Morts pour la Palestine. Tués par Israël. C’est peut-être le message le plus fort qui se dégage de l’exposition qu’on peut voir actuellement dans le bâtiment Uni Mail de l’Université de Genève (Unige). «Ce ne sont pas des numéros…», est-il écrit sur un large et long ruban blanc où défilent comme à l’infini les noms d’un tiers des 14 700 Gazaouis tombés sous les bombes israéliennes «depuis le 7 octobre». Depuis le 4 décembre, début de l’exposition qui s’achèvera le 16, le bilan humain s’est encore alourdi, selon les chiffres fournis par le Hamas.
L’installation occupe une bonne moitié du grand hall d’Uni Mail. Tel un mémorial, elle se déploie le long du ruban posé à même le sol, dont l’une des extrémités se redresse, comme tendue vers le ciel, symbolisé par un grand drapeau palestinien suspendu à la passerelle enjambant l’allée centrale du hall.
Un mois après une exposition d’un jour organisée au même endroit par un collectif pro-israélien qui entendait sensibiliser sur le sort des otages, cette exposition consacrée à Gaza et la Palestine est d’une tout autre dimension dans son volume et sa durée. Elle est une charge contre le sionisme à l’origine de l’Etat d’Israël.
Une frise temporelle en français et en anglais épouse la chronologie des événements, du premier congrès sioniste, à Bâle, en 1897, à l’actuelle guerre à Gaza, en passant par la déclaration Balfour de 1917, le plan de partage de la Palestine en 1947, la Nakba l’année suivante, la résolution 242 votée par l’ONU en 1967 qui demandait le retrait des territoires occupés par Israël à la suite de la guerre des Six Jours, la signature des Accords d’Oslo en 1993, la victoire du Hamas aux élections législatives palestiniennes de 2006, suivie du blocus de la bande de Gaza par Israël, etc. Il n’est pas précisé que le Hamas, présenté comme un «mouvement de résistance», est un parti islamiste, ainsi que le suggère pourtant son acronyme au complet: Mouvement de la résistance islamique.
L’exposition est l'œuvre de trois associations étudiantes de l'Unige: l’Association des étudiant-es turco-genevois, l’Association du monde arabe et l’Association musulmane des étudiant-es. Elle ne mentionne pas l’attaque terroriste du 7 octobre dans le sud d’Israël, menée sous les ordres du Hamas, qui a fait 1200 morts, dont 900 civils, à quoi s’est ajoutée la capture de 240 otages. Pourquoi cette absence?
D’une certaine manière, l’exposition palestinienne d’Uni Mail fait pendant aux 43 minutes du film israélien relatant le massacre du 7 octobre, projeté le 1er décembre au Club suisse de la presse, à Genève.
On y voit les visages de personnes mortes à Gaza dans des frappes israéliennes. Ceux de trois jeunes frères, dont deux jumeaux, Mustafa, Yasser et Yazan. Ceux des parents de la petite Julia, qui se retrouve orpheline à 4 ans. Ceux, encore, de nombreux reporters, dont la journaliste Salma Mukhaimer, tuée par un «missile israélien», alors qu’elle était partie «rendre visite à sa famille qui vivait à Gaza».
Dans cette exposition, les jugements de valeurs sont implicites. Les actuels dirigeants israéliens, déclarations à l’appui, certaines très choquantes, y apparaissent comme des criminels de guerre sans que le mot soit dit. Les seuls jugements de valeurs sont ceux de «témoins» de l’histoire du XXe siècle: des déclarations d’Albert Einstein, d’origine juive allemande, dont celle-ci:
Cette citation de l'activiste américain Malcolm X: «L’argument sioniste justifiant l’occupation actuelle d’Israël en Palestine arabe n’a aucune base intelligente ou légale dans l’histoire.»
S., étudiante en sciences politiques, de confession musulmane, est «contente de voir cette expo, ça permet de contextualiser les choses», dit-elle. «Elle donne beaucoup d’infos, on a toute la chronologie, des portraits de gens qui sont morts », ajoute-t-elle.
Selon elle, «l’attaque du Hamas du 7 octobre n’est pas si étonnante que cela face à une situation de répression permanente côté israélien».
Pour Maxime, en master d’études européennes, «la liste des noms des morts à Gaza est très impressionnante».
Responsable de la communication de l’Unige, Marco Cattaneo, reconnait «l’extrême sensibilité du sujet». Il affirme que l’exposition palestinienne mise sur pied dans le hall d'Uni Mail obéit aux critères définis par l’institution en telle occasion:
Le financement de l'exposition, «environ 2000 francs, provient d’une vente de pâtisseries qui a eu lieu le 13 novembre et qui a permis de récolter 4800 francs», affirme le collectif organisateur, joint par watson.