Le Parlement, ça sert à parler. C'est même dans le nom: on débat, on discute, on échange. Lundi, c'est la rentrée des classes pour la nouvelle législature: une cinquantaine de parlementaires tout neufs, sur les 246 que comptent l'Assemblée fédérale, vont entrer en fonction.
En novembre 2017, le président du Conseil national de l'époque, le PDC (désormais Le Centre) Dominique de Buman, a eu une idée pour le moins intéressante lors de son entrée en fonction: faire installer un appareil de mesure des décibels à côté de son pupitre.
Conclusion: dans la Chambre basse, le niveau sonore peut monter jusqu'à 72 décibels, un degré comparable à celui d'une rue très fréquentée. Ce n'est certes pas dangereux pour la santé, mais la concentration en pâtit forcément. Comment les parlementaires font-ils pour se concentrer?
Au milieu du brouhaha, il faut toutefois relativiser ce chiffre. Car si on vote bel et bien les décisions dans la salle du Conseil, les débats en son sein sont souvent là pour la forme. Les vraies décisions sont prises ailleurs, à huis clos, lors des séances des groupes. Là où, dans les travées du Palais fédéral, on peut apercevoir le panneau: «Séance. Ne pas déranger, s'il vous plaît».
Ce huis clos, c'est la salle 287. Les commissions du Conseil national s'y réunissent pour préparer les projets de loi en détail, forger des compromis et trouver des majorités. Dans ces commissions regroupées par thèmes, les parlementaires prennent des décisions préliminaires. En règle générale, le Conseil national écoute ensuite les recommandations de sa commission.
On a demandé un jour au conseiller national Olivier Feller (PLR/VD) si ces groupes de travail ne représentaient pas «l'antichambre du pouvoir». Sa réponse a eu le mérite d'être claire:
La semaine dernière, les services du Parlement ont publié la répartition de la nouvelle législature. En tant que premier parti du pays, l'UDC obtient le plus grand nombre de sièges dans les 25 commissions du Parlement. Respectivement 8 ou 9 membres de l'UDC siégeront dans chacune des commissions (séparées en deux par Chambre), soit presque un siège de commission sur trois.
Le groupe UDC (qui contient également les deux élus MCG, un élu tessinois de la Lega et deux élus de l'UDF) rafle près de 97 sièges sur les 284 disponibles. A titre de comparaison, les socialistes en prennent 57 ou le groupe centriste (avec les évangéliques), 43.
Pour appuyer sa marque, l'UDC peut aussi tenter de former des majorités avec le PLR. Cela dépend toutefois de la répartition concrète des sièges. Mais même ainsi, les deux grands partis de droite ne pourront pas passer en force.
On a pu le voir en 2015: les élections fédérales s'étaient soldées par un triomphe absolu de l'UDC. Avec une part électorale de 29,4%, elle obtenait son meilleur résultat de tous les temps. Le PLR avait également fait un bon score et les deux partis avaient une majorité absolue au Conseil national.
Mais malgré tout, la collaboration a été décevante. Dans un bilan à mi-parcours de la législature, l'UDC a calculé que les deux partis n'avaient pu s'imposer ensemble contre le centre et la gauche que dans 23 des 915 votes. Le parti agrarien a dénoncé l'attitude de son «allié» et a expliqué s'être retrouvé isolé la plupart du temps. A 162 reprises, le parti était seul à voter contre l'ensemble du reste des formations politiques.
L'UDC et le PLR sont donc loin d'être sur la même longueur d'onde dans tous les domaines. Pour la législature qui vient, ils n'ont pas de majorité au Conseil national et encore moins au Conseil des États. À la Chambre haute, l'UDC et le PLR occupent 17 sièges. Dans les deux chambres, c'est encore et toujours le Centre qui fera les majorités ces quatre prochaines années.
Traduit et adapté par Valentine Zenker et Alexandre Cudré