Ce week-end, l'été a fait son grand retour en Suisse: à Sion et à Genève, les températures maximales ont oscillé autour des 34°C, et des valeurs caniculaires ont été mesurées à plusieurs endroits au sud des Alpes. Cette nouvelle vague de chaleur fait suite à trois semaines marquées par des températures plutôt basses et des averses répétées.
Si cette période a démoralisé les amants des températures estivales, elle n'a pas non plus échappé à une autre catégorie de personnes: celles et ceux remettant en cause, de manière plus ou moins directe, le réchauffement climatique. «Où est cette canicule SVP?», nous écrivait par exemple un lecteur, réagissant à un article sur la chaleur en Suisse. «La nature qui fait bien les choses est aussi taquine cette année, car dès que les médias étalent leurs prédictions alarmistes, mère-nature nous offre un été clément», nous reprochait-il.
Sur les réseaux sociaux également, nombreux sont les commentaires, les mèmes et les publications allant dans ce sens. Des propos dénonçant l'«alarmisme» de médias et scientifiques, niant la canicule et, parfois, même le réchauffement climatique, en raison des températures clémentes.
Le phénomène a également été observé en France. Début août, Libération évoquait des «climatosceptiques» qui, à l'instar du directeur général du Rassemblement national, Gilles Pennelle, «pensent avoir trouvé un argument décisif pour taper sur ces "grands gourous du catastrophisme climatique"».
Pourtant, ces quelques semaines de frais «ne contredisent en rien les prévisions des scientifiques sur le réchauffement en cours», affirmait le quotidien français. Y compris en Suisse. «Ces dernières semaines, il y a effectivement eu un refroidissement», reconnait André-Charles Letestu, de MétéoSuisse:
D'autant plus que les valeurs moyennes mesurées, depuis début août, restent dans la norme. Selon les relevés de MétéoSuisse, la température moyenne maximale enregistrée à Genève du 1er au 13 août 2023 est de 26,9°C, tandis que la norme 1991-2020 se monte à 27,0°C sur la même période. Les stations de Payerne (25,3°C contre 25,8°C) et de Neuchâtel (25,1°C contre 25,5°C) montrent une situation similaire.
Face à cette situation, le spécialiste rappelle qu'il faut toujours mettre ces données dans un contexte plus global:
Car, au-delà des températures ressenties, les chiffres parlent clairement. Juillet 2023 a été le mois le plus chaud jamais observé au niveau mondial depuis le début des mesures, en 1940. Par rapport à la moyenne de la période préindustrielle 1850-1900, juillet 2023 a enregistré une anomalie de +1,5°C, selon les données du service climatique européen Copernicus. 2023 est actuellement la troisième année la plus chaude à ce jour, avec 0,43°C de plus que la moyenne récente.
«Il est toujours utile de regarder ce qu'il se passe ailleurs», complète André-Charles Letestu. «Même s'il a fait frais dans certaines parties de Suisse, plusieurs records de chaleur ont été battus dans le reste de l'Europe». C'est notamment le cas dans plusieurs pays du bassin méditerranéen:
Ailleurs sur la planète, les records s'enchaînent. Une température de 52,2°C a été mesurée, le 16 juillet, en Chine. A la fin du mois dernier, Tunis et Alger battaient leurs records absolus avec des valeurs atteignant 49°C.
En Suisse également, l'été 2023 a, jusqu'à présent, été plutôt chaud. «En moyenne nationale, juillet a dépassé de 1,4°C la norme 1991-2020. Il s’agit du 11ᵉ mois de juillet le plus chaud depuis le début des mesures en 1864», écrit MétéoSuisse dans son dernier bulletin climatologique. Pour ne pas parler de 2022, «l'année la plus chaude et la plus ensoleillée jamais mesurée dans notre pays».
Il y a, en somme, une confusion entre météo et climat, la première ne reflétant pas forcément le deuxième. De plus, comme le rappelle André-Charles Letestu, la hausse des températures n'est pas le seul effet du réchauffement climatique. «Plus généralement», développe-t-il, «celui-ci augmente la probabilité d'avoir des extrêmes». Là encore, les exemples récents ne manquent pas.
«Pour observer l'évolution du climat, nous nous basons sur des périodes climatologiques de 30 ans», conclut le spécialiste de MétéoSuisse. «De même, nous n'observons pas une seule station en Suisse, mais plusieurs stations disséminées sur tout le territoire. Cela permet de voir comment les choses changent au niveau global».