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Polémique

«Slobodan Despot est clairement sous surveillance à la RTS»

«Désormais, Slobodan Despot est clairement sous surveillance à la RTS».
Slobodan Despot.Image: screenshot rts

«Désormais, Slobodan Despot est clairement sous surveillance à la RTS»

Les propos tenus par Slobodan Despot dans «Les beaux parleurs», selon lesquels une restauration du nazisme serait à l'œuvre dans les Pays baltes, secouent l'audiovisuel public romand. watson a confronté les dires du polémiste à la réalité des faits et recueilli des réactions au sein de la RTS.
20.03.2024, 19:0021.03.2024, 11:31
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Y a-t-il un problème Slobodan Despot à la RTS? Ses propos sur la «restauration du nazisme» dans les Pays baltes, dimanche dernier dans l’émission «Les beaux parleurs», un argument reproduisant mot pour mot la propagande du Kremlin pour justifier sa politique agressive vis-à-vis d’anciennes possessions de l’ex-URSS, ont scandalisé au sein de l’audiovisuel public romand.

Ce journaliste de la RTS, qui s’exprime ici à titre anonyme, estime que:

«Le contrat de confiance entre la chaîne et le chroniqueur Slobodan Despot est remis en question par les déclarations de ce dernier empruntant à la propagande russe»

Le même journaliste ajoute:

«Il faut ici distinguer deux statuts: celui d’invité et celui de chroniqueur. Un invité, par définition, n’est pas présent régulièrement à l’antenne. Il peut dire des contre-vérités, elles seront démenties immédiatement en plateau ou a posteriori. L’invité ne sera pas nécessairement réinvité si l’on acquiert la certitude qu’il profite de ses passages à l’antenne pour délivrer des propos faux ou complotistes. Avec un chroniqueur, c’est différent. Il peut vouloir profiter de sa présence régulière en plateau dans un climat plutôt bienveillant pour proférer délibérément des inexactitudes.»
Un journaliste de la RTS

Et alors?

«Et alors, aujourd’hui, il y a une guerre en Europe dont on connaît le responsable. Il n’est pas possible d’être ambigu à ce sujet. On peut être d’un bord ou d’un autre, mais on ne peut pas dire le contraire de la réalité. Il n’est pas malin de confier le rôle de poil à gratter à un individu qui dit des contre-vérités sur un sujet présentant un enjeu majeur pour nos sociétés démocratiques.»
Un journaliste de la RTS

Vérifications

Slobodan Despot a-t-il prononcé des contre-vérités dimanche dernier dans «Les beaux parleurs»? Nous avons vérifié ses dires appuyant son affirmation selon laquelle on assisterait à une «restauration du nazisme» dans les Pays baltes.

«On a des défilés de nazis en Estonie», a-t-il dit, citant dans un second temps un article du Times of Israël. Qu’en est-il? L’article, si c’est bien celui auquel Slobodan Despot fait référence, date du 3 juillet 2018 et est intitulé: «Estonie: la communauté juive proteste contre une stèle honorant un officier SS» L’article relate l’inauguration d’une «plaque en l’honneur d’un officier de la Waffen SS», ce qui a suscité «les protestations de la communauté juive».

L'article donne le contexte:

«Un organisme à but non lucratif a dévoilé à Mustla la plaque dédiée au collaborateur nazi local Alfons Rebane, qui s’est battu aux côtés des Allemands contre les Russes dans le cadre des forces armées nazies.»

Le journal, citant la présidente de la communauté juive d’Estonie, ajoute: «"Il n’y a aucune preuve que Rebane ait été impliqué dans le meurtre de Juifs", a déclaré Alla Jakobson, la présidente de la communauté juive d’Estonie, à [l’agence] JTA. Mais les hommes qui ont servi dans "une organisation reconnue comme criminelle par le Tribunal international de Nuremberg", a-t-elle dit au sujet des SS, "ne méritent guère d’être honorés"».

Quels «défilés nazis»?

Il est bien question d'un «défilé» dans l’article du Times of Israel, mais il concerne la Lituanie, pas l'Estonie. «En Lituanie, écrit le journal, le site officiel de Vilnius, la capitale du pays, a annoncé le défilé de motos d’un groupe nationaliste dans la vieille ville la semaine dernière pour célébrer une rébellion menée par une milice responsable de la diffusion de littérature antisémite et du meurtre de nombreux juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.»

Si ceux qui furent des collaborateurs des nazis sont parfois honorés dans les Etats baltes, cela se passe généralement sous «haute surveillance» des gouvernements et non pas avec ce qu’on pourrait appeler leur complicité. C’est bien sous «haute surveillance» des autorités de Riga qu’a eu lieu en mars 2022 «la marche des anciens légionnaires SS lettons».

«Sous haute surveillance»

«Les autorités lettonnes ont fermement mis en garde les organisateurs de la marche du 16 mars de ne pas en faire une manifestation politique afin de ne pas donner de prétextes supplémentaires aux médias russes de réitérer leurs accusations contre la Lettonie», rapporte un article du Monde daté du 17 mars de cette année-là.

