Nous avons tous été surpris par le froid en sortant dans la rue ce jeudi matin. Est-ce normal?
Le mercure est tombé très bas cette nuit, les valeurs mesurées étaient inférieures à la norme. A cette période de l'année, les températures moyennes sur le plateau oscillent entre -1 et -2°C. Or cette nuit, il a fait -8,7°C à Payerne (VD), -6,1°C à Genève et -10°C à Delémont. Les températures étaient donc nettement plus basses par rapport aux valeurs moyennes, se situant jusqu'à 8°C degrés en dessous.
Des records ont-ils été battus?
Les températures mesurées cette nuit ne sont pas exceptionnelles. A Genève, le record absolu pour un mois de janvier est de -19,9°C (1968), à Sion de -20,2°C (1968), à la Brévine (NE) de -42°C (1907). Même à Pully (VD), qui est une station généralement très chaude, le thermomètre a atteint -16,6°C en 1987, contre «seulement» -4,4°C cette nuit. La station de Vilars-Tiercelin (VD) a battu son record avec -15,6°C, mais il ne date que de 2014.
Les records que vous mentionnez sont assez anciens. Est-ce un hasard?
Non, au contraire. Les records les plus récents commencent à dater de 40 ans et, avec le réchauffement climatique, les battre va devenir difficile. Il faut savoir que tous ces records négatifs sont liés à des vagues de froid, qui deviennent de plus en plus rares et de moins en moins intenses. La dernière a eu lieu en 2012.
L'épisode qu'on vit maintenant peut-il être qualifié de vague de froid?
Pour parler de vague de froid, le mercure ne devrait pas dépasser -5°C à son maximum. Ce n'est pas le cas actuellement: jusqu'à mardi, les températures maximales vont rester au-dessous de la norme et vont osciller entre 0 et -1°C. A partir de samedi, la bise va accentuer la sensation de froid, en faisant plonger les températures maximales ressenties vers -5°C.
On est passé d'une période très douce à des températures négatives en l'espace de très peu de temps. Cet écart est-il normal?
Ce qui était anormal, c'était surtout la chaleur qu'on a vécue ces dernières semaines: des températures de 12°C en janvier sont exceptionnelles. L'écart entre cette période douce et une période froide peut s'expliquer par la variabilité naturelle. Le froid actuel est lié à une masse d'air polaire qui vient de l'Atlantique, alors que les températures élevées étaient dues à un courant provenant du sud de l'Europe et de la mer Méditerranée. Il s'agit de deux airs différents qui, comme l'huile et l'eau, ne se mélangent pas, mais s'affrontent et ondulent.
La présence d'air chaud en hiver va-t-elle se généraliser à l'avenir?
Selon les projections climatiques, les hivers seront de plus en plus doux, humides et marqués par une diminution des vagues de froid. Cette tendance est déjà en cours et s'observe par la baisse du nombre de jours de gel, pendant lesquels la température minimale est négative, et de jours de glace, marqués par des températures maximales négatives. A Genève, les premiers sont passés de 60 en 1960 à 50 aujourd'hui, les deuxièmes de 15 à 5.
Peut-on identifier un moment à partir duquel les températures ont commencé à changer?
Le point de bascule est plus clairement visible pendant les étés. Le palier a été franchi dans les années 1980: à partir de ce moment, les températures ont commencé à augmenter, après avoir été plus ou moins stables pendant un siècle. En hiver, ce changement est moins net. Entre 1990 et 2010, le nombre moyen de jours de gel a même augmenté, avant de chuter méchamment lors de ces douze dernières années. Le point de bascule est donc un peu plus tardif.