C'est un tic très suisse. Pendant que le monde entier avait les yeux rivés sur les lèvres de Mark Zuckerberg, ce 7 janvier, au moment où il annonçait mettre fin à son programme de vérification des faits sur Meta, d'autres étaient plutôt concentrés sur son... poignet.
Et pour cause. Comme Arcinfo et Bloomberg ont été les premiers à le souligner, le milliardaire arborait une montre neuchâteloise. Un petit «bijou» de la marque Greubel Forsey, dont la valeur au détail est estimée à 895 500 dollars - avant taxes. Un modèle en or, décoré et assemblé entièrement à la main, issu de la collection «Hand Made 1» - une série de montres mécaniques construites uniquement avec des outils traditionnels, dont deux à trois pièces sortent des ateliers chaque année. La fabrication d'un seul garde-temps nécessite environ 6000 heures de travail.
La pièce au poignet de Mark Zuckerberg, qui a été produite en 2019, fait partie des plus exclusives de la marque et donc des plus chères. «Cette montre est passée par un nombre d’étapes et de finitions faits à la main qui sont incroyables en termes d’heures. C’est un travail phénoménal», nous explique Marco, expert en la matière et fondateur de la revue Watchonista - d'où son prix de presque 900 000 dollars.
«Ce qui est intéressant, avec Mark Zuckerbeg, c'est qu'initialement, il ne portait que des Garmin», s'amuse Marco Gabella, en référence aux montres de sport connectées prisées des sportifs et des mordus de course à pied, dont le prix moyen tourne autour des 200-300 francs.
Parmi elles? Une Patek Philippe 5236P calendrier Perpétuel, un modèle très rare, mais aussi une Bulgari Octo Finissimo Ultra COSC, la montre-chronomètre la plus fine du monde, d'une valeur estimée à 530 000 francs. Mentionnons également une Jaeger-LeCoultre, une Richard Mille RM 30-01 ou encore une H. Moser & Cie Streamliner Tourbillon Skeleton.
Sans oublier une montre De Bethune DB25 Starry Varius, ainsi que deux montres de chez François-Paul Journe, une Centigraphe Sport Aluminium 073-CTS et une Journe Chronometre Souveraine Havana, deux horlogers indépendants «dont la notoriété a explosé», nous précise Marco Gabella.
Cette collection de pièces rares traduit en tout cas quelque chose, selon l'expert:
Journe, par exemple, qui possède une boutique à Los Angeles, exige de ses clients de se mettre sur liste d'attente et de montrer son intérêt sur un marché saturé par la demande. Être Mark Zuckerberg ne suffit pas. Même cas de Greubel Forsey, représentée en Californie par la maison Silver.
Une porte-parole de la marque l'a d'ailleurs confirmé auprès d'Arcinfo: le fondateur de Facebook a acquis sa montre «auprès d’un détaillant», «selon les conditions standard de Greubel Forsey». Il ne s’agit donc ni d’un placement de produit ni d’un partenariat d’ambassadeur.
Toutefois, ce coup de projecteur sur la marque helvétique pourrait en agacer plus d'un, selon Marco Gabella. «Paradoxalement, toute cette hype provoquée par les célébrités fait beaucoup de dégâts sur la clientèle historique des marques haut de gamme. Certains collectionneurs sont assez fâchés de voir leur montre au poignet de gens qui ont développé un intérêt du jour au lendemain.»
Même cas de figure avec d'autres marques telles que François-Paul Journe et De Bethune. Les clients susceptibles d’acheter des montres à ce prix-là préfèrent la discrétion, voire l'anonymat. «C’est le sommet de la chaîne alimentaire de l’horlogerie», résume l'expert.
Enfin, nous le quittons avec une dernière question. Pourquoi la presse suisse semble-t-elle encore si surprise de voir ses modèles au poignet de célébrités, alors que les marques horlogères suisses sont les meilleures du monde? «Surprise, je ne sais pas», glisse Marco Gabella.