Début novembre, on a voulu savoir ce qu'advient des cadeaux, comme les montres Rolex, que les représentants de la Fifa semblent recevoir du Qatar. Les membres de la Fifa peuvent-ils les garder? Comment cela est-il contrôlé? Y a-t-il une obligation de déclaration? La Fifa, dont le président Gianni Infantino vit depuis des mois au Qatar, n'a pas répondu à nos questions, comme c'est souvent le cas.
Des recherches menées par la chaîne de télévision allemande ZDF ont été à l'origine de cette affaire. Le patron du Bayern, Karl-Heinz Rummenigge, a reçu en 2013 deux montres Rolex en cadeau lors d'un voyage au Qatar. Les douanes allemandes les ont trouvées dans ses bagages. Rummenigge s'est vu infliger par la suite une amende de 250 000 euros. Alors qu'il a déclaré avoir reçu les montres d'un ami, un informateur a déclaré à la ZDF qu'il s'agissait de cadeaux du Qatar. En tout cas, après ce voyage, Rummenigge est passé du statut de critique à celui de partisan de la Coupe du monde en hiver.
Le «Qatagate» de Bruxelles rappelle aujourd'hui l'existence de tels agissements. Les cheikhs auraient soudoyé des hommes politiques avec de l'argent et des cadeaux afin d'influencer des décisions telles que la facilitation de l'octroi de visas par le Parlement européen; il est question de «corruption en bande organisée et de blanchiment d'argent».
Au centre de l'affaire se trouve la socialiste grecque Eva Kaili (44 ans), vice-présidente du Parlement européen. Elle a récemment qualifié l'émirat de «pionnier en matière de droits des travailleurs» après un voyage au Qatar.
Elle a été arrêtée par la police belge et vient de perdre son poste de vice-présidente du Parlement européen. 600 000 euros en liquide ont été saisis. Quatre Italiens ont également été arrêtés, dont le compagnon de Kaili, mais aussi Luca Visentini (53 ans), secrétaire général de la Confédération syndicale internationale depuis novembre.
Rita Schiavi (67 ans), ancienne syndicaliste d’Unia à Bâle a occupé un poste proche de celui de Luca Visentini. En tant que représentante suisse au sein du syndicat international des travailleurs du bâtiment et du bois, elle a inspecté pendant des années des chantiers au Qatar. Elle s'est récemment exprimée à plusieurs reprises de manière relativement bienveillante sur l'évolution de la situation au Qatar.
Interrogée par CH Media, elle n'a pas souhaité s'exprimer sur le «Qatargate». Elle affirme n'avoir jamais reçu la moindre subvention du Qatar. Au contraire, elle a dépensé beaucoup d'argent pour ses voyages.
Les cheikhs sont-ils également actifs en Suisse? Le conseiller national Roland Büchel (UDC, SG), proche de la Fifa, fait partie de ceux qui ont récemment défendu la Coupe du monde au Qatar. Lorsqu'on lui demande s'il a été approché par l'émirat, il répond:
Dans son propre cas, c'est ce qui s'est passé: «Lors d'une rencontre avec l'ambassadeur du Qatar au restaurant du Palais fédéral, il m'a payé un double de l'expresso et de la grappa». En ce qui concerne le «Qatargate», il ne voit pas tout de suite «où se situerait un éventuel avantage pour le Qatar dans une telle action».
Comme d'autres Etats autoritaires, le Qatar cherche constamment à influencer les décisions démocratiques par le biais d'argent et de cadeaux. Les milliardaires du Golfe ont en outre investi beaucoup d'argent en Suisse: pas seulement dans des banques, des négociants en matières premières et des hôtels de luxe, mais aussi dans des actions de relations publiques, dans l'entretien de relations et dans des activités présumées d'espionnage et de piratage. Le Ministère public de la Confédération suisse est manifestement en train de clarifier la situation.
Les opérations visant à restaurer la réputation des cheikhs sont en cours depuis des années. En 2008 déjà, deux conseillers nationaux genevois PLR se sont mobilisés pour le Qatar. Hugues Hiltpold et Christian Lüscher demandaient au Conseil fédéral s'il n'envisageait pas d'ouvrir une ambassade suisse à Doha.
S'il y a une chose que l'on peut affirmer avec certitude, c'est que l'émirat est loin d'être une démocratie.