Les femmes qui ont des rapports sexuels avec des femmes auront, dès le 1er juillet, leur centre dédié en santé sexuelle dans le canton de Vaud. Nommé «L-Check», il se veut une porte d'accès aux soins pour cette communauté dans laquelle les suivis gynécologiques sont insuffisants et où les expériences d'homophobie en consultation sont fréquentes, selon une enquête vaudoise publiée en fin 2020.
Naomi Portella est infirmière et coordinatrice de ce projet porté par la fondation Profa et soutenu par le canton de Vaud. Elle nous éclaire sur la réalité, méconnue, vécue par ces femmes.
Naomi Portella, pourquoi utilisez-vous l’acronyme FSF (femmes qui ont des rapports sexuels avec des femmes) plutôt que les termes «lesbiennes», «bisexuelles», etc.?
Dès que l’on use de mots, on inclut des personnes et on en exclut d’autres. La sexualité peut être mouvante et le besoin d’étiquettes aussi. On choisit donc le terme FSF pour inclure toutes les personnes qui s’identifient comme femmes ou qui se sentent concernées.
A vos yeux, il était urgent de proposer un centre de santé sexuelle uniquement dédié aux FSF. Pourquoi?
Nous sommes en 2021 et les statistiques sont encore affligeantes. Elles montrent une attitude discriminante chez nombre de gynécologues envers les FSF, un manque d’information important et des conséquences psychologiques désastreuses. Il est urgent d’en parler car la réalité est là.
Les FSF n’ont pas confiance envers le système de soins?
Non. Plusieurs facteurs expliquent cette défiance. Certaines femmes ont vécu une expérience d’homophobie en consultation. D’autres ont pu entendre une amie qui en a été victime ou ont tout simplement intériorisé le fait que ce ne sont pas des endroits safe. Dans leur tête, aller voir un médecin et parler de son orientation sexuelle, c'est «dangereux».
Comment les gynécologues discriminent-ils ces femmes?Cela va de la discrimination quotidienne jusqu’à la violence. Le plus fréquent: un gynécologue qui répète sans arrêt à sa patiente «Vous êtes en couple, il y a un risque de grossesse», sans penser une seconde au fait que la femme peut ne pas être avec un homme. Elle va alors être forcée de faire un «petit coming out.»
Je vous donne un exemple: je suis moi-même lesbienne et, une fois, alors que je souhaitais faire un dépistage d’IST, on m’a répondu que je n’avais pas des «rapports sexuels complets». La société a intériorisé le principe que le rapport sexuel, c’est la pénétration d’un pénis.
Du coup, c’est pour cela que les FSF ne consultent pas?
Oui. Aussi, nombre de FSF ne consultent pas parce que la prévention ne les cible jamais. Dans la rue, aucune affiche ne parle de leur vie. Les campagnes visent les couples hétérosexuels. Comment voulez-vous qu’elles se sentent concernées, et donc qu'elles aillent consulter? Enfin, le parcours d’une femme hétérosexuelle passe presque automatiquement par la case du gynécologue à cause du besoin de contraception. Celui-ci existe moins chez la FSF.
De quoi les FSF ont-elles spécifiquement besoin?
Il leur faut d’abord un espace safe, où l’on puisse recréer le dialogue entre le monde de la santé et elles. Ensuite, les FSF ont des problèmes de santé spécifiques.
Elles ont aussi en moyenne plus de partenaires et se protègent moins. On peut partir de l’hypothèse que tous ces facteurs de risque, associés à une prise en charge moins bonne, peut créer plus de problèmes de santé pour ces femmes.
Pourquoi se protègent-elles moins?
Encore une fois à cause du manque de prévention. On a tous appris très tôt comment mettre un préservatif sur une banane. Mais pas à utiliser une digue dentaire (qui se pose sur la vulve par exemple). Pour les FSF, se prémunir contre les IST, c'est surtout se protéger durant le sexe oral. Il existe des moyens, mais ils sont peu connus et pas forcément simples à utiliser.