Mercredi matin, le Parti pirate zurichois a déposé auprès de l'administration cantonale les signatures récoltées pour son initiative populaire «Un droit à la vie hors ligne». Une initiative qui devrait faire des vagues bien au-delà du plus grand canton suisse, car ils ont récolté 9000 signatures. Si 6000 d'entre elles sont validées, l'objet sera soumis au peuple.
Ensuite, la direction compétente au sein de l'administration cantonale zurichoise examinera l'initiative, puis le parlement cantonal décidera de la marche à suivre, avec la recommandation du Conseil d'Etat. Cela peut prendre quelques mois. Et, en vérité, les spécialistes estiment qu'il n'est pas encore possible de savoir comment des demandes aussi fondamentales concernant la numérisation seront mises en œuvre au niveau cantonal.
Monica Amgwerd, co-initiatrice et secrétaire générale des Pirates a bien voulu répondre à nos questions.
Madame Amgwerd, l'initiative cantonale lancée par votre parti a abouti, félicitations! Quelle a été l'ampleur du tour de force?
Monica Amgwerd: La section zurichoise du Parti pirate a été réactivée au cours des deux dernières années. Nous sommes désormais un bon groupe de membres actifs et très engagés. Ceux-ci ont consacré des centaines d'heures à l'aboutissement de cette initiative. En outre, de nouveaux membres nous ont régulièrement rejoints. De plus, lors de la collecte des signatures, nous avons été soutenus par la section argovienne. Le nombre de signatures qui nous ont été envoyées par la poste a été très réjouissant. De manière générale, les réactions ont été très bonnes – de nombreuses personnes se sentent concernées par notre demande.
Quelles sont les préoccupations les plus urgentes en matière de droit fondamental à l'intégrité numérique qui doivent être abordées par les politiques?
Nous estimons que l'utilisation de plus en plus large de l'intelligence artificielle représente un danger non-négligeable. Il existe bien sûr des applications très utiles et nous ne voulons en aucun cas les limiter, mais l'IA fait des erreurs et celles-ci sont souvent inacceptables.
Et l'autre grand problème?
Divers acteurs se servent de nos données pour des intérêts financiers ainsi que pour contrôler et manipuler les individus et la population – là aussi, l'intelligence artificielle joue un rôle essentiel. Il est donc indispensable d'introduire un droit à la vie «hors ligne», car c'est ainsi que l'on peut choisir, ponctuellement ou de manière générale, de ne pas transmettre de données du tout. Parallèlement, la minimisation de données et la protection de la vie privée dès la conception devraient devenir la norme. Cela permet également de réduire les données que nous laissons derrière nous sur internet et d'éliminer le risque d'abus.
Zurich est le canton le plus peuplé de Suisse. En même temps, des groupes technologiques comme Google et d'autres grandes entreprises informatiques y ont leur siège. Si l'initiative venait à être acceptée, quel impact pourrait-elle avoir au-delà des frontières cantonales?
Le canton de Zurich est un important centre économique, culturel et social de la Suisse. En acceptant l'initiative, nous espérons que les citoyens entendront parler de ce projet au-delà des frontières cantonales, qu'ils en reconnaîtront l'importance et qu'ils voudront implémenter une initiative similaire dans leur propre canton.
L'adoption de l'initiative serait par exemple le signe que le peuple souhaite que l'argent liquide soit accepté partout et que les gens souhaitent pouvoir se déplacer en toute confidentialité.
La progression de la numérisation est pourtant inexorable, non?
De manière générale, nous avons besoin d'une évaluation sérieuse de l'impact technologique de la numérisation. Celle-ci touche d'autres aspects, comme la gestion des infrastructures critiques, mais aussi des institutions démocratiques sensibles comme nos procédures de vote et d'élection ou nos documents d'identité. Là encore, nous ne devons pas prendre de risques inconsidérés, car les enjeux sont trop importants – il en va de notre société pluraliste et de l'ordre fondamental libéral et démocratique de la Suisse.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci