Suisse
mariage pour tous

Mariage pour tous: la PMA, ça fonctionne comment?

Après avoir s'être rendues à l'étranger, Jennifer (à gauche) et Séverine (à droite) vont bientôt devenir mamans.
Après avoir s'être rendues à l'étranger, Jennifer (à gauche) et Séverine (à droite) vont bientôt devenir mamans.watson

La PMA, qu'est-ce que cela implique? Un couple nous raconte

En Suisse, les couples de femmes n’ont pas encore accès à la procréation médicalement assistée (PMA), mais cela changera en cas de «oui» à la votation pour le mariage pour tous. Encore aujourd'hui, il faut enjamber la frontière pour y avoir accès. Séverine nous raconte son expérience en France.
20.09.2021, 12:1724.09.2021, 14:44
Suivez-moi
Plus de «Suisse»

Le 26 septembre prochain, les Suisses se prononceront sur le mariage pour tous, un projet de mariage civil qui inclut l’accès à la PMA pour les couples de femmes. Aujourd’hui, en Suisse, les couples de femmes n’ont pas accès à la PMA. Entreprendre cette démarche n’est possible que pour les couples hétérosexuels, et ce, pour remédier à une infertilité. La solution? Partir à l’étranger.

Comme nous le confirme Séverine, avec qui nous avons pu en discuter, les femmes n’ont pas attendu que la loi du mariage pour tous entre en vigueur en Suisse pour y avoir recours. Rien qu’en 2019, plus de 500 femmes du pays ont eu recours à la PMA à l’étranger.

Loin d’être une procédure anodine, la PMA implique des coûts financiers et émotionnels conséquents, dont les couples de femmes ont bien conscience. On en a discuté avec Séverine, qui a eu recours à cette technologie en France.

Séverine, quel bilan tirez-vous de votre expérience?
Je dis toujours qu'on a eu de la chance, parce que ça a quand même fonctionné au final. On n'a pas eu quatre essais infructueux pour finir par se dire qu’on a fait tout ça pour rien. C'est vrai qu'on a dû se débrouiller un peu toutes seules au début, mais ça s'est bien passé. C'était relativement rapide, puisqu'en un an, j'ai pu faire deux tentatives qui ont été positives. Seule la deuxième a abouti.

Par quoi commence la procédure ?
Je me suis d’abord tournée vers mon gynécologue, ici, en Suisse. Il n’était pas du tout ouvert sur le sujet. J'ai eu droit à une leçon de morale, mais aucun renseignement de sa part. C'était un peu : «débrouillez-vous». Du coup, on est passé par une amie d’amie, qui elle-même a eu recours à la PMA, et qui m'a orientée vers une banque de sperme au Danemark. Il faut savoir qu'aujourd'hui, on ne peut plus recevoir les échantillons à la maison. Il faut se rendre dans une clinique ou chez un gynécologue. Et, pour nous, la clinique la plus proche, c’était à Lyon, en France.

Et, ensuite?
Il faut choisir: une fécondation in vitro (FIV) ou une insémination artificielle. Nous, on a choisi la deuxième option. On vous injecte directement l’échantillon de sperme, comme un acte sexuel «normal». Et ensuite... c’est la nature qui fait le travail quoi! Ma première tentative date de l'été 2020. Je suis tombée enceinte, mais malheureusement, huit semaines plus tard, j’ai fait une fausse-couche. Après avoir laissé passer quelques mois, on a retenté notre chance, toujours dans la clinique lyonnaise, au début de cette année. Il faut savoir que j'ai passé 40 ans: c'était maintenant ou jamais!

Niveau logistique, ça se passe comment ?
Tout est une histoire de timing. Normalement, je devais compter dix jours de stimulation hormonale quotidienne par injection, pour finir par une dernière injection, afin de déclencher l’ovulation sous 36h. Sauf que, au bout du huitième jour, mon gynécologue m’a dit que j'étais déjà prête! Résultat: accélérer le processus d'ovulation et me rendre à la clinique à Lyon sous 36h. Le stress! J’ai presque renoncé, car je ne pensais pas arriver dans les temps.

