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Reportage

Unil occupée: «On sent que le vent tourne en faveur des Palestiniens»

Occupation de l'Université de Lausanne, le 3 mai 2024.

Unil occupée: «On sent que le vent tourne en faveur des Palestiniens»

watson n'était pas le bienvenu chez les activistes pro-palestiniens qui occupent un bâtiment de l'Université de Lausanne depuis jeudi. Mais on a quand même fait notre job. Reportage.
03.05.2024, 17:0604.05.2024, 18:18
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Une jeune femme tout de noir vêtue, voilée, un keffieh posé tel un châle sur ses épaules. Elle se présente comme la responsable des relations presse. «Vous ne pouvez pas poser des questions aux personnes du mouvement sans passer par moi. Vous êtes de watson, on a lu ce que vous avez écrit.» En l'occurrence, des articles qui tentent de rendre compte des retombées en Suisse de la guerre à Gaza depuis le 7 octobre.

En ce deuxième jour d’«occupation» du bâtiment Geopolis de l’Université de Lausanne (Unil) par un collectif pro-palestinien, on venait de commencer une conversation avec un étudiant d’origine tunisienne, membre du Parti communiste révolutionnaire, sur lequel watson a écrit. Le jeune homme expliquait le sens de son engagement pour la Palestine, disait à quel point son pays, la Tunisie, s’identifie à la cause palestinienne, quand la chargée de communication du collectif a mis fin à la discussion. L’étudiant tunisien a alors demandé qu’on lui remette les deux feuilles griffonnées de ses citations. Tout autre début d’entretien serait immédiatement interrompu par une surveillante murmurant des consignes de silence à l’oreille de notre vis-à-vis s'y pliant aussitôt.

Présent dans le bâtiment Geopolis, l’élu lausannois Mountazar Jaffar, ferme soutien de la cause palestinienne, veut bien dire quelques mots. Le socialiste assure ne pas être à la manœuvre de l’occupation en cours. Jeudi, sur X, il saluait la décision de la Colombie de rompre ses liens diplomatiques «avec l’Etat génocidaire», écrivait-il à propos d’Israël.

«Symboliquement, cette occupation est une bonne nouvelle. Il est important que les Suisses ne soient pas les seuls à ne pas participer à cette mobilisation internationale qui appelle à la fin de la guerre et à l’autodétermination des Palestiniens.»
Mountazar Jaffar
Occupation de l'Université de Lausanne, le 3 mai 2024.
Image: watson

Mountazar Jaffar indique avoir déposé une interpellation le 23 avril. Il souhaite connaître «les relations ou partenariats liant la Ville de Lausanne à des entreprises sises dans les colonies illégales israéliennes» et les intentions de cette dernière «pour éviter de renforcer des sociétés, acteurs ou collectivités publiques transgressant le droit international».

«On sent que le vent tourne en faveur des Palestiniens»

«On sent que le vent tourne en faveur des Palestiniens, reprend Mountazar Jaffar. Les massacres sont trop gros, l’impunité pour Israël, ça suffit. La cause palestinienne est plus populaire que jamais. Les futurs élus aux Etats-Unis, en particulier du camp démocrate, tout comme la jeunesse juive, sont de moins en moins sionistes.»

Une cinquantaine de militants et sympathisants pro-palestiniens sont rassemblés, ce vendredi matin, dans l’atrium de Geopolis sur lequel le soleil tape. Première impression: une sociologie queer, féministe et musulmane, l'une des compositions de la jeune gauche radicale d’aujourd’hui. Les matelas posés par terre témoignent d’une première nuit passée sur place. Une assemblée va commencer. La presse est priée de se tenir à bonne distance des débats.

Occupation de l'Université de Lausanne, le 3 mai 2024.
Image: watson

La principale revendication du collectif adressée au recteur de l’Unil, Frédéric Herman, est, comme à Sciences Po Paris, évacué vendredi de ses occupants pro-Gaza, la rupture des partenariats existants entre l’Unil et des universités israéliennes. Comme convenu avec le rectorat, le collectif dispose des clés du bâtiment Geopolis jusqu’à lundi. Les parties doivent se retrouver ce jour-là dans un face-à-face qui pourrait être tendu, surtout si la direction de l’université n’accède à aucune des revendications des pro-palestiniens.

Une association sanctionnée à l'EPFL

Pendant ce temps, la direction de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), voisine de l’Unil, a décidé de suspendre l’association féministe Polyquity. Elle est accusée par un groupe d'étudiants juifs pro-israéliens d’avoir hébergé une conférence, lors de laquelle une intervenante aurait «nié les viols commis le 7 octobre» en disant qu'ils n'avaient «pas été prouvés», rapporte la RTS sur son site. Ces étudiants reprochent à l’intervenante d'avoir utilisé les termes «régime d'apartheid» ou «génocide reproductif». L’association Polyquity exige l’annulation de sa suspension, une «mesure jamais vue».

Occupation de l'Université de Lausanne, le 3 mai 2024.

A l’Unil, l’association étudiante Palestine récemment créée, inaugurée le 24 avril, se sait observée. Emanation du groupe Lausanne-Palestine présent dans les manifestations pro-palestiniennes, elle a déjà été contrainte de retirer de son logo la mention «UNIL» qu’elle avait ajoutée à sa dénomination statutaire, comme watson l'avait relevé.

Tenue de rester en dehors de l’agitation politique, l'association Palestine s’est essayée au rôle de médiateur en «conseillant» à l'université d’«annuler» un cours public, le jugeant «incompatible avec l'attente de neutralité» de l’Unil. Le cours, maintenu et donné jeudi soir par deux professeurs de la faculté de théologie, Jacques Ehrenfreund et Wissam Halawi, portait sur la «genèse» du conflit israélo-palestinien. Le conseil donné tenait-il de l'effort de médiation ou du coup de pression?

«Nous sommes tous des enfants de Gaza»

Le rectorat aurait pris peur à la vue des heurts qui ont émaillé la venue d’Emmanuel Macron en novembre dernier à l’Unil. En autorisant la création de l’association Palestine, il espère, dit-on, canaliser la colère des propalestiniens, tout dérapage pouvant être préjudiciable à l'association nouvellement créée.

Vendredi matin, les activistes pro-palestiniens ont terminé leur assemblée en entonnant à plusieurs reprises: «Nous sommes tous des enfants de Gaza.»👇

Vidéo: watson
Elle a 9 ans et documente Gaza comme une vraie journaliste
Video: watson
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