Ce sont des temps difficiles pour la conseillère d'Etat grisonne, Carmelia Maissen. À la tête du Département des infrastructures, de l'énergie et de la mobilité, cette élue du centre a récemment dû superviser l’évacuation du village de Brienz. Tous les habitants ont été contraints de quitter leurs maisons en raison d’un glissement de terrain imminent.
Lundi, Carmelia Maissen s’est rendue dans le Val Mesolcina pour évaluer les conséquences de la violente tempête qui a frappé la région le 21 juin dernier. Ce jour-là, deux personnes ont perdu la vie dans le hameau de Sorte, près de Lostallo. Une troisième personne reste portée disparue. Les intempéries ont provoqué des glissements de terrain, des coulées de boue et des amas de débris, détruisant plusieurs habitations et causant des dégâts considérables. Les infrastructures routières, notamment l’autoroute A13, ont également été sévèrement impactées, certaines routes ayant été fermées pendant plusieurs jours.
Actuellement, 20 personnes ne peuvent toujours pas regagner leurs maisons ou reconstruire leurs propriétés détruites. Et les nouvelles apportées par Carmelia Maissen lundi n’ont pas été rassurantes: un retour à la normale avant deux ans semble impossible. Avant toute réhabilitation, le canton des Grisons doit actualiser ses cartes de dangers. Si la région venait à être classée en zone rouge, un statut indiquant un risque élevé, toute nouvelle habitation y serait strictement limitée, voire interdite.
«La situation est extrêmement difficile pour les habitants, et je le comprends», a déclaré la conseillère d'Etat dans les colonnes de la presse. Une conférence de presse s’est tenue dans l’après-midi, suivie, en soirée, d’une séance d’information pour les résidents à la salle de sport de Lostallo.
Après la catastrophe, le canton a commandé une analyse approfondie des événements. Le bureau géologique geo7, basé à Berne, a étudié 18 des 50 cours d’eau touchés par la tempête. Dans deux tiers des cas, les événements de juin 2024 ont été qualifiés de «majeurs à très majeurs», avec une probabilité de récurrence estimée entre 100 et 300 ans. Cependant, les experts ont constaté que les débris se sont déplacés sur des distances bien plus importantes que celles indiquées dans les cartes de dangers existantes, élaborées en 2013.
Cela signifie-t-il que les autorités ont manqué à leur devoir? «On ne peut pas le dire, car les cartes de dangers existantes datent de 2013 et ont été établies en toute bonne foi», explique Urban Maissen, responsable de l’Office grison des forêts et des dangers naturels.
Selon lui, ces cartes ont été réalisées selon les meilleures connaissances disponibles à l’époque. Et sont en général révisées tous les 10 à 15 ans. Il souligne également que le réchauffement climatique exacerbe ces phénomènes naturels, avec des précipitations plus fréquentes et intenses, ainsi que des instabilités accrues dues au dégel du pergélisol.
Malgré l’installation de structures de protection, les cartes existantes ont partiellement sous-estimé les risques liés aux coulées de débris et de gravats. Ce constat pourrait ouvrir la voie à des poursuites judiciaires, notamment des demandes d’indemnisation de la part des habitants touchés. «Ce n’est pas à exclure», a reconnu Carmelia Maissen.
Elle a toutefois souligné l’importance des infrastructures mises en place. «Il est difficile d’imaginer les conséquences sans ces ouvrages de protection.» Des efforts supplémentaires sont en cours, comme l’élaboration de cartes d’information sur les dangers et les risques, mais l’incertitude demeure.
Dans un contexte de changement climatique, le canton des Grisons, comme le reste de la Suisse, devra continuer à ajuster ses outils et ses stratégies pour faire face à des phénomènes extrêmes de plus en plus fréquents.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)