Suisse
Religions

Education sexuelle: des parents s'acharnent contre un prof gay

Schule Pfäffikon ZH Zürich Obermatt Primarschule
Un enseignant gay a été licencié de l'école primaire Obermatt à Pfäffikon (ZH).Image: Schule Pfäffikon

Des parents s'acharnent contre un prof gay et le font craquer

En butte avec des parents croyants rigoristes, un professeur chargé d'enseigner l'éducation sexuelle à l'école primaire de Pfäffikon (ZH), a été contraint à la démission. La situation s'était envenimée ces derniers mois.
22.04.2024, 19:0222.04.2024, 22:24
Raphael Bühlmann
Raphael Bühlmann
Plus de «Suisse»

Cela fait six ans que les cours d'éducation sexuelle à l'école primaire sont obligatoires dans le canton de Zurich. Un enseignant a appris à ses dépens que cela ne plaisait pas à tout le monde, comme l'a révélé le Zürcher Oberländer/Zueriost.

Des parents chrétiens d'obédience conservatrice ont exigé et obtenu que l'école primaire Obermatt de Pfäffikon (ZH) renvoie l'enseignant, par ailleurs homosexuel. watson le désigne ci-après sous le pseudonyme de Daniel Brunner.

Reprenons depuis le début:

Rentrée scolaire 2023

Daniel Brunner entame la nouvelle année scolaire avec sa classe de 5e. Il prépare le cours d'éducation sexuelle avec l'enseignante responsable de la classe de 6e. Ils l'ont déjà organisé sous une forme similaire trois ans plus tôt, abordant les thèmes de l'amitié, de l'amour et de la sexualité. Le cours d'éducation sexuelle comprend quatre leçons par semaine – le programme d'enseignement «Lehrplan 21» contient des passages explicites, mais les enseignants peuvent choisir la manière de les aborder.

Daniel Brunner estime qu'il est important que les choses puissent être dites. Les enfants doivent se sentir en sécurité, les moqueries sont interdites. Les sujets abordés doivent rester en classe, encadrés, et ne pas faire l'objet de propos salaces dans la cour de récréation.

Avant les vacances d'automne, un couple de parents issu d'une église protestante conservatrice manifeste pour la première fois son inquiétude. Daniel Brunner les invite à un entretien de deux heures, souhaitant dissiper leurs craintes. Il a l'impression d'avoir été compris – ce qui n'est pas le cas, comme il s'avèrera bientôt.

Le 16 novembre

Daniel Brunner indique à ses élèves les objectifs concernant les cours d'éducation sexuelle. Les parents en prennent connaissance à leur tour. Plusieurs familles sont alors indignées. Quelques jours plus tard, trois mères se présentent devant la salle de classe et demandent que leurs enfants soient exemptés du cours. Toutes trois se disent profondément chrétiennes.

Le professeur Daniel Brunner ne s'attendait pas à une telle réaction. Il oriente les mères vers la direction de l'école. La discussion entre les parents et la direction de l'école est houleuse, l'orientation sexuelle de Daniel Brunner est abordée à cette occasion, comme il l'apprendra par la suite. Mais ce n'était que le début: deux autres incidents se produisent dans les jours suivants.

Brunner se voit reprocher d'outrepasser ses compétences et de dissimuler le contenu des cours d'éducation sexuelle. Il n'autorise pas une mère à assister aux leçons.

Ce qu'il faut savoir, c'est que l'enseignant dans le viseur de parents d'élèves était accompagné d'un assistant scolaire lors de l'enseignement de l'éducation sexuelle et qu'il communique à la direction de l'école le contenu de son cours.

Le 28 novembre

La direction de l'école envoie une lettre aux parents. Le Tages-Anzeiger a pu lire cette lettre, qui réfute les reproches adressés à Daniel Brunner. Elle soutient que «son enseignement est adapté à l'âge des élèves» et qu'il a «pleinement» rempli sa mission pédagogique. La direction de l'école est explicite: certaines déclarations des parents friseraient la «diffamation». Elle rappelle en outre que l'école est obligatoire.

