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Des sociétés suisses polluantes ne paient pas de taxe CO2

Des sociétés suisses polluantes ne paient pas de taxe CO2 et ça irrite

Les entreprises des «secteurs à forte consommation d'énergie» ne doivent pas payer de taxe sur le CO2. Au lieu de cela, elles s'engagent à réduire leurs émissions. Du point de vue du Contrôle des finances de la Confédération, c'est un problème.
23.01.2024, 12:0123.01.2024, 12:56
Chiara Stäheli / ch media
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Il reste à peine 26 ans à la Suisse pour atteindre la neutralité climatique. D'ici 2050, les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites à zéro. Ce que le Conseil fédéral s'est déjà engagé à faire dans le cadre de l'accord de Paris a été confirmé par les électeurs en juin dernier. Depuis lors, l'objectif zéro net est inscrit dans la loi.

C'est quoi cette taxe sur le CO2?

La taxe sur le CO2 est un instrument central sur la voie de la neutralité climatique en Suisse. Quiconque utilise des combustibles fossiles comme le mazout ou le gaz naturel pour produire de l'énergie doit s'acquitter d'une taxe d'incitation. Celle-ci s'élève à 120 francs par tonne de CO2 générée et s'applique aussi bien aux entreprises qu'aux ménages.

Il existe toutefois des exceptions: certaines entreprises peuvent être exemptées de la taxe si elles s'engagent à la place à réduire leurs émissions de CO2 – ou si elles participent au système d'échange de quotas d'émission.

Ces exceptions sont réservées aux entreprises des secteurs économiques à forte consommation d'énergie, c'est-à-dire ceux qui génèrent le plus d'émissions. Le raisonnement est le suivant: si une entreprise – par exemple industrielle – doit payer des taxes sur le CO2 trop élevées, elle perd en compétitivité au niveau international; elle risque de supprimer des emplois en Suisse.

Des entreprises ne payent pas et c'est un problème

Selon la liste de la Confédération, les entreprises de l'industrie horlogère, de la production de verre ou de la culture de plantes sous serre, par exemple, peuvent faire usage de cette exception. En 2022, 1233 entreprises ont été exemptées de la taxe sur le CO2. En contrepartie, elles devaient s'engager à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Mais le Contrôle fédéral des finances (CDF) arrive maintenant à la conclusion que les objectifs de réduction ne sont pas assez ambitieux. L'exemption de la taxe sur le CO2 est certes un instrument accepté, mais les exigences posées aux entreprises exemptées ne seraient «pas très élevées». Selon le CDF, les objectifs de réduction, qui sont fixés individuellement pour chaque entreprise, ne sont pas assez ambitieux. En outre, il est difficile d'expliquer pourquoi les exigences imposées aux entreprises «n'ont pas changé alors que la taxe sur le CO2 a plus que triplé entre 2013 et 2020».

Comme l'indique le CDF dans son rapport, les entreprises exemptées – dont la plupart sont des sociétés industrielles – ont réduit leurs émissions de gaz à effet de serre de 19% entre 2013 et 2020. Durant la même période, les émissions de l'ensemble de l'industrie ont diminué de 20%. Ce résultat est «décevant» aux yeux du CDF.

En effet, les entreprises exemptées de la taxe ont économisé 900 millions de francs durant ces années, car elles n'ont pas dû payer de taxe sur le CO2. Mais elles n'ont pas réduit davantage leurs émissions que les autres entreprises du secteur industriel, non exemptées.

Quel est l'impact sur les Suisses?

Pour la population suisse, l'exemption de certaines entreprises de la taxe sur le CO2 a des conséquences directes: l'argent de la taxe – environ 1,2 milliard de francs – est redistribué à la population et à l'économie à hauteur d'environ deux tiers. Le reste va en grande partie au Programme Bâtiments, et un petit montant au Fonds de technologie. S'il y a moins d'argent dans le pot, il y en a moins à redistribuer.

