Un jeune de quinze ans a tenté de tuer un juif à Zurich. Johannes Saal, chercheur à l'université de Lucerne sur la radicalisation des djihadistes, explique comment une telle attaque a pu avoir lieu et quels sont les facteurs qui favorisent ce genre d'actes.
Un adolescent de quinze ans a tenté de tuer un juif orthodoxe à coups de couteau, samedi, à Zurich. Comment une telle chose peut-elle se produire?
Johannes Saal: J'espère que les enquêtes permettront d'éclaircir les circonstances de cette affaire. De manière générale, on peut dire que cet acte a eu lieu dans le contexte de deux développements:
Quel rôle joue l'antisémitisme dans ce contexte?
Comme partout en Europe, les incidents antisémites ont fortement augmenté en Suisse depuis l'attaque du Hamas. Ils se sont toutefois manifestés pour la plupart sous la forme de violence verbale, de commentaires en ligne ou en marge de manifestations. La violence physique contre les juifs a été extrêmement rare en Suisse jusqu'à présent.
S'agit-il d'un cas isolé?
Je trouve que le terme de «cas isolé» est difficile à employer dans un tel contexte. Comme mentionné, il y a d'une part une continuité avec les attaques de Morges et de Lugano, également inspirées par l'EI. D'autre part, il est fort probable que l'auteur de l'attaque de Zurich n'ait pas agi de manière coordonnée et en tant que membre d'un groupe de terroristes agissant de concert, comme les auteurs de l'attentat du Bataclan à Paris en novembre 2015. Mais il a suivi le modus operandi que l'EI propage depuis de nombreuses années:
Faut-il donc s'attendre à d'autres attentats similaires en Suisse?
C'est déjà le troisième acte de ce type dans notre pays. Je n'excluais déjà pas avant l'attaque de Zurich que cela se reproduise, et je ne l'exclus toujours pas aujourd'hui. Il peut y avoir des imitateurs, il peut y avoir de nouveaux cas indépendants.
De quel genre de personnes s'agit-il?
La recherche et l'étude des documents d'enquête ne permettent pas de dégager un profil unique. Mais il existe un certain nombre de facteurs qui pourraient favoriser la radicalisation.
Lesquels?
Premièrement, l'âge: ce sont souvent des jeunes d'entre 13 et 20 ans qui se radicalisent. Il s'agit généralement de personnes qui ont du mal à s'intégrer socialement, à trouver leur place à l'école ou dans des associations. A cela s'ajoute souvent une difficile recherche d'identité. Selon les premières déclarations de l'entourage scolaire et familial, ces facteurs prévalaient chez l'agresseur de Zurich: c'est un jeune musulman issu de l'immigration qui s'est fait remarquer par son caractère solitaire.
Comment fonctionne concrètement un processus de radicalisation?
La recherche nous apprend que les personnes concernées commencent souvent par chercher des personnes qui partagent leur vision du monde et leurs intérêts.
Nous ne savons pas encore si l'agresseur de Zurich a eu des contacts physiques ou sur internet avec les milieux islamistes locaux. De manière générale, la décision de devenir soi-même un auteur d'attentat est très individuelle. Souvent, même les enquêteurs ne parviennent pas à faire toute la lumière sur cette question.
Dans sa vidéo de revendication, l'auteur de l'attentat faisait référence au «chef de l'Etat islamique». Comment ce contact s'est-il établi?
Il est impossible de le dire à l'heure actuelle. Le fait est que sa vidéo de revendication a été diffusée très rapidement et très largement par des canaux proches de l'Etat islamique. C'est à mon avis un indice fort qu'il a été en contact direct avec des représentants du groupe.
Traduit et adapté par Tanja Maeder