Le débat sur le nucléaire est de retour en Suisse. Un comité d’élus de droite et de représentants de l’économie lance une initiative populaire pour permettre à nouveau la construction de centrales. Les réactions des opposants ont fusé de toutes parts dimanche.
Le texte de l'initiative sera publié mardi dans la Feuille fédérale officielle, a indiqué à Keystone-ATS Vanessa Meury, Jeunes UDC et présidente du Club Énergie Suisse, association à l’origine du texte. Elle revenait sur une information publiée par Le Matin Dimanche.
Depuis le scrutin de 2017, la loi interdit la construction de toutes nouvelles centrales nucléaires. Intitulé «De l’électricité pour tous en tout temps. Stop au black-out», le texte veut inscrire dans la Constitution que:
Le timing est particulier puisqu'un jour plus tard mercredi, le Conseil fédéral va lancer sa campagne d’économie d’énergie, le tout sur fond de guerre en Ukraine et de pénurie d'électricité annoncée pour l'hiver.
En Suisse comme dans le reste du monde - même le Japon pense à relancer l'atome -, les pro-nucléaires sortent du bois. Il y a un an, l’UDC annonçait vouloir relancer l’énergie atomique. En février, le PLR adoptait une résolution visant à ne pas lui fermer la porte.
Quand on lui annonce le lancement de cette initiative, Roger Nordmann (PS/VD) lâche dans Le Matin Dimanche: «Elle n’a aucune chance.» Compte tenu des délais, une nouvelle centrale ne pourra pas sortir de terre avant 2067.
Il rappelle aussi que la question lancinante des déchets nucléaires n'a toujours pas de solution. Sans oublier la donne géopolitique, soulignant que l’uranium «vient de Russie ou d’autres régimes douteux», et qu’à l’instar de Zaporijjia en Ukraine, «les centrales sont des cibles de choix».
A l'inverse pour Bruno Pellaud, ancien président du Forum nucléaire suisse et également membre du comité d’initiative, maintenir une diversité des sources de production d’électricité (hydraulique, renouvelable, nucléaire et même un peu de gaz naturel) «est primordial». Comptant sur les partis de droite pour corriger le tir, il ajoute que:
Jeudi dernier dans la NZZ et relayée par Le Matin Dimanche, l’ex-conseillère fédérale Doris Leuthard a répondu à ses détracteurs. En lançant un «nous sommes un peuple intelligent», elle justifie le bien-fondé de la stratégie énergétique 2050, qui mise sur les énergies renouvelables.
Les membres du comité d'initiative sont issus en majorité des rangs des partis de Jeunes UDC, PLR, du Centre et de la Lega. Leurs grands frères ne sont pas de leur avis, ont-ils fait savoir dimanche.
Une alliance interpartis de parlementaires rejette «fermement» l'initiative sur le nucléaire qui va être lancée. Des conseillers nationaux PLR (Jacqueline de Quattro VD), du Centre (son président Gerhard Pfister ZG), du PS (Roger Nordmann VD), des Verts (Bastien Girod GE) et des Vert'libéraux (Jürg Grossen BE) défendent la Stratégie énergétique 2050, adoptée il y a cinq ans par les électeurs.
Selon l'alliance:
Avec l'initiative sur le nucléaire lancée aujourd'hui, le lobby nucléaire veut, sous le couvert de la sécurité d'approvisionnement, aider de nouvelles centrales nucléaires à percer, poursuit de son côté l'aeesuisse, l'organisation faîtière de l'économie des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique. Le faux débat sur les nouvelles centrales nucléaires torpille la stratégie énergétique 2050 et détourne l'attention des véritables défis.
L'Alliance «Sortir du nucléaire» (Allianz Atomausstieg"), présidée par l'ancien conseiller national Christian van Singer (Verts/VD), s'insurge aussi contre ce texte. Ce projet attise la peur d'une éventuelle pénurie d'électricité et cherche à renverser une décision fondamentale de la politique énergétique suisse, indique l'organisation.
Enfin, l'Association Trinationale de Protection Nucléaire (ATPN) dénonce un projet qui ne tient pas compte de la protection de la population suisse et des pays limitrophes. Pour la population des trois pays autour de Bâle, qui vit depuis des décennies avec le risque nucléaire, l'interdiction de nouvelles constructions n'est pas négociable. (sas/ats)