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Les femmes sont les grandes gagnantes de la réforme du 2ème pilier

Begruessung durch Tamara Funiciello (links) und Martine Docourt (rechts), Co-Praesidentinnen SP Frauen Schweiz anlaesslich der Mitgliederversammlung der SP Frauen Schweiz, fotografiert am Samstag, 10. ...
Tamara Funiciello (g) et Martine Docourt (d), co-présidentes des Femmes socialistes suisses, en février 2024 à Zurich.Image: KEYSTONE

Pourquoi les femmes sont les grandes gagnantes de la réforme du 2ᵉ pilier

La prochaine votation sur la prévoyance vieillesse aura lieu à l'automne. Mais la réforme du 2ᵉ pilier fait l'objet d'un flot de critiques, en particulier chez les femmes. Une étude s'est intéressée aux conséquences de cette refonte.
05.04.2024, 18:4605.04.2024, 18:46
Doris Kleck / ch media
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C'est un refonte qui divise les femmes: la prévoyance professionnelle (LPP). En automne, le projet des caisses de pension sera soumis aux urnes, après que la gauche et les syndicats ont lancé un référendum. La question fait particulièrement débat au sein de la faîtière Alliance F. Elle a défendu au Parlement une meilleure couverture des bas revenus et des temps partiels.

Mais Alliance F n'a pas encore donné de consigne de vote: pour cela, il faut attendre un rassemblement des déléguées le 20 avril prochain. Ce que l'on sait déjà avec certitude en revanche, c'est que les Femmes socialistes s'opposent au projet. Elles avaient même suspendu leur affiliation à Alliance F en raison de divergences d'opinion sur cette thématique. Les représentantes du PS estiment que la réforme apporte trop peu aux femmes.

Pour illustrer cela, la coprésidente du PS Mattea Meyer s'appuie sur un exemple très concernant: une salariée de 50 ans avec un revenu de 4500 francs devrait à l'avenir payer 150 francs supplémentaires de cotisations, tout en recevant huit francs de moins par mois.

Le sujet est indéniablement complexe. Il englobe des paramètres très divers et basés sur des situations personnelles totalement différentes. Opposants et partisans aiment mentionner des exemples isolés pour étayer leur argumentation. Mais quel serait l'impact global de la réforme de la LPP sur les femmes? Mandaté par Alliance F, le cabinet de conseil en économie BSS s'est livré à des analyses. Voici ce qu'il en ressort.

Les problèmes de la prévoyance professionnelle

Commençons par nous demander pourquoi un changement est nécessaire. La prévoyance professionnelle a aujourd'hui un problème avec la démographie. Les retraités vivent toujours longtemps, ce qui rallonge la durée pendant laquelle ils perçoivent des rentes. En outre, la valeur des placements se réduit à cause de la baisse des rendements et de l'instabilité des marchés financiers. Le taux de conversion légal de 6,8% pour la part obligatoire est trop élevé et doit être abaissé à 6%.

Cela signifie que pour un avoir de vieillesse de 100 000 francs, la rente passe de 6800 à 6000 francs par an, soit une perte de 12%. Pour la compenser, les assurés doivent donc accumuler davantage de capital vieillesse au cours de leur vie active. Et pour les classes d'âge des quinze années de transition, qui n'y parviendront pas avant la retraite, des suppléments sont prévus.

La réforme vise en outre à améliorer la situation des femmes. Car si les femmes et les hommes touchent à peu près la même chose avec l'AVS, on est loin de l'égalité avec la prévoyance professionnelle. En 2022, les hommes recevaient en moyenne 2585 francs par mois de leur caisse de pension; les femmes, 1583 francs. Cela s'explique par des salaires plus bas et des taux d'occupation plus faibles.

Alors, est-ce que la réforme tient ses promesses pour réduire l'écart?

Payer plus pour toucher plus

L'étude BSS se base sur la structure des salaires ainsi que sur des entretiens avec des experts. Remarque préalable fondamentale: environ 85% des assurés ne sont pas concernés par la réforme. Elle ne s'adresse qu'aux assurés du régime sur obligatoire – pour qui le taux de conversion est déjà plus bas aujourd'hui; à 5,75% de moyenne.

