Suisse
Climat

Neutralité carbone: voici les 3 solutions pour stocker le CO2

La Suisse a trois solutions pour capter le CO2

La technologie permettant de capturer et de stocker durablement le CO2 est cruciale pour atteindre la neutralité carbone. Mais cette méthode est également décriée ou détournée par les industriels du pétrole, comme on l'a vu à Cop28.
25.12.2023, 11:5225.12.2023, 12:10
Stephanie Schnydrig / ch media
Plus de «Suisse»

Le charbon, le pétrole et le gaz vont-ils enfin disparaître de la planète? La conférence sur le climat de Dubaï, qui se déroulait jusqu'à la semaine dernière, était consacrée à cette question. Mais il n'est pas certain qu'on y arrive. De nombreux pays s'y opposent. Et surtout: grâce à une formulation habile, certains tentent de sauver leur business fossile grâce à une porte dérobée. La technologie de capture et de stockage du carbone, ou CSC, est au cœur de ce débat.

Une usine en Islande gérée par la société Carbfix : ici, le CO₂ dissous dans l'eau est pressé dans le sous-sol.
Une usine en Islande gérée par la société Carbfix: ici, le CO2 dissous dans l'eau est pressé dans le sous-sol.

L'idée est de continuer à promouvoir les combustibles fossiles tout en développant massivement les technologies de captage et de stockage du carbone (CSC) afin d'absorber les émissions de CO2 qui en résultent. Sans surprise, les lobbyistes du pétrole ont de la sympathie pour cette option, et il semble que l'UE pourrait également s'y rallier.

La réussite de ce plan est très controversée – voire utopique, si l'on en croit l'Agence internationale de l'énergie (AIE): si l'extraction de pétrole et de gaz naturel progresse comme prévu, il faudrait capter et stocker 32 milliards de tonnes de CO2 d'ici 2050 si l'on veut atteindre les objectifs climatiques. Le problème: les procédés CSC sont extrêmement gourmands en électricité.

«La quantité d'électricité nécessaire à l'exploitation de ces technologies serait plus importante que l'ensemble des besoins mondiaux actuels»
Agence internationale de l'énergie

La Suisse doit se débarrasser de 12 millions de tonnes de CO2

Certes, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) et la Suisse considèrent eux aussi le CSC comme une partie de la solution dans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais contrairement aux représentants des énergies fossiles, il s'agit pour eux d'utiliser le CSC pour les émissions qui ne peuvent pas être évitées. Par exemple pour celles provenant de l'agriculture, de l'incinération des déchets ou de l'industrie.

En Suisse, cela représente environ un quart des émissions totales, soit 12 millions de tonnes de CO2 par an. Malgré tous les efforts de protection du climat, comme une meilleure isolation des bâtiments et l'électrification, il est impossible de s'en débarrasser, l'objectif zéro net serait donc impossible à atteindre dès le départ.

Que faire alors du reste ? Un projet pilote dirigé par l'ETH Zurich et baptisé Demo UpCARMA a examiné deux possibilités. Les résultats sont désormais disponibles.

Le béton absorbe le dioxyde de carbone

Dans le cadre d'un sous-projet, une équipe dirigée par Johannes Tiefenthaler a testé la capacité de stockage durable du CO2 dans le béton. Ce technicien des procédés est le fondateur et co-CEO de la spin-off de l'ETH Neustark, qui a développé le procédé. Celui-ci fonctionne de la manière suivante: le CO2 des boues d'épuration est aspiré dans une station d'épuration des eaux usées, liquéfié puis mélangé à du béton de démolition dans une installation de stockage. Le CO2 se minéralise alors et forme du carbonate de calcium, dans lequel le gaz à effet de serre reste durablement lié.

«Même si le béton recyclé est démoli ultérieurement, le CO2 reste à l'intérieur»
Johannes Tiefenthaler

Seuls des températures supérieures à 600 degrés ou des acides très forts peuvent à nouveau libérer le gaz à effet de serre.

Selon Tiefenthaler, le concept est «déjà un business aujourd'hui». En Suisse et en Allemagne, il existe douze installations de ce type, 30 autres sont en cours de construction. Jusqu'à présent, 800 tonnes de CO2 ont ainsi été fixées durablement (une tonne de béton de démolition stocke environ 13 kilogrammes de CO2).

Bien sûr, ce processus de capture, de transport et de stockage du CO2 produit également des émissions, mais nettement moins que celles qui sont stockées (64 kilogrammes de nouvelles émissions contre 1000 kilogrammes d'émissions stockées). Selon les experts, ce procédé permettrait de stocker dans le béton environ un demi-million de tonnes de CO2 par an dans notre pays.

En camion, en train et en bateau vers l'Islande

Une autre façon de faire disparaître le CO2 est de l'acheminer à l'étranger, par exemple en Islande. Dans le cadre du projet Demo UpCARMA, du CO2 liquéfié a été transporté de Suisse par camion jusqu'à Weil am Rhein (D), puis par train jusqu'au port de Rotterdam (NL) et ensuite par fret maritime jusqu'à Helguvík, dans le sud-ouest de l'Islande. Là, le CO2 a été dissous dans de l'eau de mer et comprimé dans du basalte volcanique à environ 400 mètres de profondeur. Par une réaction chimique naturelle, le mélange CO2-eau se fossilise dans les pores de la roche pour former du carbonate de chaux - et reste lié pendant des millénaires.

