Alain Soral, domicilié à Lausanne depuis octobre 2019, est jugé à la suite d'une vidéo où il a attaqué une journaliste de La Tribune de Genève et de 24 heures, la qualifiant notamment de «grosse lesbienne» et «militante queer». L'intéressée a déposé une plainte pénale en septembre 2021.
Le pamphlétaire repassait devant la justice vaudoise à la suite de l'appel déposé par le Ministère public en février dernier contre le jugement du Tribunal d'arrondissement de Lausanne du 16 décembre 2022.
Pour rappel, ce dernier ne l'avait pas condamné à trois mois de prison ferme pour discrimination et incitation à la haine, comme le soutenait alors le Parquet. Alain Soral avait toutefois écopé de 30 jours-amendes à 50 francs pour diffamation. Il avait été condamné à verser 500 francs pour tort moral à la plaignante et à payer ses frais d'avocat fixés à 7000 francs.
Mercredi, le procès en appel ne concernait donc «que» le volet de discrimination et d'incitation à la haine. Peu avant l'audience, une petite dizaine de personnes se sont rassemblées sous le slogan «contre la haine et la lesbophobie». Elles répondaient à l'invitation des organisations Pink Cross, LOS, Vogay et Lilith.
Sans surprise, les deux parties sont restées très proches de leurs argumentaires de première instance. Le nouveau procureur général Eric Kaltenrieder, dont c'était le premier réquisitoire depuis son entrée en fonction en début d'année, a repris dans les grandes lignes celui de son prédécesseur Eric Cottier.
Il a réitéré que les propos d'Alain Soral étaient «dépréciatifs, rabaissants et discriminants».
Contrairement au premier verdict, il a estimé que les déclarations du prévenu à l'encontre de la journaliste n'étaient «pas une atteinte ciblée et réactionnelle, que rien n'avait été laissé au hasard». «Il s'agit d'une mise en scène réfléchie (...) avec une maîtrise de l'art des mots et de l'art de la communication (...) La ligne rouge a été franchie», a-t-il encore affirmé.
Le Parquet a donc une nouvelle fois requis trois mois de prison ferme, dans une «logique pénale» pour «dissuader le prévenu de récidiver», lui qui a déjà été condamné à une vingtaine de reprises en France, en grande partie pour des infractions liées à la provocation à la haine, diffamation et injure antisémite.
Le procureur Eric Kaltenrieder s'est, lui aussi, appuyé sur la nouvelle disposition du Code pénal (art. 261 bis), approuvée par le peuple en février 2020. Elle permet de sanctionner la propagation de la haine ainsi que les appels à la discrimination ou à la violence fondés sur l'orientation sexuelle, à l'instar des discriminations visant l'ethnie, la religion ou l'origine depuis la norme antiraciste introduite en 1995.
L'avocat d'Alain Soral, Me Pascal Junod, a de nouveau réfuté toute homophobie, évoquant «l'acharnement spéculatif» du Ministère public et «un procès d'inquisition assez épouvantable».
L'article en question a été la «goutte qui a fait déborder le vase dans un contexte de harcèlement médiatique avant même l'installation de Monsieur Soral en Suisse», a expliqué l'avocat de la défense. Il s'agit d'une réaction envers une journaliste et non envers toute la communauté LGBT, selon lui. Il a donc écarté toute idée de «propagation d'idéologie».
Me Junod a encore relevé que «l'enjeu de ce procès» était d'obtenir «une jurisprudence Soral sur l'homophobie» en Suisse. Il a redemandé l'acquittement pour son client. Si une peine devait être prononcée, il a insisté pour qu'elle soit «clémente» et donc assortie du sursis.
De son côté, Alain Soral a reconnu des «propos un peu virulents».
Le dispositif du verdict sera communiqué aux parties dans les cinq jours. (mbr/ats)