Vérification de l'équipement. Un, deux, trois. Et c'est parti! C'est à peu près ce qu'il se passe avant qu'un base-jumper ne se lance dans le vide. Il n'y aurait qu'environ 2000 courageux dans le monde à pratiquer ce sport. Nombre d'entre eux ont déjà été attirés par la vallée de Lauterbrunnen, dans le canton de Berne. Avec ses falaises pouvant atteindre 400 mètres de haut, son panorama à couper le souffle et ses plus de 10 sites de saut, la région est considérée comme la Mecque des base-jumpers.
Malheureusement, tout ne se passe pas toujours bien lors de sauts pareils. Depuis 1981, 65 sportifs de l'extrême ont été victimes d'un accident mortel dans la vallée, selon la «Base Fatality List» gérée par les milieux du base-jump. Plus d'un décès en base-jump sur deux en Suisse (114 décès) et presque un sur sept dans le monde (460 décès) a donc eu lieu à Lauterbrunnen.
Cette année, six décès ont déjà été enregistrés. Début août, un sauteur allemand est mort après avoir heurté une paroi rocheuse et chuté pour une raison encore inconnue en dessous de la zone d'élan «High Ultimate». Lundi dernier, un homme est décédé sur les hauts de Collonges, en Valais. Son corps a été découvert dans un torrent, deux jours plus tard.
En moyenne, ces dix dernières années, trois base-jumpers sont morts chaque année dans la vallée de Lauterbrunnen en pratiquant leur passion. Dans toute la Suisse, ils étaient près de sept. Comparé à d'autres causes de décès dans le sport, le base-jump n'est donc pas extrêmement dangereux en chiffres absolus. A titre de comparaison, la randonnée en montagne tue environ 50 personnes par an en Suisse, et les accidents mortels de baignade sont au nombre de 46 par an.
Bien sûr, les randonneurs et les nageurs sont bien plus nombreux que les adeptes de base-jump. Quel est donc le véritable danger de ce sport? Selon Marcel Geser, président de la Swiss Base Association (SBA), environ 20 000 sauts sont enregistrés chaque année dans la vallée de Lauterbrunnen. Cela signifie qu'en moyenne, un base-jumper y est victime d'un accident mortel tous les 7000 sauts environ. Il s'agit toutefois d'un calcul peu fiable.
Il existe peu d'études scientifiques sur le sujet: des chercheurs norvégiens ont analysé 20 850 sauts en base-jump sur 11 ans, entre 1995 et 2005. Neuf décès ont été enregistrés, ce qui correspond à un décès pour 2317 sauts. Des scientifiques suisses ont étudié rétrospectivement les blessures liées au base-jump dans la vallée de Lauterbrunnen entre 2007 et 2016 et sont arrivés à un décès pour 1250 sauts.
Selon le Bureau suisse de prévention des accidents (BPA), le risque d'accident en base-jump est «incroyablement élevé». L'institution estime qu'en Suisse, un base-jumper sur 60 est victime d'un accident mortel chaque année. Là encore, une comparaison s'impose: en parapente, environ une personne sur 2000 est victime d'un accident mortel chaque année. En randonnée, c'est une personne sur 80 000.
Bien sûr, le risque peut varier fortement d'un base-jumper à l'autre. Il est certainement plus faible chez les sauteurs expérimentés de la région, qui connaissent les sites de saut et les conditions météorologiques, que chez les touristes qui viennent en Suisse pour quelques jours et souhaitent effectuer un maximum de sauts pendant cette période.
Mais un certain risque résiduel subsiste pour tous. En effet, d'après les statistiques, le parachute ne s'ouvre pas correctement dans un cas sur 3000 en moyenne, ce qui est souvent fatal pour les base-jumpers qui n'en ont qu'un.
Les base-jumpers sont parfaitement conscients du danger auquel ils s'exposent en pratiquant leur sport. «Tous ceux qui pratiquent ce hobby savent qu'ils prennent un grand risque», expliquait le président de la Swiss Base Association (SBA) en avril dernier dans une interview accordée à Bärn Today.
Par «cela», Marcel Geser entend un accident mortel. Mais il ne pense pas à arrêter pour autant . «Le base-jump m'apporte tellement de choses et me rend si heureux que je suis prêt à prendre ce risque.»
Le passionné de base-jump a anticipé certaines choses au cas où il décéderait. «J'ai fait tous les papiers nécessaires pour que ma petite amie et ma famille n'aient pas de problèmes inutiles s'il m'arrivait quelque chose», poursuit-il.
Pour Marcel Geser, le base-jump est plus qu'un simple sport - «c’est un style de vie». «On ne peut pas le pratiquer comme ça, en passant», affirme-t-il.«Tu dois te familiariser avec le matériel et la météo, connaître les lieux de saut et analyser les accidents qui se produisent. C'est un loisir qui prend beaucoup de temps, mais il suscite énormément d'émotions.»
C'est pourquoi il n'est pas si facile d'arrêter, selon lui. «Beaucoup arrêtent quand ils se blessent ou parce qu'ils y perdent un ami. Il n'y en a pas beaucoup qui disent "j'ai vu, maintenant j'arrête".»
Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich