L'armée suisse doit-elle s'orienter stratégiquement pour les douze ans à venir de manière à pouvoir maîtriser les menaces militaires à distance? Ou doit-elle plutôt se préparer à une attaque militaire frontale de grande envergure? Ou encore envisager une escalade généralisée d'un conflit armé?
Telles sont les questions centrales soulevées dans le «message sur l'armée» 2024 que la ministre de la Défense Viola Amherd et le chef des troupes Thomas Süssli ont présenté mercredi. Le Conseil fédéral a délivré une réponse claire: il faut privilégier le troisième scénario. «Le Conseil fédéral veut un large développement des capacités militaires», a souligné la conseillère fédérale.
Cette variante «prend en compte les différentes menaces de manière équilibrée», précise le message: la conduite de conflits hybrides, les menaces à distance et dans le cas extrême, une attaque militaire de grande envergure.
Pour cela et selon ces nouvelles lignes directrices, l'armée doit remplir dix exigences principales: premièrement, adapter la conduite et la mise en réseau. Deuxièmement, le réseau de renseignement et les capteurs jouent un rôle important qu'il faut assurer.
Exigences trois à cinq: garantir l'efficacité contre les cibles aériennes, terrestres et contre les cyberattaques. Puis viennent la logistique et le service sanitaire, qui doivent être assurés. Enfin, les trois derniers objectifs concernent la mobilité au sol, protégée ou non, ainsi que la mobilité aérienne.
Le Conseil fédéral dans son ensemble refuse d'ancrer dans ce message les coûts de cette orientation stratégique des douze prochaines années. Dans le projet de texte, le ministère de la Défense avait prévu un arrêté de planification d'un montant de 32 milliards pour les années 2024 à 2035. Un arrêté de planification comprend des valeurs de référence financières sur plus de dix ans et n'est pas particulièrement contraignant. L'armée tente par ce biais à s'assurer qu'elle pourra réaliser les investissements nécessaires à l'acquisition des capacités définies dans le message 2024.
Les 32 milliards ont fait débat jusqu'au début de cette semaine. Mais la ministre des Finances Karin Keller-Sutter et son administration sont opposés depuis longtemps à coucher ce chiffre sur le papier. Même frilosité dans d'autres départements, qui craignaient de devoir ensuite des mesures d'économies supplémentaires.
Car la situation financière de l'armée est déjà très confuse. De nouveaux chiffres – 32 milliards – n'auraient fait que semer davantage de confusion, dit-on en coulisses. Aussi, les départements auraient pu s'attendre à ce que l'armée fasse prévaloir ces 32 milliards dans les années à venir. Une situation peu souhaitable au regard de la situation financière difficile de la Confédération.
Au final, l'armée recevra tout de même de l'argent. Le Conseil fédéral allouera 4,9 milliards de crédits d'engagement pour l'acquisition de matériel militaire entre 2025 et 2028, pour le programme d'armement 2024 (490 millions) et pour le programme immobilier 2024. De quoi acquérir d'une part des engins guidés pour les troupes au sol, qui pourront ainsi combattre des cibles blindées à grande distance. D'autre part, elle veut acquérir des capteurs semi-mobiles afin de mieux localiser, identifier et suivre les aéronefs.
Mais le Conseil fédéral valide également un plafond de dépenses de 25,8 milliards pour les années 2025 à 2028, ce qui correspond au budget approuvé par le Parlement en décembre, lorsqu'il a augmenté les moyens de l'armée à 1% du produit intérieur brut (PIB) d'ici à 2035 (au lieu de l'année 2030 initialement prévue).
Les ministres de la Défense et des Finances ont toutefois conclu un marché. Viola Ahmerd a accepté de ralentir cette hausse des dépenses militaires à la condition de ne pas subir en 2025 les coupes budgétaires de 1,4% dont devront s'accommoder tous les autres départements. L'armée est ainsi exclue des plans d'économie.
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)