Quels critères peut-on choisir?
Alors là, il y a mille critères! On peut choisir l’ethnie, la couleur des yeux, la couleur des cheveux plus ou moins, la taille, mais pas le sexe. On peut aussi aller vraiment dans le détail et mieux connaître le donneur, consulter ses tests psychologiques, savoir s'il porte des lunettes ou des allergies. De notre côté, on a voulu que ça reste le plus naturel possible, on avait un seul critère: comme ma compagne est portugaise, on s'est dit qu'on voulait plutôt un latino, un Espagnol. On aurait pu demander à voir une photo de lui adulte, mais on a dit non. En revanche, avoir accès à des photos de lui bébé c'était plutôt sympa, parce que ça donne déjà une idée.

Combien ça coûte?
En comptant les frais de voyages, les frais médicaux et aussi les tests PCR qu’il a fallu faire pour voyager entre la France et la Suisse, on est aujourd’hui autour de 6 000, 7 000 euros. Il faut savoir que 2 000 euros en France, c’est plus que le salaire moyen. Nous avions non seulement la chance de pouvoir compter sur un salaire suisse, mais on avait aussi mis de côté. Donc, oui, ça a un coût. Difficile d'imaginer le refaire cinq ou six fois!

C’est vraiment une grossesse sur commande. Comment on se prépare à ça?
Alors c’est vrai que c'était assez frustrant. Il n’y avait pas ce côté «magique», car tout est programmé, tout est médicalisé. Vous n’êtes pas seul dans le processus et ça enlève ce côté de surprise, de magie. Mais on n'a pas le choix. La deuxième fois, on a choisi de ne pas en parler autour de nous, pour au moins pouvoir faire la surprise à nos familles.

Et vous seriez partantes pour un deuxième enfant ?
Oui, on a d’ailleurs déjà réservé un échantillon du même donneur pour ma compagne, en France, pour que nos deux enfants aient des gènes communs. Il est clair que si c'était légal, nous aurions fait la première démarche en Suisse et la deuxième aussi. Mais puisqu'on veut le même donneur, on n'a pas le choix que de retourner en France.

À la naissance, comment ça va se passer ?
Pour le moment, ma compagne n’a aucun droit. C'est frustrant, car aux yeux de la loi, elle n'existe pas. Et même au niveau du congé paternité, elle n'a droit à rien, donc elle va devoir prendre un congé non payé. En attendant que la loi soit adoptée, on voulait faire un partenariat enregistré, sauf que pour y avoir accès, il faut trois ans de vie commune officielle, donc un bail commun. Même si nous sommes ensemble depuis environ trois ans, jusqu'à l'année dernière le bail n'était qu'à mon nom. On attend vraiment que cette loi soit adoptée et qu’elle soit mise en application rapidement pour qu’on puisse régulariser tout ça.

Vous vous sentez visée par la campagne du «non» au mariage pour tous?
Ils pensent qu’une famille c’est une maman et un papa. Moi je me dis qu’il faut quand même regarder autour de nous: il y a des couples séparés, des familles monoparentales. D’ailleurs, pour nous, le géniteur reste un géniteur. Pas un papa. Un papa, c’est quelqu’un qui élève un enfant. Cette campagne m'avait mise un peu hors de moi parce que je me suis rendu compte qu'on n'était vraiment pas reconnues, ni soutenues.

D'autres témoignages qui devraient vous intéresser:

50 ans du suffrage féminin
1 / 15
50 ans du suffrage féminin
En 1928, les femmes se plaignaient déjà de la lenteur de la Suisse concernant ce droit de vote paritaire. Elles ont amené un escargot avec l’inscription «droit de vote des femmes», à l’Exposition nationale suisse du travail féminin.
source: archives sociales suisse
partager sur Facebookpartager sur X
Immersion dans la Geneva Pride, le 11 septembre 2021
Video: watson
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Le patron d'UBS a perçu plus de 14 millions pour neuf mois de travail
Celui qui a été rappelé auprès d'UBS pour régler la liquidation de Credit Suisse a touché une forte somme pour neuf mois de travail, en 2023.

Le directeur général d'UBS Sergio Ermotti, débauché en urgence de la présidence de Swiss Re en avril 2023 pour piloter l'intégration de Credit Suisse, a perçu l'an dernier un total de 14,4 millions de francs entre salaire fixe et boni divers.

L’article