Dans son rapport, le CDF critique, en outre, le fait que:​

«Beaucoup d'entreprises dispensées n'ont guère fait d'investissements importants, par exemple dans les énergies renouvelables»

Au lieu de cela, des mesures ont été prises pour augmenter l'efficacité énergétique. Cela reste important, mais la décarbonisation nécessite aussi des investissements importants. Le fait que de tels investissements ne soient que rarement réalisés s'explique toutefois aussi par les directives des autorités: ceux qui se font exempter de la taxe sur le CO2 doivent uniquement prendre des mesures rentables et qui peuvent être amorties en quelques années.

Brigitte Christ, directrice adjointe du CDF, conclut donc:​

«Si l'instrument de l'obligation de réduction doit continuer à exister et s'étendre, il faut des objectifs plus ambitieux et des incitations plus fortes»
Brigitte Christ, Stellvertretende Direktorin der EFK, spricht waehrend einer Medienkonferenz der Eidgenoessische Finanzkontrolle (EFK) zum Jahresbericht 2022, am Dienstag, 23. Mai 2023 in Bern. (KEYST ...
Brigitte Christ, directrice adjointe du CDF.Image: KEYSTONE

Et maintenant?

Une extension est déjà prévue: le Conseil national et le Conseil des Etats discutent actuellement de la révision de la loi sur le CO2 pour la période après 2024. La révision prévoit également des adaptations de la taxe sur le CO2. A l'avenir, toutes les entreprises devraient avoir la possibilité de se faire exempter de cette taxe si elles s'engagent à la place à réduire leurs émissions.

Ces engagements de réduction seront encore possibles jusqu'en 2040, après quoi toutes les entreprises devront payer la taxe sur le CO2. Selon le message du Conseil fédéral, cela crée des incitations à sortir des énergies fossiles avant 2040 déjà.

Les agences de l'énergie se défendent

Les deux agences de l'énergie Aenec et Act ne sont pas d'accord avec le constat du CDF. Sur mandat de l'Office fédéral de l'énergie et de l'Office fédéral de l'environnement, ces agences fournissent des conseillers en énergie aux entreprises exemptées de la taxe, et les accompagnent sur la voie de la réduction des émissions.

Frank Ruepp, Praesident IG Energieintensive Branchen fordert im Namen der Schweizer Wirtschaft eine zuverlaessige Stromversorgung ohne Atomausstieg am Dienstag, 17. Mai 2011 in Bern. (KEYSTONE/Lukas L ...
Frank Ruepp.Image: KEYSTONE

Selon Frank Ruepp, directeur de l'Aenec, le secteur industriel «a toujours atteint ses objectifs de réduction de CO2, contrairement au secteur du bâtiment et des transports, notamment grâce à l'obligation de réduction».

Une vue generale montre l'avancement du chantier la raffinerie a l'occasion d'une invitation a la presse pour le demontage de la derniere paroi de la derniere citerne lors des travaux d ...
La raffinerie Tamoil à Collombey a cessé ses activités (image d'archives).Image: KEYSTONE

Il est d'ailleurs «incompréhensible» que le CDF compare des chiffres qui ne seraient, selon lui, pas du tout comparables. Le fait que le secteur industriel ait réduit ses émissions de 20%, soit légèrement plus que les entreprises exemptées de la taxe, ne serait dû qu'aux fermetures de très grandes entreprises, comme celle de la raffinerie Tamoil à Collombey en 2016 et de deux usines de papier. Pour Frank Ruepp, il est clair que:

«La possibilité pour les entreprises à forte consommation d'énergie de se libérer de la taxe sur le CO2 et de prendre à la place leurs propres mesures de réduction protège la place industrielle suisse»

Si les exigences imposées aux entreprises se durcissaient, l'industrie risquerait d'être délocalisée et de fermer ses portes.

Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder

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