Les parents ne décolèrent pas. Ils s'associent à trois couples de parents musulmans et écrivent à la direction de l'école et à la direction de l'éducation. Daniel Brunner a pu jeter un coup d'œil à la lettre de treize pages. Il lui est notamment reproché d'avoir donné comme devoir aux enfants de se masturber à la maison. Il leur aurait en outre interdit de parler du contenu des cours.

Dans leur lettre, les parents s'appuient sur des déclarations qui proviendraient d'élèves – y compris celles faites en dehors des cours ou l'année précédente. Daniel Brunner se défend de ces accusations et rumeurs auprès de ses supérieurs. Il comprend qu'il n'est plus question de l'enseignement proprement dit, mais de sa personne.

Le 7 décembre

La direction de l'école s'adresse par écrit aux parents et les informe d'une discussion prévue entre la direction de l'école, le directeur de l'éducation et les parents. Le Tages-Anzeiger a eu accès à ce document. La direction écrit également que Daniel Brunner sera remplacé par une étudiante de la HEP en raison d'une formation continue en janvier.

Daniel Brunner accuse le coup. Il espérait avoir le soutien de sa hiérarchie jusqu'au bout.

Le 29 janvier

Deux jours avant son retour prévu, Daniel Brunner a dû se rendre à un entretien avec la direction de l'école et le directeur de l'instruction publique. Ceux-ci l'informent que d'autres entretiens ont eu lieu avec les parents inquiets.

On lui reproche maintenant de ne pas avoir montré suffisamment d'estime aux enfants. Les parents le considéreraient comme un danger pour leur vision du monde. La direction de l'école lui demande de collaborer à un projet de l'administration scolaire jusqu'aux vacances et de laisser tomber l'enseignement pour le moment.

L'enseignant a réalisé qu'il ne pouvait plus compter sur ses supérieurs. Après la réunion, il s'est rendu dans sa salle de classe et a pleuré.

Le 31 janvier

Daniel Brunner décide de faire une pause et se met en congé maladie pour deux semaines. Il contacte le service de conseil de l'association des enseignants zurichois (ZLV). Celui-ci lui indique un avocat et se met à sa disposition pour une médiation dans la communication avec l'école.

Le corps enseignant de l'école primaire de Pfäffikon n'avait pas encore été officiellement informé de ce qui s'était passé à ce moment-là. Il en était cependant question en interne.

Le 5 février

La grande majorité des enseignants envoie une lettre à la direction de l'école, que le Tages-Anzeiger a également pu consulter. Ils y écrivent que Daniel Brunner est discriminé en raison de son homosexualité. Ils se rangent à 100% de son côté et exigent un soutien visible pour leur collègue.

Ils terminent la lettre de cette manière:

«Tant Daniel que nous, ses collègues, avons besoin de la certitude que vous le protégerez et que vous ferez savoir clairement à l'extérieur que de telles manifestations d'hostilité et agressions verbales ne sont pas tolérées à Pfäffikon!»

Indépendamment de l'engagement des enseignants, des parents se rangent désormais du côté de Daniel Brunner. Ils déplorent que leurs enfants doivent se passer d'un enseignant apprécié et qu'ils aient à présent affaire à des remplaçants. Leurs enfants confirment qu'il n'y a rien de vrai dans les reproches concernant les cours d'éducation sexuelle.

Le 6 février

Lors d'un entretien avec la direction de l'école, un couple de parents exprime le soupçon que Daniel Brunner a été pris pour cible par des parents ayant une conception rigoriste de la religion en raison de son homosexualité. Ce soupçon est confirmé dans le cadre de l'entretien. Les parents ont l'impression que la direction de l'école est dépassée par les événements.

Le couple de parents agissant en soutien de Daniel Brunner contacte également le responsable de l'éducation. Lors d'une conversation téléphonique, le couple a l'impression que ce dernier est sur la défensive. Plus tard, il écrit au directeur de l'école, Hanspeter Hugentobler, qui est député du Parti évangélique au Grand Conseil zurichois.

