qui n'a pas échappé au Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, qui se retrouve, depuis les attaques du Hamas du 7 octobre, dans la position d'un «chef de guerre». L'homme de 74 ans a donc changé de tenue il y a quelques jours. Lors de ses apparitions publiques, le politicien controversé ne porte plus de costume, mais une chemise noire, légèrement froissée et à la coupe décontractée.
La sociologue de la mode Monika Kritzmöller explique comment interpréter ce vêtement: «Cette chemise donne une impression moins stricte qu'un costume et Netanyahou a l'air moins impressionnant ou puissant dedans». Le noir fait ressortir le visage sérieux de l'homme politique:
Mais si le message de Zelensky était clair comme de l'eau de roche, la position de Netanyahou peut être interprétée de différentes manières, fait remarquer Monika Kritzmöller: «En Occident, lorsqu'une personne porte du noir, on l'associe au deuil. Mais ce n'est pas le cas dans le judaïsme, où cette couleur est considérée comme neutre.»
Le choix vestimentaire de Netanyahou est donc presque passe-partout. Selon la sociologue de la mode, il s'agit d'un «signe vide» en sémiotique:
L'experte complète: «Le message transmis par celle-ci crée la confusion». Au final, le choix de la chemise noire de Netanyahou témoigne soit d'une incertitude, soit d'un calcul politique: «Comme il est controversé, il ne veut pas s'engager. La chemise noire permet d'éviter de faire l'objet d'un consensus.» Et donc?
Mais ce qui peut venir en premier à l'esprit en parlant de «chemises noires», c'est l'Histoire. En politique, on pense rapidement aux Chemises noires italiennes, les milices fascistes de Benito Mussolini lors de son accession au pouvoir. Extrêmement violentes, les «camicie nere» italiennes ont aussi fait déporter, pour le compte des SS et la Gestapo de l'Allemagne nazie, des Juifs de Rome. Certains d'entre eux étaient même connus pour être de véritables «chasseurs de Juifs».
Un symbole délicat qui interroge.
On imagine aisément que Netanyahou ne fait lui-même pas référence à des «chasseurs de Juifs», mais tout de même.
La chercheuse en est sûre: ce choix vestimentaire irréfléchi et «malheureux» dans le contexte actuel souligne l'impuissance de Benjamin Netanyahou. «Dans un certain sens, il voulait imiter Zelensky et peut-être aussi gagner quelques sympathies», évoque la sociologue de la mode.
Traduit et adapté par Noëline Flippe