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Cette affiche des Jeunes socialistes suisses passe mal

Cette affiche des Jeunes socialistes suisses passe mal

La Jeunesse socialiste se lance dans la course aux élections fédérales d'octobre. Une de ses affiches de campagne, dévoilée sur Twitter, comporte des similitudes avec l'iconographie communiste. La formation jeunesse du PS s'en défend, tandis que sa parente prend ses distances.
28.04.2023, 06:1605.05.2023, 13:18
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Publiée sur Twitter il y a quelques jours, une affiche chapeautée par la Jeunesse socialiste en vue des élections fédérales d'octobre ne laisse pas indifférent. Ses couleurs vives, mais pas seulement, attirent l'attention.

On y voit un petit groupe de personnes rassemblé sur une colline, devant une ville au bord d'un lac, qui pourrait être Genève, comme Lausanne, Zurich ou Lucerne. Un grand drapeau rouge ainsi qu'un poing sont brandis devant un soleil radieux aux rayons qui s'étendent loin dans le ciel. La palette de couleur est fortement marquée de rouge et de jaune.

Les affiches de la Jeunesse socialiste arborent une iconographie connotée.

Fortes réactions sur Twitter

L'affiche a été partagée en français et en allemand par la Jeunesse socialiste suisse. Les publications dans les deux langues n'ont pas manqué de faire réagir, plusieurs internautes dénonçant des affiches dignes des posters de propagande communiste. Du côté alémanique, notamment, on s'enflamme:

«Immonde! J'ai vécu en Allemagne de l'Est, en Tchécoslovaquie et en Union soviétique... les affiches avaient exactement ce style-là»
«Le Grand soir? Vous voulez dépasser l'UDC dans la course à la nostalgie?»

Ou une petite référence aux Beatles:

«Back in the USSR»

Inspirées des affiches de tourisme suisses?

Les affiches seront visibles dans les villes dès la fin de l'été, à l'approche des élections fédérales, explique Thomas Bruchez, vice-président de la Jeunesse socialiste. La campagne de la formation sera axée autour de quatre thèmes, explique-t-il: le climat, le féminisme, l'économie et la migration. Et surtout:

«C'est une campagne qui vise à susciter l'espoir d'un monde meilleur»
Thomas Bruchez, vice-président de la Jeunesse socialiste

Pour le jeune socialiste, ces affiches sauront séduire les jeunes, notamment ceux qui ont «perdu espoir en notre capacité de transformer la société». Pour autant, était-ce judicieux de créer une affiche à l'iconographie similaire à celle de la propagande communiste? Le jeune politicien réfute l'inspiration et balaie ces critiques d'un revers de la main:

«Nous nous sommes inspirés des affiches de tourisme suisses du 20e siècle. Quant à la couleur rouge, c'est à l'évidence celle du socialisme»
Thomas Bruchez, vice-président de la Jeunesse socialiste

Il explique: «Sur les affiches de tourisme suisses du siècle dernier, une personne au premier plan regarde souvent un paysage avec des chemins de fer ou une remontée mécanique. Nous avons souhaité reprendre cette esthétique-là, qui fait rêver.»

Un exemple d'affiche du 20e siècle:

Image promouvant le tourisme en Suisse, datant de 1928.
Image promouvant le tourisme en Suisse, datant de 1928.emile cardinaux / wikimedia commons

En rouge et jaune

L'affiche des Jeunes socialistes peut-elle vraiment prétendre se distinguer des affiches communistes de la Guerre froide? Pour nous aider à la décrypter, Cyril Cordoba, maître-assistant au département d'histoire contemporaine de l'Université de Fribourg et auteur d'une thèse sur les relation entre la Chine et la Suisse durant la Guerre froide, nous livre quelques points d'analyse. Et pour l'historien, la ressemblance saute aux yeux:

«Je pense qu'il est assez évident et conscient qu'un certain nombre de références est repris des affiches maoïstes et soviétiques, à commencer par le code couleur»
Cyril Cordoba, historien
Poster de propagande de Mao Zedong.
Une peinture murale de propagande en faveur de Mao Zedong, à Pékin, en 2011.wikimedia commons

De son côté, Thomas Bruchez assure que le rouge et le jaune sont des «couleur chaudes qui représentent l'espoir et le bien-être» en «rupture avec la froideur et la dureté de la réalité sociale actuelle».

