La Suisse est fière de ses chemins de fer. Mais que de problèmes. En cause, l'agrandissement du réseau. Il coûte plus cher, rapporte moins et arrive plus tard que prévu. La dernière mauvaise nouvelle été annoncée la semaine dernière par l'Office fédéral des transports (OFT).
Le ministère a actualisé les prévisions de coûts pour l'étape d'aménagement 2035 (EA 2035). A l'origine, le Conseil fédéral avait programmé près de 13 milliards de francs. Le Parlement a ajouté d'autres projets au dossier, approuvé des crédits supplémentaires et augmenté le plafond de dépenses à 16,1 milliards de francs, renchérissement compris. Mais cela ne suffit manifestement pas: l'OFT table désormais sur des coûts finaux de 18 milliards de francs. Les calculs datent de fin 2023, d'autres ajustements vers le haut ne sont donc pas exclus.
Cela tient notamment à des retards pris dans la mise en chantier des aménagements.
Par rapport à la planification initiale, la seule extension entre Zurich et Winterthour coûtera un demi-milliard de francs de plus. Les coûts imprévus et les retard, voilà l'ennemi.
La deuxième partie du tunnel de base du Zimmerberg, dans le canton de Zurich, ne sera pas achevée avant fin 2037, tout comme l'extension autour de la gare de Zurich-Stadelhofen. Les retards s'accumulent.
De plus, la mise en service de toutes les infrastructures nouvelles ne se fera qu'à l'horizon 2040, d'après le rapport de l'OFT. C'est pourquoi, «toute amélioration, même minime, doit être communiquée, même si elle n'a qu'un relatif intérêt». Mais les problèmes ne s'arrêtent pas là: les promesses d'amélioration de l'offre ne seront pas toutes satisfaites.
Avec le plan EA 2035, la cadence au quart d'heure était prévue pour des tronçons importants du trafic grandes lignes, comme entre Berne et Zurich, Lucerne et Zurich ou Genève et Lausanne. Différents systèmes régionaux doivent être développés et de nouveaux arrêts créés. Mais ces derniers mois, les responsables ont fait machine arrière. On le voit clairement chez les CFF: il y a quelques semaines, ils ont discrètement réduit la liste des améliorations annoncées sur leur site Internet à quelques phrases un peu vagues.
Les CFF sont en grande partie responsables de cette situation. En effet, il y a près de deux ans, ils ont décidé de renoncer à la technologie dite Wako pour leurs nouveaux trains à deux étages du trafic grandes lignes. Celle-ci aurait permis une allure plus rapide dans les virages, mais elle n'a jamais pu être mise en œuvre de manière fiable et confortable.
A cause de ce renoncement, des temps de parcours plus courts que prévu sur différentes lignes ne pourront pas être atteints. «On ne peut rien faire», a récemment déclaré le directeur de l'OFT Peter Füglistaler à CH Media. Conséquence: l'offre doit être revue – et des dédommagements seront nécessaires.
On devrait connaître les coûts consolidés du EA 2035 fin 2024. Une chose est claire: toutes les promesses ne pourront pas être tenues. Et pour permettre des temps de parcours plus courts, par exemple entre Berne et Lausanne et entre Winterthour et Saint-Gall, il faudra construire de nouvelles lignes coûteuses, du moins sur certains tronçons, plutôt que des trains rapides.
Sur d'autres lignes également, les réalisations prévues dans le EA 2035 seront reportées, non seulement en raison de l'échec du Wako, mais aussi parce que la planification initiale ne correspond pas à la réalité réalité. Ainsi, il y a trois ans, les CFF ont repris leurs calculs sur la base de nouvelles données et ont constaté qu'à l'occasion de l'élaboration du EA 2035, on avait planifié des mises en service de tain beaucoup trop tôt. Pire: dans certains cas, rien ne se fera.
Ces réajustements ne feront toutefois plus partie de l'EA 2035, mais de la prochaine étape d'aménagement que la Confédération élabore actuellement et qui sera probablement soumise au Parlement en 2026. Pour les régions qui espéraient y trouver de l'argent pour de nouveaux grands projets, c'est une mauvaise nouvelle. Il s'agit en premier lieu de la Suisse centrale, qui milite pour la gare souterraine de Lucerne, et de la région de Bâle, qui souhaite créer avec le «Herzstück» un système de trains régionaux digne de son statut de troisième ville de Suisse et de poumon économique.
Plus les mesures d'adaptation du EA 2035 seront coûteuses, moins il y aura d'argent à disposition pour ces nouveaux projets. Dans le secteur, on évoque parfois des montants allant jusqu'à 10 milliards de francs, qui pourraient être réservés aux seules corrections.
L'OFT ne veut pas encore donner de chiffres. Le porte-parole Michael Müller confirme toutefois que la prochaine étape d'aménagement comprendra probablement quelques projets d'ajustements. On ne sait pas encore de quel projets il s'agit:
De plus, la réserve actuellement élevée du fonds d'infrastructure ferroviaire, de 1,7 milliard de francs, diminuera fortement dans les années à venir. Or, de nouveaux projets ne peuvent être déclenchés que si le financement est garanti.
La Confédération laisse déjà entrevoir une priorité: une nouvelle liaison directe entre Zurich et Aarau. Le tunnel du Heitersberg sur cette ligne est «le plus grand goulet d'étranglement du réseau ferroviaire national», peut-on lire dans le nouveau rapport de l'OFT. Il est donc nécessaire d'y remédier.
Ce sont des nouvelles inquiétantes pour les partisans des extensions ferroviaires à Lucerne et à Bâle. Ces projets pourraient être à nouveau reportés ou divisés en plusieurs petites étapes. C'est ce que le conseiller fédéral Albert Rösti et le directeur de l'OFT Peter Füglistaler ont laissé entendre cette semaine lors d'un congrès à Bâle. L'étape d'aménagement 2026 pourrait par exemple ne comprendre que des travaux préparatoires en surface à Bâle, et la gare souterraine ne pourrait être construite que dans l'étape suivante, vers 2030. Les tronçons en tunnel seraient décidés encore plus tard.
La gare souterraine de Lucerne risque, elle aussi, d'être réalisée par étapes – un scénario que le Conseil d'Etat lucernois combat avec véhémence. Le tunnel du Grimsel est également dans une mauvaise passe: ce projet à l'étude de plusieurs milliards de francs risque un piètre d'obtenir un résultat dans l'analyse coûts-avantages de l'OFT et pourrait ne pas être proposé pour la prochaine étape d'aménagement. En effet, contrairement à ce qu'il en est des extensions du réseau à Lucerne et à Bâle, les spécialistes sont d'avis que l'utilité du projet Grimsel est proche de zéro.
Traduit et adapté par Tanja Maeder