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Justice

Un clan bulgare jugé pour avoir fait mendier ses esclaves

Le clan bulgare est accusé d'avoir fait mendier des personnes vulnérables pour se remplir les poches.
Le clan bulgare est accusé d'avoir fait mendier des personnes vulnérables pour se remplir les poches. (image d'illustration)Image: KEYSTONE

Un clan bulgare accusé d'être le «Pablo Escobar de la mendicité»

Un trio bulgare aurait gagné des centaines de milliers de francs avec «ses» mendiants, y compris en Suisse. Un procès retentissant pour trafic d'êtres humains est en cours à Genève.
23.04.2024, 16:4623.04.2024, 20:43
Julian Spörri / ch media
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Un procès pour traite d'êtres humains s'ouvre cette semaine à Genève et fait grand bruit dans toute la Suisse. Un clan familial bulgare est accusé d'avoir recruté dans son pays d'origine des personnes issues de milieux précaires et les avoir fait mendier pour lui à Genève et à Lausanne, entre autres. C'est ce que montrait une enquête de CH Media, le groupe auquel appartient watson.

Un fils et son cousin ont été condamnés à des peines de prison de plusieurs mois. Le père (52 ans) ainsi que son épouse (53 ans) et un autre fils (34 ans) doivent répondre depuis lundi de leurs actes devant le Tribunal correctionnel de Genève. Le ministère public reproche au trio d'avoir gagné plusieurs centaines de milliers de francs avec «leurs» mendiants. L'argent aurait été investi dans des jeux de hasard et dans la rénovation de la maison familiale en Bulgarie.

«Avec le cas genevois, nous espérons acquérir de nouvelles connaissances sur la manière exacte dont se déroule le processus de recrutement et sur l'exploitation de la dépendance des mendiants»
Alexander Ott, chef de la police des étrangers de Berne et expert dans la lutte contre la traite des êtres humains.

Le fils accuse son père

En effet, bien que l'exploitation dans le cadre de la mendicité de rue soit soupçonnée dans de nombreuses villes suisses, il est rare que des cas soient portés devant les tribunaux. Un problème de taille: les mendiants sont des personnes vulnérables qui ne font normalement pas de déclaration à la police – et si elles en font, elles ne les répètent pas au tribunal.

Il en va autrement dans l'affaire genevoise. Une mendiante et un mendiant ont décidé de témoigner contre le trio de Bulgares. Ils ont déposé plainte. Ce qui est particulier, c'est que l'homme en question est le troisième fils du couple incriminé. Selon l'acte d'accusation, le père l'aurait envoyé mendier en Grèce dès l'âge de onze ans, parfois en usant de violence physique et psychologique. Une cicatrice due à un coup de couteau sur son bras en serait la preuve. Le parquet estime que le père a gagné environ 125 000 francs entre 2011 et 2015 grâce à son fils mendiant.

L'homme nie les faits devant le tribunal: «Je n'ai jamais demandé à ma femme ou à mes enfants de mendier». Ils l'auraient fait de leur propre initiative. Plus tard, le Bulgare ajoute en larmes:

«Je n'ai fait de mal à personne. J'ai toujours veillé au bien-être de mes enfants»

En Suisse, il fait bon mendier

Après un séjour en Grèce, la famille a tenté sa chance dans la moitié de l'Europe à partir de 2015. D'abord en Autriche et au Danemark, puis à Toulouse, et depuis 2018 à Genève. Le père a expliqué au tribunal avoir constaté que la Suisse était un «endroit plutôt calme» pour mendier. Selon lui, il n'y a toutefois pas plus à gagner que dans d'autres pays.

Si l'on en croit le ministère public, un véritable business s'est développé. L'acte d'accusation énumère plus d'une demi-douzaine de personnes que le clan aurait envoyées mendier à Genève ou à Lausanne, pour des durées variables, mais selon le même processus. Les victimes présumées auraient été choisies en Bulgarie en raison de leur vulnérabilité et de leur isolement, puis hébergées en Suisse dans des logements d'urgence.

Un exemple est celui d'un Bulgare alcoolique avec des problèmes financiers. Le père de famille incriminé l'aurait «acheté» pour 100 francs et utilisé dans les rues de Genève. Selon l'accusation, le mendiant a gagné entre 50 et 100 francs par jour durant l'été 2021 – montant qu'il devait remettre au clan. Seuls ses besoins de base étaient couverts.

Traite d'êtres humains et complicité

Selon le ministère public, le recrutement et la planification de l'intervention auraient été l'affaire du père et, dans une moindre mesure, de son fils de 34 ans. La mère aurait quant à elle participé à la surveillance, c'est-à-dire qu'elle aurait vérifié l'éthique de travail des mendiants. Les deux hommes sont donc accusés de traite d'êtres humains et la femme de complicité.

La défense rejette ces accusations. Seuls les éléments constitutifs de l'infraction de séjour illégal en Suisse sont reconnus par les accusés.

«On insinue que mon client est le "Pablo Escobar de la mendicité" à Genève et à Lausanne. Pourtant, son arrestation en août 2021 n'a en aucun cas signifié la fin de la mendicité de la communauté rom dans la région».
L'avocat Jonathan Cohen.

La défense fera ses plaidoiries dans le courant de la semaine. Le procès durera jusqu'à jeudi. En cas de condamnation, des peines de prison allant jusqu'à dix ans pourraient être prononcées.

Traduit et adapté par Tanja Maeder

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Video: watson
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