Les auteurs de l'étude parviennent aux résultats suivants:

  • 359 000 personnes bénéficieraient d'une rente plus élevée, dont la majorité est des femmes (77%). Beaucoup ont des revenus faibles. Pour une autre partie d'entre elles, il pourrait toutefois s'agir d'un jeu à somme nulle, car l'augmentation de la rente LPP s'accompagne d'une réduction de la prestation complémentaire.
  • 169 000 personnes verront leur rente diminuer. Il s'agit d'assurés avec des revenus annuels plutôt élevés, mais qui ne correspondront malgré tout à l'avenir qu'au minimum LPP. Les hommes (60 %) sont plus touchés que les femmes par ces baisses.
  • Enfin, il existe un groupe de population qui, malgré une part au régime sur obligatoire, n'est pas directement concerné par la réforme et recevrait tout de même des allocations de transition. Parmi ces 393 000 personnes, on compte plus de femmes (56 %) que d'hommes.

Pour séparer les gagnants des perdants, il faut prendre en compte deux effets: l'abaissement du seuil d'entrée ainsi que la redéfinition de la déduction de coordination font que les bas salaires et le travail à temps partiel sont désormais mieux assurés dans le cadre du 2ème pilier. Conséquence: les rentes prennent l'ascenseur.

Ces modifications ont tendance à favoriser plutôt les femmes (travaillant à temps partiel) que les hommes. D'un autre côté, il y a l'effet de la baisse du taux de conversion et de la réduction du taux de cotisation à partir de 45 ans. Si ce dernier l'emporte, les rentes baissent. Les hommes âgés sont à nouveau plus touchés que les femmes.

Mais la hausse des rentes a aussi un prix. La réforme provoquerait une augmentation des cotisations aux caisses de pension d'un peu plus d'un demi-million d'assurés. Selon le BSS, 180 000 hommes et 340 000 femmes ainsi que leurs employeurs devraient cotiser davantage.

Reste à s'interroger sur le rapport coûts/bénéfices pour les personnes concernées. Une question controversée, car les rentes de la LPP resteront faibles pour les personnes à bas salaires, malgré la refonte – elles préfèrent donc dépenser la différence aujourd'hui plutôt que d'épargner pour la retraite.

Les Femmes socialistes sont méfiantes

La conseillère nationale socialiste Min Li Marti (BE) est membre du comité directeur d'Alliance F. Les résultats de l'étude ne la surprennent pas. Elle déclare:

«La réduction de la déduction de coordination avantage incontestablement les femmes qui travaillent à temps partiel.»

Il n'empêche, la réforme est complexe et peu claire. Il y a aussi des gens qui doivent payer plus pour toucher moins. Min Li Marti se demande:

«A quoi sert la rente de couple si celle d'un conjoint augmente alors que celle de l'autre diminue et qu'au final, ils ont ensemble moins qu'aujourd'hui?»

Pour la représentante des Femmes socialistes auprès d'Alliance F, c'est la vision d'ensemble qui est décisive. Selon elle, la réforme coûte trop cher et ne rapporte pas assez aux assurés, même si elle admet que la LPP est aujourd'hui hostile au temps partiel.

Pour les coprésidentes d'Alliance F, ces données montrent clairement que les femmes font partie des gagnantes de la réforme de la LPP. Selon Maya Graf, conseillère aux États verte (BL) et coprésidente:

«Pour de nombreuses femmes et en particulier pour celles à temps partiel, la réforme apporte une meilleure protection»

Elle permettra également de réduire l'écart entre les rentes, affirme la conseillère nationale vert'libérale Kathrin Bertschy (BE):

«Cette réforme arrive tout simplement beaucoup trop tard. Il est grand temps que des centaines de milliers d'employés à temps partiel obtiennent un 2e pilier équitable. C'est un pas énorme et important.»

Kathrin Bertschy admet également que des rentes LPP plus élevées pourraient faire perdre à certaines personnes leur droit aux prestations complémentaires. Et d'ajouter:

«Mais nous devrions en principe œuvrer pour que les femmes vivent de leur travail et se constituent des droits à une rente assurant leur subsistance dans l'AVS comme dans la LPP, plutôt qu'elles continuent à dépendre des prestations complémentaires.»

(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)

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