Le verdict de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral était clair: non, le Ministère public de la Confédération n'avait pas le droit d'autoriser l'étude d'avocats genevoise Oberson Abels à consulter les dossiers d'une enquête pénale. La décision est tombée en décembre dernier. L'étude ne constitue en effet pas une «autorité», comme l'exige le code de procédure pénale, et aucun intérêt suffisant n'avait été démontré pour l'accès à des dossiers par des tiers.
Mandatée par la Confédération, Oberson Abels mène une enquête administrative sur une «fuite de données» au sein de la société de logiciels Xplain. Selon le département fédéral des Finances (DFF), il examine «si l'administration fédérale a rempli ses obligations de manière adéquate lors de la sélection, de l'instruction et de la surveillance de Xplain AG ainsi que de la collaboration avec cette entreprise».
Tout a commencé en mai 2023. Le groupe de hackers Play s'était emparé de quelque 900 gigaoctets de données appartenant à la Confédération et aux cantons. Ces données parfois sensibles étaient gérées par la société informatique Xplain, dans l'Oberland bernois et elles avaient fini sur le Darknet. Xplain fournit des solutions logicielles dans le domaine de la sécurité interne à diverses autorités. Depuis, l'affaire fait l'objet d'enquêtes simultanées à différents niveaux. Et certaines d'entre elles semblent se télescoper.
On ignore pourquoi le Ministère public de la Confédération a accepté que le cabinet Oberson consulte les dossiers. L'un des avocats de l'étude travaillait encore pour le ministère il y a peu et cela a peut-être joué un rôle. Joël Pahud était l'un des procureurs de la Confédération qui ont fait avancer les procédures bancales liées à la FIFA.
Joël Pahud réfute cette affirmation, mais il était en tout cas un proche confident d'Olivier Thormann, alors chef de la division des affaires économiques et financières au sein du Ministère public de la Confédération, aujourd'hui juge à Bellinzona. Mais c'est une autre histoire.
Quoi qu'il en soit, l'étude genevoise Oberson a manifestement eu du mal à se procurer du matériel pour son enquête administrative. Elle a recouru à une méthode peu conventionnelle pour dénicher des informations.
Le 7 novembre 2023, les collaborateurs d'Xplain ont reçu par email une invitation de l'étude genevoise à fournir des renseignements. Le courriel, rédigé en français et cosigné par Joël Pahud, n'était pas personnalisé, mais seulement adressé à «Madame, Monsieur».
Les personnes intéressées pouvaient se manifester «par retour d'email» si elles souhaitaient répondre à des questions. Un geste qui feraient peut-être de ces personnes des lanceurs d'alerte dénonçant la Confédération - ou qui que ce soit d'autre.
On ne sait pas exactement à qui ce message a été envoyé et quelles en ont été les retombées. Contactés, les enquêteurs ne nous avaient pas encore répondu jeudi. Le patron d'Xplain Andreas Löwinger dit ne pas avoir eu connaissance de cet envoi groupé:
Mais une réponse plus officielle avait précédé cette affirmation officieuse:
Les informations voulues se seraient de toute façon déjà trouvées «pour l'essentiel» en possession de l'administration fédérale ou auraient déjà été incluses dans d'autres enquêtes. Par la suite, l'étude genevoise aurait tenté sa chance directement auprès de certains collaborateurs.
Une chose est sûre: le cabinet Oberson n'est pas le seul sur l'affaire. Le Ministère public de la confédération et le préposé fédéral à la protection des données investiguent aussi sur cette même affaire. Selon l'ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA), il faut éviter les conflits entre les différentes recherches:
Les conclusions et les recommandations devraient bientôt être dévoilées. Selon une porte-parole du département des Finances, le Conseil fédéral en sera informé dans les prochaines semaines, afin qu'il puisse décider des suites à donner à l'enquête administrative. Le rapport final devrait être publié dans la foulée. La procédure du ministère public de la Confédération est, elle, encore en cours.
(Traduit et adapté de l'allemand par Valentine Zenker)