Le ton de la lettre est insistant. «Nous nous adressons à vous aujourd'hui parce que nous sommes sérieusement inquiets», écrivent les auteurs. «Il est question de l'initiative populaire pour une 13e rente AVS: elle semble séduisante, mais est en fait hautement dangereuse».
Cette lettre est inhabituelle par ses signataires: cinq anciens conseillers fédéraux de droite. Adolf Ogi (81 ans, UDC), Doris Leuthard (60 ans, Le Centre) et Johann Schneider-Ammann (71 ans, PLR) ont signé la version allemande de la lettre et Joseph Deiss (78 ans, Centre) et Pascal Couchepin (81 ans, PLR) la version française.
«Une 13e rente AVS entraînerait des coûts supplémentaires de 5 milliards de francs par an», avertissent les cinq anciens magistrats:
Ils soulignent que l'AVS serait confrontée à de grands défis financiers de manière générale: «Dans six ans déjà, les rentes déjà existantes ne seront plus couvertes par les recettes».
C'est l'alliance «Non à la 13e rente AVS» qui envoie la lettre des anciens conseillers fédéraux à quelque 700 000 retraités en Suisse alémanique, comme l'écrit 20 Minuten. En Suisse romande, la lettre est publiée sous forme d'annonce dans les journaux régionaux.
En Suisse, il est plutôt inhabituel que d'anciens ministres s'immiscent dans une campagne de votation. C'est d'autant plus inhabituel lorsque cela se produit de manière aussi massive. Pour Ruth Dreifuss (83 ans, PS/GE), ministre de l'Intérieur de 1993 à 2002, cela va trop loin. Elle avait fait avancer l'égalité des droits pour les femmes avec la 10e révision de l'AVS.
«Je trouve cela étrange et insolite que d'anciens membres du camp bourgeois au Conseil fédéral s'expriment de manière coordonnée pour donner plus de force à leur recommandation de vote», déclare Ruth Dreifuss. Il y a certes toujours des cas où un ancien membre du gouvernement s'exprime au sujet d'une votation, certains plus, d'autres moins. «Pour ma part, je me tiens habituellement plutôt en retrait, mais je m'engage actuellement personnellement pour un oui à la 13e rente AVS», dit-elle:
Quant à elle, l'ancienne conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey (78 ans, PS/GE) trouve cette prise de position moins problématique. «Nous, anciens conseillers fédéraux, nous sommes des personnes libres», dit-elle. Les cinq conseillers fédéraux auraient manifestement peur que la 13e rente AVS soit acceptée. «Personnellement, je suis pour la 13e rente AVS», souligne-t-elle:
Pascal Couchepin, de son côté, confirme qu'il a participé à la lettre. «Il est dans l'intérêt de la Suisse que cette votation aboutisse à un non. Un oui à la 13e rente AVS serait très dangereux pour l'avenir de l'AVS». Il ne trouve pas problématique l'intervention commune avec ses quatre collègues:
Ce n'est pas la première fois que plusieurs anciens conseillers fédéraux s'impliquent dans une campagne de votation. C'est arrivé aussi, en 2013, lorsque dix anciens conseillers fédéraux se sont engagés ensemble dans le comité du non contre l'élection du Conseil fédéral par le peuple.
A l'Union syndicale suisse (USS), qui a lancé l'initiative pour une 13e rente AVS, voit d'un mauvais oeil l'action de ces anciens ministres. «Dans leur lettre, les anciens conseillers fédéraux ne mentionnent pas une seule fois que la situation financière des retraités s'est détériorée», a rappelé l'économiste en chef du syndicat, Daniel Lampart, à 20 Minuten. «Ils n'ont pas non plus fait de proposition pour résoudre ce problème».
«Au lieu de cela, ils essaient de faire peur à la population», constate Lampart qui conclut:
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci