Le moins que l'on puisse dire, c'est que la future conseillère fédérale n'a pas fait déplacer les foules, dans le quartier d'Ouchy, à Lausanne, mardi soir, lors de la discussion organisée par le Parti socialiste. Etait-ce parce que les trois femmes en lice n'avaient rien de vaudois: une Bâloise, une Bernoise et une Romande provenant d'un canton presque aussi éloigné, le Jura?
Une petite cinquantaine de personnes à comparer avec les 150 présentes la veille à Lucerne. Un tiers d'adhérents socialistes, un tiers de journalistes, un tiers de curieux - à vue de nez. «T'es de quelle section, toi?», me demande mon camarade de lignée, me prenant pour un encarté.
Le cœur des discussions aura été social, mais surtout très économique, pour bien ancrer la volonté d'une conseillère fédérale de l'aile dite sociale-libérale, plus centriste? Elles ont notamment porté sur:
Sur le fond, les trois candidates ont pris soin de ne pas rentrer dans l'opposition frontale. Au risque de donner l'impression que les candidates étaient d'accord sur tout, ou presque?
Il a ainsi fallu, après la présentation, qu'une des personnes assises dans la salle demande aux prétendantes leur position sur la migration pour voir quelques nuances apparaître. Baume-Schneider s'est exprimée sur le caractère humain de l'accueil des migrants et des inégalités de traitement entre réfugiés avec ou sans statut S, tandis que Herzog a appuyé sur l'importance de la coopération avec l'étranger. Un argumentaire plus humaniste pour l'une, plus administratif pour l'autre.
Alors, ces socialistes sont-elles à gauche du parti, au centre, ou plutôt à sa droite? Allemann et particulièrement Herzog se sont défendues d'avoir gardé leur fibre sociale et de traiter de «thèmes transversaux» chers au PS. Baume-Schneider, considérée comme la plus à gauche, a évoqué sa collaboration avec des gouvernements jurassiens dominés par la droite à la première occasion. On a aussi rappelé à Herzog qu'elle avait déjà été candidate en 2010, ce à quoi celle-ci a répondu, sans flancher:
... Mais était-ce aussi à cause du français?
Car le crash test de la soirée, c'était aussi celui du niveau de français des deux papables alémaniques. La coutume veut que si la maîtrise d'une des deux principales langues nationales ne soit pas complète, elle doit être assez bonne pour offrir la promesse d'être améliorée en cours de mandat (comme Guy Parmelin avec l'allemand et Ueli Maurer et son français). Si le politique en question maîtrise déjà la langue de Goethe ou Molière, c'est tout de même un sacré plus (comme Alain Berset et Karin Keller-Sutter). Et oui: pour les conseillers fédéraux tessinois, c'est double peine.
Sur ce volet, les deux candidates ont parlé un bon français, sans être parfait. Mais c'est Herzog qui est sortie du lot avec son bon accent et son aisance. Mais aussi une certaine confiance en elle qui lui a permis de glisser les mots qu'elle ne connaissait pas en allemand au milieu des phrases et rester crédible, là où Allemann trébuchait et cherchait ses formules.
Si la rencontre en terre vaudoise laisse un goût d'inachevé, elle aura permis à Evi & Eva de se frotter quelque peu à la Romandie. Elisabeth Baume-Schneider était, elle particulièrement à l'aise. «Mon fils est dans la salle», glisse malicieusement la Jurassienne, contente de pouvoir venir expliquer ses idées en terre romande. watson a pu lui glisser quelques mots à l'issue de l'échange.
«Je ne viens pas d'un milieu politique, mais on parlait de tout à la maison», explique celle qui a siégé 13 ans au Conseil d'Etat jurassien et qu'elle représente au Conseil des Etats depuis 2019.
Un élément de la candidature qui compte car, si elle accède au Conseil fédéral, elle deviendra la première politicienne de ce jeune canton à accéder à la plus haute marche de l'exécutif.
L'argument jurassien pourrait-il faire pencher la balance du côté de Baume-Schneider en cas, par exemple, d'un ticket double avec la bâloise Eva Herzog? Celle-ci ne se laisse pas démonter:
Le roadshow du Parti socialiste continue. Prochaines dates: Zurich, mercredi soir, et Liestal, à Bâle-Campagne, jeudi soir. Une dernière date très «Suisse du nord-est», comme disent nos amis alémaniques, tout comme nos trois candidates.