L'interdiction de la publicité pour le tabac dans la presse écrite fait son retour. Alors que le National a refusé en février la mise en oeuvre de l'initiative, le Conseil des Etats a maintenu lundi sa position en faveur de l'interdiction, avec des assouplissements.
En 2022, le peuple a accepté par 56,6% des voix l'initiative «Enfants et jeunes sans publicité pour le tabac», qui demande que «toute forme de publicité pour le tabac accessible aux enfants soit interdite». La révision de loi du Conseil fédéral concrétise ce texte. Elle vise la presse écrite, les manifestations ouvertes aux jeunes et le parrainage.
Après que les sénateurs avaient revu à la baisse certaines dispositions, les députés avaient encore plus affaibli le projet. Le résultat final n'avait convaincu ni l'UDC ni la gauche, qui avaient rejeté l'objet au vote sur l'ensemble.
Lundi, le Conseil des Etats a réitéré sa décision initiale de soutenir le projet, par 28 voix contre 12. Presque la moitié des fumeurs commence à fumer avant 18 ans, a relevé Pirmin Bischof (Centre/SO) pour la commission. Flavia Wasserfallen (PS/BE) a souligné que près de 1000 personnes meurent chaque année des conséquences du tabac.
Le peuple et les cantons ont demandé une interdiction quasiment totale de la publicité pour le tabac, a rappelé la ministre de la santé Elisabeth Baume-Schneider, plaidant pour la version plus restrictive du Conseil fédéral. Les sénateurs ont toutefois largement gardé leur mouture de base, avalisant à nouveau des assouplissements.
La publicité pour le tabac sera interdite dans les lieux accessibles aux mineurs. Mais elle doit pouvoir être autorisée à condition qu'elle ne soit ni visible, ni accessible aux mineurs. Le parrainage de manifestations devrait être réglé de manière analogue, selon les sénateurs. Ils ont opté pour une formulation plus large, par 25 voix contre 20.
La Chambre des cantons a encore décidé de ne pas obliger les cigarettiers à déclarer les dépenses pour la publicité, la promotion et le parrainage en faveur de ces produits en Suisse. Cette disposition n'est pas une exigence de l'initiative.
De plus, il n'y a pas lieu de préciser la définition de la publicité ni de restreindre la promotion par des vendeuses et vendeurs mobiles. En revanche, par 23 voix contre 22, la gauche, une partie du Centre et quelques PLR ont réussi à faire interdire la promotion de la vente de cigares et de cigarillos effectuée en personne dans les lieux auxquels les mineurs ont accès.
Cette alliance n'a toutefois pas réussi à faire passer la version gouvernementale, plus stricte, sur d'autres points. L'UDC, favorable à davantage d'assouplissements, n'a pas eu plus de succès.
Matthias Michel (PLR/ZG) a également échoué à inscrire une exception supplémentaire dans la presse écrite, qui avait passé la rampe au National. Il voulait que les publicités soient autorisées à l'intérieur des publications vendues en majorité via des abonnements et dont le lectorat est composé d'au moins 95% d'adultes.
Le Zougois a notamment argué que sa proposition permettrait une plus grande indépendance de la presse, grâce à un financement publicitaire plus élevé. Mme Baume-Schneider a rejeté cet argument: seulement «0,6% des recettes publicitaires proviennent de l'industrie du tabac».
Elle a encore estimé qu'avec cette proposition, la publicité ne serait interdite que dans une douzaine de publications, mais pas dans Le Matin Dimanche par exemple, lu par des milliers de jeunes chaque semaine. Elle a été entendue, par 23 voix contre 21 et 1 abstention.
La version gouvernementale a ainsi été privilégiée. Une exception est prévue pour les publications de la presse écrite destinées au marché étranger ou exclusivement aux professionnels de la branche.
Un projet de restrictions de la publicité a déjà été avalisé par le Parlement en 2021. Ainsi, dès le 1er octobre, la vente de cigarettes à des mineurs sera interdite dans toute la Suisse et la publicité pour le tabac sera davantage réglementée.
La révision réglemente aussi les cigarettes électroniques et d’autres produits contenant du tabac et de la nicotine, outre les cigarettes traditionnelles. La protection contre le tabagisme passif sera étendue: lorsqu'il existe déjà une interdiction de fumer, celle-ci s'appliquera également aux produits chauffés et aux cigarettes électroniques.
Par ailleurs, il sera interdit d'apposer des affiches dans des lieux visibles par le public. Les restrictions en matière de publicité s’appliqueront aussi dans les transports publics, au cinéma, dans les bâtiments accessibles au public, comme les gares et les aéroports, ainsi que sur les terrains de sport. De plus, le parrainage de manifestations présentant un caractère international ou ayant pour public cible des mineurs sera interdit. (chl/ats)