Elisabeth dans son bureau, Elisabeth avec ses conseillers, Elisabeth dans le train, Elisabeth fait cuire une pizza dans un four en pierre (oui, oui), on aura tout vu ou presque dans ce reportage intitulé A l'épreuve du pouvoir. Durant une année, une équipe de la RTS a suivi la nouvelle conseillère fédérale jurassienne Elisabeth Baume-Schneider. Des coulisses du palais fédéral, aux réunions de son équipe, en passant par la vie de famille, la Jurassienne lève (un peu) le voile sur son quotidien rythmé et lâche, ici et là, des remarques d'une spontanéité qui colle parfaitement à sa personnalité, parole d'une journaliste tv.
«Laisser vivre la séquence et demander des impressions», c'est en résumé ce qui m'obsédait lorsque je tournais un reportage vidéo sous forme de portrait. En tant que journaliste reporter d'image, l'objectif est toujours de réaliser une vidéo vivante dans laquelle son protagoniste se dévoile peu à peu devant la caméra. Les petites phrases, la caméra qui tourne après une interview, les moments de flottement, c'est dans les «respirations» que se trouve la spontanéité.
Et les moments spontanés on les trouve à foison dans ce portrait de la conseillère fédérale jurassienne. Elisabeth Baume-Schneider est comme ça et elle ne s'en cache pas. Dans A l'épreuve du pouvoir (avouez que ce pourrait être le titre d'une série Netflix), le journaliste profite des moindres instants de battements pour «gratter» ses impressions, voire ses doutes. La discussion sur son agenda très chargé est l'occasion d'embrayer sur un détail. La caméra continue de tourner et hop une petite question sur sa consommation de café.
Pas une grande information me diriez-vous, mais dans le métier, c'est important, car ce qui est anodin forme le personnage. De «elle consomme beaucoup de café» à «sa vie est trépidante», il n'y a qu'un pas. On montre le rythme soutenu de la fonction, les déplacements, les ouvertures de portes, les marches au pas de course.
Peu importe que son pas soit lent, le simple fait de marcher et de le voir saluer des gens montre qu'elle est occupée et sollicitée. Alors, elle marche Elisabeth, elle prend le train et même le bus toujours entourée de son équipe. Et les questions sur ses premiers pas (on y revient toujours) au Conseil fédéral fusent. Comment gère-t-elle ce rythme effréné, l'avait-elle seulement imaginé? La réponse est déconcertante de franchise.
La Jurassienne poursuit en expliquant qu'elle a occupé le poste de ministre (conseiller d'Etat) durant treize années et qu'elle connaissait déjà les exigences de la fonction, du moins à l'échelle cantonale. D'ailleurs, elle n'hésite pas à faire un petit clin d'œil qui fera bouillir les machos.
Vous l'aurez compris, la conseillère fédérale est une femme pressée, franche, mais elle en a vu d'autres et ne se laisse pas impressionner. Malgré les nombreuses tentatives du journaliste pour obtenir une punchline comme «Oui, je doute, je ne pensais pas arriver jusqu'ici» qui montrerait son accession inespérée au pouvoir exécutif, elle explique clairement que ses propos peuvent faire l'objet de commentaires.
Ne vous y trompez pas, on ne parle pas que de sentiments et d'impressions dans ce reportage, la politique y a aussi sa place. Car oui, pour ceux qui en doutaient, elle travaille vraiment Madame la conseillère fédérale. Même si certains portent ses dossiers à bout de bras (au sens propre). Son baptême du feu devant la parlement pour présenter le projet de conteneur pour 3000 requérants d'asile est une séquence marquante du reportage. Mais avant la série de questions parlementaires, la jurassienne s'adresse à Christoph Lenz, nouveau coresponsable de la communication de son département.
A cette remarque, la conseillère fédérale plaisante, comme à son habitude. Elle mime une lampe dirigée vers son visage.
Grands gestes, plaisanteries, la spontanéité qui la caractérise est omniprésente. Une conseillère fédérale peut-elle rire quelques minutes avant son entrée au Parlement? En revoyant cette scène, on imagine déjà les commentaires sur «son manque de sérieux». Son passage au perchoir pour les questions des parlementaires ne va pas être une sinécure. Le projet des conteneurs et les 3000 nouvelles places pour loger les requérants d'asile sera refusé par le parlement. Interrogée sur cet échec, la Jurassienne explique:
Et l'échéance de sa réélection, y pense-t-elle régulièrement? Sans détour, elle répond que l'idée lui a traversé l'esprit mais qu'il ne s'agit pas d'une crainte particulière. «On verra, c'est le jeu politique et la démocratie, ça ne me fait pas peur». Toujours droite dans ses bottes Elisabeth.
Ce reportage portrait serait incomplet sans la fameuse séquence «à la maison», avec sa famille. C'est généralement celle qui va rester dans l'esprit du public. On imagine déjà le titre: «Baume-Schneider, une épouse et mère de famille avant tout». On la voit faire cuire des pizzas au four à pierre (oui, au Jura, on n'utilise pas de vulgaires fours électriques), trancher du jambon, bref, s'atteler aux tâches du quotidien. L'Elisabeth comme la surnomment les Jurassiens, a-t-elle changé en entrant au Conseil fédéral? Dans cet exercice délicat de la confession-vérité, on retrouve son mari Pierre-Alain Baume. L'interview semble être une petite épreuve pour le professeur d'auto-école qui n'a ni l'habitude ni l'envie d'être sous les projecteurs.
Elisabeth vient à son secours en ajoutant:
Mais le journaliste ne lâche pas l'entretien-confession. Etes-vous blessé par les critiques à l'égard de votre femme? Comment les vivez-vous? On cherche encore la séquence émotion et les failles de la vie de famille. Pierre-André Baume lâchera que parfois, il est touché par les critiques faites à l'encontre de sa femme. Par contre, il n'y aura pas de pathos, la vie de famille est-elle affectée par son accession au Conseil fédéral? Réussit-elle à concilier son rôle de conseillère fédérale et sa famille? En gros, votre femme s'en sort-elle? «Elle a toujours su rebondir», confirme Pierre-Alain Baume. La dernière question sera peut-être la plus pertinente:
Alors, au final, elle est comment l'Elisabeth dans ce reportage?Proche des gens, spontanée et conviviale, elle le montre sans peine en enchaînant les discussions et en mettant à l'aise ses interlocuteurs. Elisabeth Baume-Schneider ne joue pas et elle s'en sort plutôt bien. Après le reportage, on se dit que c'est une conseillère fédérale que l'on inviterait bien chez soi pour un verre ou pour parler de nos problèmes. Contacté par watson, Nicolas Girard, député du Parti socialiste et proche de la conseillère fédérale confirme notre impression: