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Energie: les pro-nucléaires profitent de la peur des pénuries

Comment les pro-nucléaires profitent de la peur des pénuries d'électricité
De nouvelles centrales nucléaires pour la Suisse? Une nouvelle initiative veut lever l'interdiction de construire.image: Shutterstock

Comment les pro-nucléaires profitent de la peur des pénuries d'électricité

L'initiative «Stop au blackout» veut lever l'interdiction de construire des centrales nucléaires. Ce faisant, elle profite de la menace de pénurie d'électricité, explique le politologue Marc Bühlmann.
02.09.2022, 06:0702.09.2022, 08:17
Dennis Frasch
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Le mouvement antinucléaire, apparu avec les baby-boomers, commence-t-il à accuser son âge? Depuis plus de 50 ans, partisans et opposants se chamaillent sur le sens et le non-sens de l'énergie nucléaire. Avec l'adoption de la Stratégie énergétique 2050, on pouvait penser son sort scellé. Pourtant, à l'heure où la pénurie d'électricité menace, l'énergie nucléaire est en train de prendre un nouvel essor.

C'est ainsi qu'a débuté, mardi, la collecte de signatures pour l'initiative populaire «Du courant pour tous, en tout temps (Stop au blackout)». Derrière ce titre quelque peu énigmatique se cache la tentative de supprimer à nouveau l'interdiction du nucléaire de la Constitution suisse.

Que veut l'initiative?

L'initiative «Stop au blackout» demande un «approvisionnement en électricité sûr, autonome et propre». La demande vise à revenir sur l'interdiction de construire des centrales nucléaires.

Concrètement, deux points de la Constitution fédérale seraient modifiés. Le premier est libellé comme suit: «L'approvisionnement en électricité doit être garanti en tout temps. La Confédération fixe les responsabilités à cet effet». Ce que cela signifie exactement n'est pas définitivement clair. «C'est une question d'interprétation», explique Marc Bühlmann, politologue à l'université de Berne. «En cas d'acceptation, le Parlement définirait la mise en œuvre».

Christian Imark, conseiller national UDC et co-initiateur de l'initiative, a déclaré à la SonntagsZeitung:

«Nous constatons que le marché libre et les groupes électriques peuvent certes garantir l'exploitation des centrales existantes, mais ne peuvent pas assumer la responsabilité de la sécurité d'approvisionnement».

Le comité d'initiative est donc convaincu que la Confédération devrait être en mesure de construire des centrales nucléaires en toute autonomie.

Mais pour cela, il faudrait d'abord que l'interdiction des centrales nucléaires soit annulée. L'initiative veut ancrer dans la Constitution la disposition suivante:

«La production d'électricité doit être respectueuse de l'environnement et du climat. Tous les modes de production d'électricité respectueux du climat sont autorisés.»

Bühlmann estime que la formulation est une manœuvre intelligente: «On le montre aux gens dès le texte de l'initiative: L'électricité nucléaire est, entre guillemets, neutre pour le climat, verte et respectueuse de l'environnement. Du moins à première vue».

Que disent les partisans?

Vanessa Meury, présidente du comité d'initiative, a déclaré à la SonntagsZeitung que les centrales nucléaires sont indispensables à la sécurité de l'approvisionnement. Elles préservent le climat et l'environnement. En cas de oui, l'interdiction de construire des centrales nucléaires devrait être supprimée de la loi sur l'énergie nucléaire. «L'initiative a pour but de faire tomber l'interdiction technologique».

La Suisse veut «abandonner sans nécessité la combinaison de l'énergie hydraulique et de l'énergie nucléaire, respectueuse de l'environnement et du climat», peut-on lire sur le site Internet du comité d'initiative. Le fait que des centrales à gaz doivent maintenant être construites dans le cadre du tournant énergétique pour pallier les pénuries d'électricité «est absurde dans le contexte du changement climatique».

Le conseiller national PLR Marcel Dobler va dans le même sens: les nouvelles centrales nucléaires sont une opportunité pour couvrir les besoins futurs en électricité avec du courant indigène et climatiquement neutre.

Quels sont les arguments des opposants?

L'annonce du lancement de l'initiative a déjà effrayé de nombreux opposants dimanche. Une alliance interpartis de parlementaires s'est également exprimée. Ils ont parlé d'un «acharnement inutile».

Compte tenu du potentiel des énergies renouvelables, «il n'y a pas besoin de nouvelles centrales nucléaires non finançables que personne ne veut construire», indique l'alliance dans un communiqué. Elle a été signée, entre autres, par le conseiller aux Etats PLR Ruedi Noser, le conseiller national du centre Gerhard Pfister ainsi que le conseiller national PVL Jürg Grossen.

Aeesuisse, l'organisation faîtière de l'économie pour les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique, parle, elle aussi, d'une «nébuleuse nocive du lobby nucléaire». En effet, après de longues hésitations, la grande majorité des politiques s'emploie, désormais, à améliorer les conditions-cadres pour le développement des énergies renouvelables: une nécessité absolue.

Aucune centrale nucléaire ne pourrait être construite dans un délai raisonnable, si tant est qu'elle puisse être financée. En revanche, des centrales renouvelables sont raccordées, chaque jour, au réseau électrique, fournissant de l'énergie et contribuant ainsi concrètement à la sécurité de l'approvisionnement, écrit Aeesuisse.

L'initiative profite-t-elle de la pénurie d'électricité actuelle?

L'initiative arrive à un moment très opportun pour elle, estime Marc Bühlmann de l'Université de Berne. «La politique vit du contexte. C'est évidemment un avantage si la société parle déjà d'un sujet qui entre maintenant sur la scène politique».

Il faut, toutefois, garder à l'esprit que l'idée n'est pas nouvelle. «Le lobby nucléaire tente déjà de renverser l'interdiction des centrales nucléaires depuis la votation sur la stratégie énergétique 2050», explique Bühlmann:

«Ils ont choisi un moment qui leur a permis de générer un maximum d'attention. C'était tactiquement intelligent»

Si le manque d'énergie n'était pas un sujet aussi important en ce moment, l'énergie nucléaire paraîtrait un peu démodée.

Quelles sont les chances du texte?

Il n'est pas encore possible de dire quelles sont les chances de l'initiative à l'heure actuelle, estime Bühlmann. Des années pourraient encore s'écouler avant que le projet ne soit soumis au peuple.

Les premiers indices existent, toutefois, déjà. Selon un nouveau sondage réalisé par l'institut Leewas pour le compte de Tamedia, seules 39% des personnes interrogées se déclarent favorables à la construction de nouvelles centrales nucléaires.

Notons, pour finir, que le fossé entre la gauche et la droite est grand. Chez les Verts ou les socialistes, seuls 7% respectivement 11% sont favorables à la construction de nouvelles centrales nucléaires. Au PLR et à l'UDC, ils sont respectivement 56% et 73%. Le Centre, quant à lui, devrait faire pencher la balance. Mais, pour l'instant, seuls 30% des électeurs du centre se prononcent en faveur de nouvelles centrales nucléaires.

Mais cela pourrait encore changer, dit Bühlmann. «Si on m'avait posé la question il y a six mois, j'aurais dit que l'initiative n'avait aucune chance». Mais maintenant, la situation est déjà différente. Les chances de succès du projet dépendent de l'évolution des prochains mois. «Si nous passons cet hiver sans dommages, l'énergie nucléaire fera face à une situation plus difficile». Mais, en revanche, s'il y a des pannes de courant, cela devrait donner un nouvel élan à l'initiative.

Traduit de l'allemand par Nicolas Varin

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