Le Monde ajoute:

«De fait, beaucoup de médias fidèles au Kremlin prennent depuis des années cette marche du 16 mars comme preuve pour dénoncer la montée du fascisme en Lettonie, sur un air que les Ukrainiens ont également entendu depuis des années avec les accusations de dérive néonazie, prétexte à l’intervention russe pour "dénazifier" l’Ukraine. Et Moscou n’a toujours pas reconnu que la Lettonie avait été occupée par l’URSS à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Ce qui, pour beaucoup de Lettons, reste un affront lourd de menaces.»
Le Monde, 17 mars 2022

On ne peut pas parler de «restauration du nazisme»

Il serait donc faux de dire qu’il n’y a pas, sur fond d’hostilité à la Russie ou à l’ex-URSS ancienne puissance occupante, des moments de célébration recoupant l’historique nazi. Mais cela n’autorise pas à parler de «restauration du nazisme» dans les Pays baltes, car cela voudrait dire que les gouvernements de ces Etats travaillent au rétablissement d'un régime nazi. Ce qui est absurde au regard de la réalité.

Tirant le fil du «nazisme», Slobodan Despot, qui n'a pas répondu aux sollicitations de watson, affirme que les minorités russophones des Pays baltes sont traitées comme des «citoyens de seconde zone». S’il entend par-là qu’il pourrait y avoir une situation d’apartheid au détriment des russophones, c’est faux. Les citoyens russophones disposent des mêmes droits, notamment du droit de vote, que le reste des citoyens.

Pas de statut de «citoyens de seconde zone»

En revanche, relève le quotidien Le Monde dans un reportage en Lituanie daté du 29 juin 2023, «comme dans les autres Etats baltes, la Lituanie a accéléré la disparition du double système éducatif en russe et en lituanien sans pour autant supprimer l’enseignement du russe». Depuis le début de la guerre en Ukraine, «en Lituanie, la loyauté de la communauté russophone est régulièrement remise en question». Mais les russophone ne sont pas sans responsabilité dans cette méfiance à leur égard.

Dans la ville lituanienne de Visaginas, «à 10 kilomètres de la frontière biélorusse, où les habitants de langue russe représentent les trois quarts de la population», des tags «Z» en soutien à l’armée russe ont fait leur apparition. Il y a des tensions entre les communautés. Mais il est incorrect de dire que les russophones pâtissent d’un statut de citoyens de «seconde zone».

La réaction officielle de la RTS

Suite aux propos polémiques tenus par Slobodan Despot dans «Les beaux parleurs», la direction de la RTS semble vouloir tourner la page. Nous lui avons adressé des questions par écrit, voici ses réponses, transmises par le porte-parole Christophe Minder:

Question: Au-delà du cas de Slobodan Despot, comment la RTS se débrouille-t-elle avec des personnes dont on sait qu’elles sont coutumières de paroles de nature complotiste, de contre-vérités ou semi-vérités?
Réponse: «La question ne se pose pas de la même manière qu’il s’agisse d’une émission d’actualité ou d’une émission à connotation satirique.

«Dans le cas des "Beaux-Parleurs", les chroniqueur.ses et les invité.es ont une totale liberté de parole, mais il ne s’agit pas d’une tribune libre: les autres chroniqueur.ses sont là pour les contredire et l’animateur et producteur pour rectifier d’éventuelles contre-vérités. Enfin, il y a un cadre légal en toile de fond»
Christophe Minder, porte-parole de la RTS

Question: Y a-t-il une différence dans l’approche de la RTS selon qu'il s'agit d'émissions de débat avec des invités ponctuels et variés comme Infrarouge, ou d'émissions avec des chroniqueurs réguliers?
Réponse: «Les intentions éditoriales ne sont pas les mêmes entre des émissions de débat d’actualité comme Forum ou Infrarouge et un talk-show comme Les Beaux-Parleurs, émission satirique qui se veut plus légère et volontiers (un peu) polémique. Les chroniqueurs et chroniqueuses des Beaux-Parleurs ne sont pas des spécialistes ni des acteurs ou des actrices de l’actualité. Ce sont des personnalités avec le verbe haut, la formule facile et le goût de la contradiction. A elles toutes et à travers leur tournus, elles amènent une pluralité de sensibilités et d’opinions.»

C'est un collaborateur de la chaîne publique qui le dit:

«Le coût, pour la RTS, de ne plus inviter Slobodan Despot aux "Beaux parleurs" serait prohibitif, ce serait le victimiser»
Un collaborateur de la RTS

Ce serait «le victimiser» et cela donnerait probablement des arguments aux partisans de l'initiative pour une redevance à 200 francs, devenue un instrument de chantage permanent.

A l'avenir, il sera difficile pour des journalistes de la RTS de critiquer Cnews ou tout propos complotiste tenu sur une chaîne française, si elle-même les tolère sur son antenne. Le collaborateur cité plus haut l’affirme ou veut le croire:

«Désormais, Slobodan Despot est clairement sous surveillance»
Ce panda est le seul panda blanc existant
Video: watson
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