«C'est une décision claire. La géologie a parlé.» Voici ce qu'a déclaré, lundi, Matthias Braun, patron de la Société coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs (Nagra), devant la presse à Berne. Le nord du Lägern, sur la commune zurichoise de Stadel, est le meilleur site sur les trois encore en lice, a-t-il affirmé.
Avec ce projet, l'Office fédéral de l'environnement (Ofev) espère rejoindre le club très fermé des pays capables de réaliser le stockage en couches géologiques profondes, rappelle Le Temps. Pourtant, depuis l'annonce de cette révolution, des craintes et des critiques se sont élevées en Argovie et en Allemagne. Voici tout ce que vous devez savoir.
Le nord de Lägern se trouve dans le canton de Zurich et à la frontière du canton d'Argovie. L'Allemagne se situe à quelques kilomètres de la zone.
Il est considéré comme «le site le plus sûr» pour un dépôt en couches profondes de déchets radioactifs. D'après la Nagra, dans le sous-sol du Lägern, la couche d'argile à Opalinus est très dense. Elle constitue la principale barrière géologique pour ce dépôt. Elle lie les matériaux radioactifs et se répare d'elle-même en cas de fissure.
D'autant plus que, sur les trois derniers sites évalués, c'est au nord du Lägern que la couche d'argile à Opalinus est la plus ancienne, la plus épaisse et qu'elle possède la meilleure qualité. C'est aussi là qu'elle est située le plus en profondeur et que la zone adaptée au stockage est la plus vaste, a précisé Matthias Braun.
La Suisse est, depuis près de 50 ans, à la recherche d'un site approprié pour le stockage des déchets radioactifs. Trois régions d'implantation potentielles ont été proposées: outre le nord du Lägern, il s'agissait de sites dans la région du Weinland zurichois ainsi que dans la région Jura-Est en Argovie.
Le site du nord du Lägern avait initialement été écarté. La société coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs avait émis des doutes sur la qualité des roches entre la surface et les argiles à Opalinus. Les examens complémentaires exigés par le Conseil fédéral ont permis d'écarter les doutes sur la qualité de ces roches, a indiqué le patron de la Nagra.
Lundi, l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) a annoncé s'apprêter à examiner le choix du site du nord des Lägern pour y construire le dépôt en couches profondes pour les déchets radioactifs. L'examen portera sur la sécurité et la mise en œuvre technique. La protection durable des êtres humains et de l'environnement doit être garantie. Une zone de protection pour les personnes doit aussi être garantie. Des experts internationaux seront appelés à donner leur avis.
La Nagra propose de construire les installations d'emballage des déchets radioactifs près du dépôt intermédiaire (Zwilag) déjà existant à Würenlingen (AG). Le choix du site pour les installations de conditionnement n'a «pas été une grosse surprise», a déclaré le ministre argovien des constructions, Stephan Attiger (PLR). Selon lui, il est judicieux de construire les installations de conditionnement où se trouve déjà un savoir-faire.
Alors que pour le patron de la Nagra, cette solution est la meilleure du point de vue de l'aménagement du territoire, le conseil d'Etat argovien a, cependant, demandé des détails plus approfondis sur cette décision.
Plusieurs questions demeurent, en effet, ouvertes, notamment relatives à la sécurité et au transport des éléments combustibles emballés. Si le gouvernement argovien se dit prêt à collaborer afin de «contribuer à l'élimination des déchets», il déplore, toutefois, le manque d'information sur la durée de présence de ces installations.
Les coûts du stockage final sont estimés à environ 20 milliards de francs. Ils n'ont joué aucun rôle dans le choix du site, a affirmé le patron de la Nagra. Seule la sécurité a compté.
Les communes concernées (qui impliquent également certaines en Allemagne) par le dépôt doivent être indemnisées pour avoir contribué à résoudre ce problème d'importance nationale, a déclaré le conseiller d'Etat zurichois Martin Neukom. La discussion s'annonce intense, selon lui. Il s'agira notamment de savoir quelles communes doivent recevoir de l'argent et combien.
Il reste à noter que la question des indemnités doit être réglée avec Swissnuclear, l'association des exploitants de centrales atomiques. La Nagra n'est pas concernée.
Le choix du nord du Lägern pour le stockage des déchets radioactifs, à quinze kilomètres de la frontière allemande, inquiète Berlin. Les maires du Haut-Rhin ont déjà constaté, durant le week-end, qu'en cas d'accident lors du transport de déchets nucléaires vers leur lieu de stockage définitif, les eaux souterraines de l'Aar et du Rhin, et donc des sources d'eau potable, seraient menacées.
Le chancelier allemand Olaf Scholz a dit, lundi, vouloir «discuter» avec Berne à ce sujet. «Nous devons en discuter avec tous les responsables et avec le gouvernement suisse», a-t-il indiqué, précisant que le sujet n'a pas encore été «formellement» transmis aux autorités allemandes.
Les maires allemands ont également expliqué craindre «un immense dégât d'image pour le tourisme». «Les motivations de la Nagra pour le site de Würenlingen sont difficilement compréhensibles pour les villes et les communes.»
Le projet suisse ne devrait pas voir le jour tout de suite. Lundi 12 septembre, la Fondation suisse pour l'énergie (FSE) et d'autres organisations non gouvernementales ont jugé le choix du site pour le dépôt en couches profondes pour les déchets nucléaires «prématuré». Trop de questions sont encore en suspens, selon ces derniers.
Alors, avant la décision définitive, une votation sera sûrement organisée. La Nagra va, en effet, soumettre à la Confédération les demandes d'autorisation générale pour le dépôt en profondeur, probablement d'ici à la fin de 2024. Le Conseil fédéral et le Parlement devront ensuite se prononcer aux environs de 2029. Un référendum pourrait être lancé. Les citoyens auront alors le dernier mot.
Le calendrier prévoit alors la construction des installations de conditionnement entre 2045 et 2060. Tout comme le dépôt intermédiaire existant depuis l'an 2000, les installations de conditionnement sont seulement temporaires et seront démantelées, précise la Nagra. Comme le rappelle Le Temps, il faudrait alors patienter au moins jusqu'en 2115 pour que le projet soit officiellement effectif. (mndl/ats)