En très résumé, un consortium de 48 médias a révélé dimanche que des banques suisses planquaient l’argent de gens méchants durant le 20e siècle. Oui... et?
Carlo Lombardini: Et rien… C’est du ressassé. Comme cela avait été le cas pour les Swissleaks. Je conçois tout à fait que les pratiques bancaires visées ne correspondent plus à nos valeurs contemporaines. Mais à l’époque, ce n’étaient pas les mêmes règles. La société évolue.
A qui ça fait du mal?
A la place financière suisse.
Credit Suisse ne semble pourtant pas beaucoup en pâtir directement. Sur quel plan la banque helvétique – et les autres – pâtit-elle de ces révélations?
Elle subit d’abord un dégât d’image important.
Un dégât d’image si important que ça? En bourse, ça n’a pas l’air catastrophique, et il est difficile de dire que la population s’émeut de l’affaire.
J’ai en effet l’impression que les gens finissent par en avoir un peu ras-le-bol de ce genre de contenus présentés comme de grandes enquêtes. Là où il y a un danger pour les banques, c’est au niveau politique: la gauche va sûrement se saisir de ce dossier et la droite va certainement se défendre assez maladroitement – nous n’avons pas la droite la plus intelligente du monde.
Qui peut être la source, décrite comme un «lanceur d’alerte»?
On n’a pas affaire à un lanceur d’alerte. Un lanceur d’alerte est quelqu’un qui s’aperçoit qu’une société ne respecte pas le droit et qui avertit alors ses supérieurs. Dans le cas qui nous occupe, on a plutôt affaire à un criminel de droit commun.
A qui profite le crime, du coup?
A tous ceux qui n’aiment pas les banques, c’est-à-dire à beaucoup de monde: certains journalistes, la gauche, l’opinion populaire dans une certaine mesure, et bien sûr surtout les concurrents des banques suisses… Mais je ne suis pas certain qu’il y ait un dessein là derrière.
C’est-à-dire?
Je pense que ces personnes envoient des données à certains médias spécifiques parce qu’elles savent que ces médias vont faire un suivi. Autrement, elles transmettraient leurs infos à un procureur, qui déciderait s’il y a matière à faire une enquête ou pas.
En l’occurrence, est-il probable qu’il y ait une enquête pénale?
Non. Il y a des règles de prescription de 5, 10 ou 15 ans qui s’appliquent. Ici, les faits remontent à des dizaines d’années.
Depuis la modification de la loi sur les banques en 2015, les journalistes suisses risquent une condamnation s’ils écrivent sur des données bancaires volées. On peut lire dans des papiers du groupe Tamedia du week-end – dont l’édito d’Ariane Dayer – et dans le communiqué de Reporters sans frontière Suisse notamment, qu’il s’agit d’un danger pour la liberté de la presse et pour la démocratie. Votre avis à ce sujet?
C’est faux. On peut tout à fait publier des affaires sans identifier les noms. Et si ces données proviennent d’infractions pénales, je ne vois pas pourquoi on les promouvrait.
Depuis la chute du Mur de Berlin, plusieurs événements ont participé à la fin du secret bancaire. Lequel a été le plus déterminant selon vous?
Outre les affaires anti-corruption il y a une trentaine d’années et les attaques américaines, le troisième élément le plus déterminant consiste au fond en un changement de perception: avec la crise financière, l’infraction fiscale, qui était plutôt bénigne, s’est transformée en infraction grave.