Deux échantillons de roches basaltiques : du CO2 a été injecté dans l'échantillon inférieur, mais pas dans celui supérieur.
Deux échantillons de roches basaltiques: du CO2 a été injecté dans l'échantillon inférieur, mais pas dans celui supérieur.
«Malgré le transport coûteux, qui libère également des émissions, l'effort en vaut la peine du point de vue de la protection du climat»
Stefan Wiemer, du Service sismologique suisse à l'EPF de Zurich, dirige le projet islandais.

Pour 1000 kilogrammes de CO2 stockés, environ 250 kilogrammes de nouvelles émissions de CO2 ont donc été générés. Le tout a toutefois un prix, à savoir plusieurs centaines de francs suisses par tonne de CO2 stockée. Mais cela doit être considéré dans le contexte du caractère pilote, et les prix devraient baisser à l'avenir, espèrent les chercheurs.

De plus, le bilan carbone devrait être meilleur si le transport se faisait par pipeline. Une telle infrastructure n'existe toutefois pas en Suisse. Mais elle fait partie des plans de développement du CSC de la Confédération, qui devraient être mis en œuvre après 2030. D'ici là, il reste encore beaucoup de choses à clarifier.

Un problème non résolu est par exemple celui du financement. Un autre est de savoir qui sera juridiquement responsable du pipeline. Le Conseil fédéral veut examiner des propositions concrètes à ce sujet d'ici fin 2024. Toujours est-il que d'ici 2035, un pipeline de CO2 devrait être construit dans l'UE jusqu'à Bâle.

Une autre façon de faire disparaître le CO2 est de l'acheminer à l'étranger, par exemple en Islande.
Les deux variantes testées pour le stockage permanent du CO2.

Stocker du CO2 dans les fonds marins

Si l'on en croit le gouvernement, il sera en outre possible dès l'année prochaine d'exporter du CO2 à l'étranger pour le stocker dans les fonds marins. Pour ce faire, le Conseil fédéral a ratifié il y a un peu plus de deux semaines un amendement correspondant au protocole de Londres. Il s'agit d'une convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et d'autres substances.

Des scientifiques du Centre Helmholtz de recherche océanique de Kiel ont déjà étudié la sécurité du stockage de CO2 dans les fonds marins dans le cadre d'un projet de recherche européen de plusieurs années. Ils ont utilisé comme étude de cas le gisement de gaz de Sleipner en mer du Nord, où le groupe norvégien Equinor injecte depuis 1996 du CO2 issu de l'extraction de gaz naturel dans du grès poreux.

Les recherches ont montré que pour chaque million de tonnes de gaz injecté dans le sous-sol, seules dix tonnes environ s'échappent. Le CO2 qui s'échappe se dissout dans l'eau et ne retourne pas dans l'atmosphère. C'est une bonne chose pour le climat, mais cela peut être une mauvaise chose pour les organismes marins. En effet, la fuite de CO2 acidifie l'eau de mer, ce qui dissout les coquilles calcaires des organismes vivants. Ces conséquences négatives ne s'appliquent toutefois qu'à une petite zone, selon les chercheurs, il ne faut pas s'attendre à des effets néfastes à grande échelle.

Quel est le potentiel de stockage en Suisse?

Compte tenu de l'effort considérable que représente le transport du CO2 à l'étranger: Ne pourrait-on pas tout simplement le stocker dans notre pays? Selon un sondage, l'acceptation sociale serait tout de même donnée, comme le constate Stefan Wiemer. Du moins tant qu'il n'existe pas encore de plans concrets d'implantation. Cela peut changer rapidement, comme le montre le débat sur le stockage final des déchets radioactifs.

On ne sait pas non plus quel est le potentiel de stockage géologique en Suisse. «Nous connaissons relativement bien notre sous-sol, notamment grâce aux forages de la Nagra», explique Wiemer. Mais trop peu pour fournir des chiffres précis.

«Les estimations du potentiel de stockage de CO2 vont de quelques tonnes à plusieurs gigatonnes»
Stefan Wiemer

Il espère pouvoir réaliser un premier test d'injection en Suisse d'ici 2030, où 10 000 tonnes de CO2 liquéfié seraient injectées à 1000 mètres de profondeur sur un site approprié. Si cette expérience s'avérait sûre, c'est-à-dire si le CO2 ne s'échappe pas de manière incontrôlée, il serait possible de réaliser des tests encore plus importants sur plusieurs sites dans les années 2040. «D'ici 2050, nous pourrions certainement exploiter un réservoir de stockage en Suisse», affirme le sismologue. Cela semble optimiste, compte tenu du chemin encore long et coûteux à parcourir. Mais Wiemer estime que «ce n'est pas parce que ce sera compliqué qu'il faut abandonner dès maintenant.»

Traduit et adapté par Daphnée Lovas

24 gâteaux hérisson affreusement moches
1 / 26
24 gâteaux hérisson affreusement moches
partager sur Facebookpartager sur X
Le fossile d’un «T-Rex des mers» a été découvert en Angleterre
Video: watson
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Ils auraient gaspillé l'argent des CFF pour réaliser leurs rêves
Il y a sept ans, Wolfgang Winter, directeur général d'Elvetino, a été licencié pour faute grave. Depuis lors, le secteur se demande quelles ont été ses fautes. Voici son histoire.

Wolfgang Winter était directeur de la filiale Elvetino des CFF, responsable de plus de 100 wagons-restaurants et bistros, et ne gagnait pas mal sa vie: 240 000 francs par an. Mais il en voulait plus. Le procureur de Zurich décrit dans son acte d'accusation comment il serait devenu un criminel.

L’article