«Comme les posters de la Guerre froide»

Cyril Cordoba relève également la présence du poing levé et du drapeau rouge, même s'il note que «ceux-ci ne se retrouvent pas que chez les communistes, mais aussi dans d'autres mouvements de gauche, des socialistes aux anarchistes».

«Ce qui est le plus frappant, c'est le groupe de personnes compact qui regarde dans une même direction», explique l'expert.

«C'est une formule commune des posters de propagande de la Guerre froide»
Cyril Cordoba, historien
Image de propagande chinoise datant des années 1970.
Image de propagande chinoise datant des années 1970.Image: Shutterstock

Quid du grand soleil qui illumine toute l'affiche? «Ce genre de motif est très fréquemment utilisé dans les affiches de propagande stalinienne ou maoïste. Avec souvent, la tête du leader incarné dans l'astre.» L'historien relève toutefois qu'il est «assez habile d'utiliser ce symbole dans une campagne qui défend l'écologie et l'énergie solaire».

Le dictateur Mao Zedong est régulièrement représenté au centre d'un grand soleil qui rayonne loin à la ronde.
Le dictateur Mao Zedong est régulièrement représenté au centre d'un grand soleil qui rayonne loin à la ronde.Image: Shutterstock

Plusieurs différences

Cyril Cordoba relève toutefois une différence d'importance: «Il n'y a pas de corps de prolétaires musculeux en action, généralement masculins, comme sur les affiches soviétiques ou chinoises.»

«Ici, ce sont des personnes plutôt posées avec des vêtements amples dont on a du mal à distinguer le genre ou l'ethnicité»

Une foule dont la composition représente la modernité, somme toute. D'ailleurs, l'affiche met aussi en avant un champ d'éoliennes et une piste cyclable.

L'historien relève un dernier point à son analyse: «Si des symboles liés au communisme sont présents, je pense que la culture Internet est passée par là et qu'un certain côté second degré, bien présent en ligne dans les cercles de gauche, doit aussi être pris en compte pour analyser et comprendre cette affiche».

Et vous, cette affiche, vous en pensez quoi?

La Jeunesse socialiste dément toute inspiration

Pour couper directement l'herbe sous le pied des contradicteurs, Thomas Bruchez n'hésite pas à renier et dénoncer sans sourciller l'héritage de Mao ou de Staline, dont le bilan à eux deux est estimé entre 50 et 100 millions de morts. «C'est une évidence», dit le jeune politicien. Et de rajouter:

«Il est ridicule de comparer ces affiches à celles de ces dictatures affreuses, c'est tiré par les cheveux. Ce n'est pas parce qu'elles ont cette teinte et qu'y voit un drapeau rouge que les gens vont directement penser à l'URSS ou la Corée du Nord»
Thomas Bruchez, vice-président de la Jeunesse socialiste

Il assure que la population saura reconnaître «des affiches qui suscitent l'espoir et portent une vision d'avenir» et pointe du doigt l'opposé du spectre politique:

«La droite ou l'extrême-droite sera peut-être tentée de nous attaquer. Mais nous ne faisons pas de la politique pour faire plaisir à ces gens-là»
Thomas Bruchez, vice-président de la Jeunesse socialiste

Olivier Meuwly, également historien et fin observateur des affaires politiques, de sensibilité libérale-radicale, reprend la balle au bond: «L'UDC a été accusée par d'aucuns de produire des affiches plutôt douteuses», explique-t-il en faisant référence aux pancartes jugées xénophobes du parti. «Ici, la symétrie politique est quasi-parfaite.»

«Il y a longtemps qu'une affiche n'avait pas été aussi explicite. Elle sonne comme une réaffirmation des vieux fantasmes de gauche»
Olivier Meuwly, historien

Par ailleurs, le Parti socialiste lui-même, dont les affiches sont plus sobres et moins connotées, n'a rien à voir avec ces créations. Contacté, il répond sobrement:

«La Jeunesse socialiste suisse est autonome dans la réalisation de ses affiches»
Colin Vollmer, porte-parole du Parti socialiste

Une manière de se distancier? Car à six mois du grand soir des élections fédérales, le parti à la rose cherche à éviter de commettre la moindre bourde.

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