Actuellement, les propriétaires suisses se voient facturer un loyer fictif qu'ils doivent déclarer comme revenu aux impôts. En échange, ils peuvent déduire les intérêts débiteurs et les frais d'entretien. Ce système contribue de manière significative aux recettes fiscales des cantons, des communes et de la Confédération. Mais il est mal aimé et sa suppression semblait en bonne voie.
Depuis des années, le Parlement débat d’une réforme afin de supprimer cette imposition controversée. Une solution semblait à portée de main: la commission du Conseil des Etats s’était ralliée à une proposition du Conseil national visant à abolir cette taxe, aussi bien pour les résidences principales que secondaires, tout en éliminant presque toutes les déductions fiscales associées.
Afin de ménager les cantons de montagne, où la proportion de résidences secondaires est élevée, le projet prévoit d’inscrire une nouvelle taxe foncière dans la Constitution pour compenser les pertes fiscales.
Mais ce compromis suscite des résistances, notamment à gauche. Le comité directeur de l'Association suisse des locataires (Asloca) a décidé de recommander le rejet du projet:
Selon les estimations de la Confédération, la réforme entraînerait un manque à gagner de 1,67 milliard de francs par an pour les caisses publiques, à un taux hypothécaire moyen de 1,5 %. «Il n’est pas acceptable de continuer à accorder des avantages fiscaux aux propriétaires au détriment des locataires», soutient Michael Töngi, conseiller national Verts/Lucerne et vice-président de l'Asloca
Toutefois, le comité directeur de l'association s’est pour l’instant limité à recommander le rejet du projet. Le Conseil des Etats doit d’abord se prononcer sur la proposition le 12 décembre, puis le Conseil national devra régler les dernières divergences le 16 décembre avant que le texte ne soit soumis au vote final.
Le résultat pourrait être très serré, car il est fort possible que la variante actuellement proposée soit jugée insuffisante par certains politiciens de droite. En effet, l’Association des propriétaires immobiliers insiste sur le maintien de davantage de possibilités de déductions fiscales et n’a accepté le projet qu’à contrecœur.
Le comité directeur de l’Asloca n'a pas encore sur l’opportunité de lancer un référendum si la réforme est adoptée. «Nous en déciderons le moment venu», confie Michael Töngi. A titre personnel, il n'a pas encore décidé s'il souhaitait rejeter le projet:
Il est très probable qu’un référendum ne soit même pas nécessaire. En effet, l'éventuel impôt sur les résidences secondaires nécessiterait de toute façon une votation, car une modification de la Constitution sera indispensable. Selon la volonté du Conseil des Etats, les deux projets seront liés. Ainsi, la valeur locative ne sera supprimée que si l’impôt sur les résidences secondaires convainc le peuple.
Les partisans de la suppression de la valeur locative auraient fort à faire pour obtenir le soutien des Suisses. En effet, une modification de la Constitution nécessite également une majorité des cantons. Et cela risque d’être une entreprise très difficile. Les cantons de montagne ont déjà annoncé leur opposition. Ils sont peu enclins à accepter la suppression de la valeur locative sur les résidences secondaires et, surtout, les pertes fiscales qui y sont associées.
Dans sa réponse à la consultation, la Conférence gouvernementale des cantons alpins (CGCA) a demandé le «maintien impératif du système actuel». A ses yeux, les pertes seraient trop importantes et il est «difficile d'imaginer» qu'elles puissent être compensées par un nouvel impôt sur le bien. Uri, Obwald, Nidwald, Glaris, Appenzell Rhodes-Intérieures, les Grisons, le Tessin et le Valais font partie de CGCA. Cela fait 6,5 cantons. Pour que la majorité des cantons soit atteinte, il faut au moins 12 voix.
Si l’Asloca recommande le rejet, les choses risquent de devenir compliquées pour les partisans de l’abolition de la valeur locative. Un coup d’œil au dernier dimanche de votations montre que la Suisse romande vote particulièrement en faveur des locataires, et les recommandations du comité directeur pourraient avoir un poids important.
Si Genève, Vaud, Neuchâtel et le Jura disent également non à l’impôt sur les résidences secondaires, celui-ci pourrait déjà être abandonné. Par ailleurs, lors de la consultation, 19 cantons se sont déjà exprimés défavorablement à cette nouvelle disposition constitutionnelle.
Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich