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Covoiturage sur l'autoroute: la Suisse pourrait copier Paris

Franzisky Ryser fordert mit ihrem Postulat die vertiefte Prüfung von Carpooling
En Suisse, aux heures de pointe, une voiture transporte en moyenne 1,1 personne.Image: keystone / watson

Une élue veut révolutionner les autoroutes suisses en copiant Paris

Moins de bouchons, moins d’émissions, un trafic optimisé: à Paris, des voies seront bientôt réservées aux covoitureurs. La Suisse dispose aussi d’un cadre légal pour cela, mais sur les routes, ces aménagements restent quasi inexistants. Une députée verte veut changer cela.
15.02.2025, 20:54
Thomas Wey
Thomas Wey
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Paris prend au sérieux la transition vers une mobilité plus durable. A partir de mars, la voie extérieure du périphérique, l’autoroute qui fait le tour de la ville, sera réservée à certaines catégories de véhicules.

Du lundi au vendredi, entre 7h et 10h20 puis de 16h à 20h, ces voies spéciales seront accessibles uniquement aux véhicules transportant au moins deux personnes, aux taxis, aux bus et aux personnes en situation de handicap. L’objectif: réduire les embouteillages ainsi que les nuisances sonores et environnementales.

Un modèle applicable en Suisse?

Après le refus du projet d’extension autoroutière l’automne dernier, des solutions alternatives et une gestion intelligente du trafic sont plus que jamais nécessaires. Puisque nous ne construirons pas de nouvelles infrastructures, il faut utiliser celles qui existent de manière plus efficace.

Le cadre légal pour cela existe déjà: depuis 2023, l’ordonnance fédérale sur la signalisation routière prévoit un panneau «Covoiturage». Il représente une voiture avec plusieurs passagers et un chiffre indiquant le nombre minimum de personnes requises à bord.

Zusatztafel Mitfahrgemeinschaft gemäss Anhang zur eidgenössischer Signalisationsverordnung.
Image: fedlex.admin.ch

Ce signal permet de réserver l’accès aux voies de bus ou à certaines zones de circulation et de stationnement aux véhicules en covoiturage. Les contrevenants s’exposent à des amendes.

Où sont les voies suisses pour le covoiturage?

La question se pose dans le milieu politique. En septembre 2023, la désormais ex-députée Verte Natalie Imboden a interrogé le Conseil fédéral pour savoir si ce nouveau panneau était déjà utilisé et si des voies dédiées au covoiturage étaient prévues sur les autoroutes.

Natalie Imboden, Praesidentin der Gruenen Kanton Bern, schreitet in Richtung Rathaus, an den Berner Regierungsrats- und Grossratswahlen, am Sonntag, 27. Maerz 2022 in Bern. Das Stimmvolk des Kantons B ...
Natalie Imboden défend la justice sociale et la protection du climat.Image: keystone

Le Conseil fédéral s'est montré prudent dans sa réponse: il affirmait vouloir encourager le covoiturage pour lutter contre la surcharge du trafic, mais aucune voie spécifique n’est prévue sur autoroute. Pour l’instant, ce signal est seulement utilisé à un poste-frontière et sur quelques parkings. Quant aux mesures prises par les cantons ou les communes, le Conseil fédéral dit ne pas en avoir connaissance.

Deuxième tentative

Le sujet est-il clos pour autant? Pas pour la députée verte Franziska Ryser. Après le rejet du projet d’extension autoroutière, elle a relancé le débat en décembre dernier par une nouvelle initiative parlementaire.

Franziska Ryser, GP-SG, spricht waehrend einer Sondersession des Nationalrats, am Montag, 15. April 2024, im Nationalrat in Bern. (KEYSTONE/Peter Klaunzer)
Franziska Ryser veut rendre le covoiturage plus attractif pour les pendulaires.Image: keystone

Dans son postulat intitulé «Stratégie de mobilité. Promouvoir le covoiturage sur les routes nationales», Franziska Ryser demande au Conseil fédéral d’examiner des incitations pour développer la pratique, et d’explorer son potentiel pour réduire les embouteillages et limiter l’impact climatique du trafic. Selon elle, le covoiturage permettrait de désengorger les routes de manière rapide, efficace et à moindre coût.

Un expert sceptique

Thomas Sauter-Servaes dirige le programme de formation en sciences de la mobilité à la Haute école zurichoise des sciences appliquées (ZHAW). Il forme des urbanistes et des ingénieurs spécialisés dans la planification des transports et s’intéresse de près aux enjeux de la mobilité durable.

«Optimiser l’utilisation des véhicules, c'est une idée convaincante a priori»
Thomas Sauter-Servaes

Mais en pratique, il identifie des obstacles majeurs: «Comment convaincre les gens de réellement adopter cette pratique?»

Prof. Dr.-Ing. Thomas Sauter-Servaes, Leiter Studiengang Mobility Science ZHAW
Thomas Sauter-Servaes reste dubitatif vis-à-vis du covoiturage.Image: zhaw / Gian Marco Castelberg

Selon lui, la flexibilité croissante des horaires de travail complique l’intégration du covoiturage dans le quotidien. «Les gens tiennent trop à leur individualité et à leur liberté», affirme-t-il. Beaucoup combinent leur trajet domicile-travail avec d’autres obligations – déposer les enfants à l’école, faire des courses ou voir des amis après le bureau. L’idée de renoncer à cette flexibilité ne séduit guère:

«Il faudrait une incitation très forte. A ma connaissance, cela n’a jamais vraiment fonctionné nulle part»
Thomas Sauter-Servaes

Il met donc en garde contre l’illusion d’une solution miracle. «Il n’existe pas une seule mesure qui règlera tous les problèmes de mobilité», insiste-t-il. Une approche combinée est nécessaire.

Parmi les alternatives, il cite les véhicules plus petits. Au Japon, les «kei-cars» sont largement utilisés. Ces mini-voitures, très compactes et moins gourmandes en ressources, pourraient contribuer à une meilleure utilisation de l’espace routier.

Nakatsu, Japan - Nov 26 2022: The Suzuki Hustler is a crossover SUV-styled kei car produced by the Japanese automaker Suzuki since 2014, The car is also sold by Mazda as the Mazda Flair Crossover
Les kei-cars mesurent au maximum 1,48 mètre de large et 3,40 mètres de long, les rendant bien plus compacts que les voitures traditionnelles.Image: www.imago-images.de

Une autre piste est celle des véhicules autonomes. «La tendance va clairement dans cette direction», estime Thomas Sauter-Servaes. A l’avenir, il envisage une fusion progressive entre transport public et individuel. Des modèles comme les taxis à la demande ou les offres de mobilité flexible pourraient réduire le besoin de posséder une voiture privée. «En ville, ce sera de moins en moins attractif d’avoir son propre véhicule.»

La position de l’Ofrou

L’Office fédéral des routes (Ofrou) s’intéresse également au covoiturage. Mais sa division communication rejoint l’avis du chercheur:

«Outre le soutien de la Confédération, il faut avant tout une réelle volonté de la population d’adopter cette pratique»

Une étude d’août 2023 a montré que le concept est perçu comme une bonne idée, mais que la disposition à y participer reste «très faible».

L’Ofrou ignore s’il existe déjà des voies de covoiturage sur les routes cantonales ou communales. Quant aux autoroutes, leur mise en place serait compliquée. Sur une route à deux voies, une voie réservée risquerait de ralentir fortement la circulation. Sur une autoroute à trois voies, l’espace existerait, mais les nombreuses sorties et bifurcations réduiraient l’efficacité du dispositif, voire perturberaient le trafic.

Seit kurzem durchgehend dreispurig befahrbar: die Nordumfahrung Zürich der Autobahn A1.
Un spectacle familier aux heures de pointe: trois voies, mais un trafic au ralenti.Image: Keystone

«Un manque de volonté politique»

Franziska Ryser connaît ces arguments, mais reste convaincue du potentiel du covoiturage. Elle reproche aux autorités de balayer trop vite cette solution sous des prétextes fallacieux: «Ecarter cette option d’emblée, c'est trop facile», déclare-t-elle. Selon elle, certains pendulaires seraient tout à fait prêts à s’y mettre.

Franziska Ryser, Co-Praesidentin umverkehR, Nationalraetin Gruene/SG, spricht waehrend einer Medienkonferenz des Referendumskomitees gegen den "masslosen Autobahn-Ausbau" im Hinblick auf Abs ...
Franziska Ryser a étudié le génie mécanique à l'EPFZ.Image: keystone

Elle concède toutefois que cela ne suffira pas à résoudre le problème du trafic à lui seul. «Le covoiturage est une pièce du puzzle», admet-elle. Il faut aussi limiter la vitesse, renforcer les transports publics et améliorer les infrastructures pour les mobilités douces.

Les employeurs peuvent également contribuer à rendre le concept plus attractif par des incitations: «Faire la navette ensemble peut même être enrichissant pour le personnel. En Allemagne et en France, on peut voir le succès de ce genre d'incitations».

Franziska Ryser appelle à un test à large échelle:

«Il existe suffisamment de tronçons autoroutiers à trois voies pour essayer. Cela permettrait d’acquérir de précieuses expériences sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas».

L'Ofrou travaille actuellement sur un concept global pour une région pilote, «afin d'améliorer l'efficacité sur l'ensemble du réseau et des modes de transport». La région appropriée est encore recherchée.

Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder

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