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Politique

Mauro Poggia se retrouve seul à Berne

Mauro Poggia

Poggia se retrouve seul

Le conseiller aux Etats genevois Mauro Poggia tente le tout pour le tout depuis deux semaines pour trouver un groupe parlementaire au Conseil des Etats. Mais à quelques jours du début de la législature, rien n'est joué.
28.11.2023, 18:5129.11.2023, 10:16
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Nul n'est prophète en son pays, dit-on. Pour le conseiller aux Etats nouvellement élu Mauro Poggia, c'est le contraire: élu haut la main par les siens à Genève mi-novembre, il se retrouve dans une inconfortable position d'outsider à Berne — ou pire, dans celle du vilain petit canard.

En tant qu'ovni politique, Mauro Poggia peine à se fondre dans le décor des partis bien établis à Berne. Le politicien de 64 ans, issu du Mouvement citoyen genevois (MCG), galère depuis deux semaines à trouver un groupe parlementaire au Conseil des Etats.

Problème: une absence de groupe l'empêcherait de siéger en commission. Le député pourra voter comme tout autre conseiller de la Chambre en plénière — mais c'est tout. Le sénateur se retrouve donc dans la position délicate de devoir aller faire du gringe aux autres partis pour rendre son action politique solide ces quatre prochaines années.

Deux chambres, deux positionnements

Au Conseil national, le problème du MCG est réglé. Le parti, plutôt classé au centre-droit, mais taxé de «populiste», s'est allié avec l'UDC à la Chambre basse. Les nouveaux élus Roger Golay et Daniel Sormanni, plus droitiers que Mauro Poggia, se sentent à leur aise avec les élus agrariens.

Au Conseil des Etats, c'est une autre histoire. Pour Poggia, qui se qualifie de «ni de droite ni de gauche» et dont les positions sur la santé sont marquées socialement — il est, par exemple, en faveur d'une caisse cantonale unique —, le premier réflexe était d'aller faire du gringe au Centre tout en se gardant les faveurs de l'UDC. Le Genevois d'origine italienne militait d'ailleurs au PDC (devenu Le Centre) dans les années 2000 avant de rejoindre le MCG en 2009.

La gifle du Centre

Le Genevois a donc lancé quelques hameçons du côté du Centre et de son président, Gerhard Pfister. Mais c'est un vent plutôt glacial qu'il a reçu, vendredi dernier, celui-ci indiquant que «les positions politiques du Centre et du MCG sont trop divergentes». Pfister et les membres du Centre ont en effet très peu apprécié le fait que Mauro Poggia joue sur plusieurs tableaux en même temps et semblent l'avoir pris pour une girouette:

«Un jour, il veut rester indépendant, un autre, il veut aller avec l'UDC et encore un autre, au Centre»
Gerhard Pfister, président du Centrerts, 19.30

Une carte également tactique pour les Centristes, alors même qu'ils martèlent depuis les élections que leur parti est celui de l'équilibre des pouvoirs en Suisse et s'érige «contre la polarisation».

«Je pensais qu'il y avait une ouverture au Centre, qui me semblait proche de mes idées. Je me rends compte que c'était une erreur»
Mauro Poggia, conseiller aux Etatsforum, rts

En sacrifiant Poggia, le parti de Gerhard Pfister a aussi peut-être voulu rassurer ses nouveaux électeurs moins conservateurs qui ont gonflé les rangs du parti, en octobre dernier, en évitant de se profiler plus à droite.

D'autant plus que le Centre est le premier parti de la Chambre haute (15 sièges sur 46) et n'a nul besoin de s'allier avec un candidat isolé qui pourrait le compromettre sur certains dossiers ou mettre en danger son assise.

Le vent de l'UDC

Dépité, mais résolu, Mauro Poggia se tourne donc vers l'UDC, qui ne dispose que de six sièges au Conseil des Etats. Lundi, le candidat annonce très ouvertement au 19.30 qu'il a trouvé un accord:

«Une solution a été trouvée ce matin avec le groupe UDC au Conseil des Etats. Ce groupe me mettra à disposition des places en commission»
Mauro Poggia, conseiller aux Etatsléman bleu

Dans la foulée, le sénateur déclarait une chose plutôt étonnante à Léman Bleu: il allait siéger dans une commission et «occupera l’un des fauteuils UDC sans formellement rejoindre le groupe». Il assurait alors que la solution avait été «avalisée par les services du Parlement». Si Poggia fanfaronne, le son ne cloche n'a pas tardé à devenir discordant. Vers 16h30, alors même que les propos de Mauro Poggia à la RTS et sur Léman Bleu se répandent, le chef du groupe UDC aux Chambres déclare sur le réseau social X:

«Mauro Poggia n'a pas été accepté dans le groupe UDC. L'information selon laquelle celui-ci a pris sa décision à 11h est fausse»
Thomas Aeschi (UDC/ZG)réseau x

Le Zougois précise d'ailleurs que les «services du Parlement sont en train de clarifier s'il est possible de siéger dans le "groupe" des conseillers aux Etats UDC sans faire partie du groupe UDC». Difficile de faire plus compliqué et moins clair. Dans l'émission Forum de la RTS le soir même, Poggia parlait de «collaborer avec le groupe UDC, sans être intégré, pour siéger en commission».

Au-delà de ces questions de vocabulaire un peu vaseuses, les services du Parlement vont devoir trancher pour clarifier ce qui compte: Mauro Poggia va-t-il être autorisé à siéger en commission? D'autant plus que le temps presse. La répartition des commissions au sein du Conseil des Etats doit avoir lieu au premier jour de la rentrée parlementaire et il n'est pas certain que la solution avancée par Poggia soit acceptée.

L'impasse du PLR

Si Mauro Poggia n'a pas évoqué le Parti libéral-radical dernièrement, c'était pourtant le cas juste après son élection auprès de Blick:

«Il y a actuellement des discussions en cours avec le Centre, l'UDC et le PLR»
Mauro Poggia, conseiller aux EtatsBlick

Si le Genevois devait s'allier avec le PLR, ce pourrait être théoriquement au bénéfice de celui-ci: avec un siège de plus, la deuxième formation de la Chambre haute pourrait talonner plus facilement Le Centre avec douze sièges. Mais on imagine mal Poggia, défenseur de la caisse maladie unique, siéger avec les libéraux sur cette question.

Contacté par watson, le président du groupe libéral-radical aux Chambres, le Neuchâtelois Damien Cottier, indique pourtant n'avoir reçu aucune demande, «ni formelle, in même informelle d'ailleurs». Autrement dit: Mauro Poggia, contrairement à ses dires, ne semble pas intéressé le moins du monde à rejoindre les rangs du groupe libéral-radical au Parlement.

Les limites de l'indépendance

Le sénateur a donc bien des chances de se retrouver, au moins dans les premiers temps de la législature, dans le rang des indépendants. Pour se justifier de son échec, Poggia n'évoque pourtant pas le vote en plénière, mais la «libre parole» qu'il pourra avoir en tant qu'indépendant, et qu'il ne pourrait pas avoir dans un groupe. A l'occasion de son «accord» avec l'UDC, il déclarait ainsi:

«Cette solution me permet de garder ma liberté de parole, qui a toujours été pour moi une condition non négociable»
Mauro Poggia, conseiller aux Etatsléman bleu

Un argument sous forme de justificatif et qui sonne un peu comme un aveu d'échec dans sa quête d'affiliation à un groupe. En ligne, certains comptes satiriques taclent le politicien:

Ce youtubeur passe 7 jours enterré vivant
Video: watson
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