Le 12 février

A 22h49, Daniel Brunner reçoit un mail de la direction de l'école pendant son congé maladie. Le Tages-Anzeiger a également pu le consulter. Il y est dit que «la base d'une collaboration basée sur la confiance» n'est plus garantie. La direction de l'école dit se voir contrainte de mettre fin aux rapports de travail, si possible d'un commun accord.

La direction de l'école écrit:

«Nous constatons que tu refuses le dialogue avec les parents et aussi avec nous. Ainsi, la recherche d'une solution viable n'est plus possible pour nous.»

Le lendemain, l'équipe enseignante a été informée oralement et trois jours plus tard, les parents ont été informés par écrit.

La direction de l'école est allée jusqu'au bout de cette annonce, bien que Daniel Brunner n'ait pas pu s'exprimer à ce sujet. Dans une autre lettre, elle a écrit que l'enseignant serait également prêt à revenir après les vacances et à démissionner à la fin de l'année scolaire. Cette proposition serait à l'étude, mais la direction estime que son activité d'enseignement est problématique dans cette situation de stress.

L'avocat de Daniel Brunner intervient. Il estime qu'il y a plusieurs violations du droit: atteinte à la réputation, refus du droit d'être entendu, violation du droit du personnel.

Le 14 février

Dans une autre lettre, la direction de l'école informe les parents qu'il n'est pas envisageable que Daniel Brunner retourne à l'école, car celui-ci n'entretiendrait pas le dialogue avec la direction de l'école. Elle écrit encore:

«Les différentes perceptions et les discussions autour de la qualité pédagogique des cours d'éducation sexuelle ont été très éprouvantes pour toutes les personnes concernées. Jusqu'à ce que la situation soit définitivement clarifiée, nous devons miser sur une solution de remplacement pour assurer le fonctionnement de l'école, même après les vacances.»

Daniel Brunner ne voit désormais plus d'avenir. Il laisse son avocat négocier la résiliation du contrat, dont les modalités lui sont favorables. L'enseignant licencié renonce à une action en justice.

Le 29 février

La direction de l'école informe les parents du départ définitif de Daniel Brunner dans une lettre. Le contenu de la lettre est en contradiction avec la communication interne précédente:

«Nous avons le regret de vous informer que M. Brunner a décidé de ne plus enseigner dans notre école et qu'il la quitte avec effet immédiat. Nous regrettons cette décision, car nous perdons avec lui un enseignant très engagé. [...] Il s'est toujours montré ouvert au dialogue, même pendant son absence pour cause de maladie. Nous nous excusons auprès de M. Brunner et auprès de vous si nous nous sommes mal exprimés par le passé et si nos lettres ont pu être comprises différemment.»

Dans le cadre de son enquête, le Tages-Anzeiger a posé une série de questions à l'école. La direction de l'école n'a toutefois pas souhaité s'exprimer, pour des raisons de protection de la personnalité, comme l'a écrit le directeur de l'école Hanspeter Hugentobler. «Nous regrettons cette situation» est son seul commentaire.

De plus, l'école regretterait que la communication ait été contradictoire:

«Nous maintenons ce que nous avons écrit dans la lettre aux parents du 29 février. Les cours d'éducation sexuelle du professeur n'ont jamais donné lieu à des réclamations et il s'est toujours montré ouvert au dialogue, même pendant son absence pour cause de maladie. Nous regrettons d'avoir perdu un enseignant engagé.»

Mais l'école a-t-elle suffisamment protégé l'enseignant contre les attaques des parents? Hanspeter Hugentobler répond ainsi:

«Savoir si cela a été suffisant est une question de point de vue. Cela a certainement toujours été notre objectif»

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

L'Arabie saoudite bannit les jouets «aux couleurs trop gay»
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
4 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
4
La bataille autour des chars Leopard de Ruag a trouvé une conclusion
La propriété de ce matériel de guerre était disputée depuis plusieurs années. Une entreprise allemande en aura les droits.

Ruag MRO, le groupe d'armement propriété de la Confédération, et l'entreprise allemande Global Logistics Support (GLS) ont mis fin à un litige de plusieurs années concernant 25 chars Leopard 1. GLS a renoncé à ses droits de propriété et les chars sont devenus la propriété du groupe d'armement allemand Rheinmetall.

L’article