Suisse
Travail

Des employés de Taxiphone se plaignent d’être filmés au travail

Un call-center avec un filtre de caméra.
Un centre d'appel. Image d'illustration.Image: watson

Des salariés genevois «constamment filmés» au travail en ont marre

L'inspection du travail du canton de Genève s'est rendue la semaine dernière dans l'entreprise Taxiphone à la suite de signalements effectués par des salariés mécontents de la présence de caméras dans le centre d'appel où ils officient.
22.11.2024, 06:0422.11.2024, 10:48
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L’entreprise genevoise Taxiphone a reçu la semaine dernière la visite de l’inspection cantonale du travail (OCIRT). Cette démarche fait suite à des signalements de membres du personnel mécontents de leurs conditions de travail. Employés dans le centre d’appel mettant en relation la clientèle avec les chauffeurs de taxis, leurs récriminations portent entre autres sur la présence de caméras de surveillance sur leur lieu de travail.

L’une des personnes salariées ayant saisi l’OCIRT affirme:

«Nous sommes constamment filmés, c’est stressant, cela crée de la tension»

«La direction justifie les caméras en disant notamment que c’est un moyen d’éviter les vols de matériels, mais nous les ressentons surtout comme un moyen de pression», ajoute une autre, qui a démissionné de Taxiphone entre-temps.

Principale centrale de taxis du canton de Genève avec 30 salariés faisant les trois-huit, Taxiphone déroge-t-elle à la loi en filmant son personnel employé au centre d’appel? Contacté mercredi 20 novembre par watson, son directeur, Cédric Bouchard, répond par la négative.

«Nous sommes en règle. J’ai reçu l’inspection du travail la semaine dernière. Tout s’est bien passé. Je rappelle qu’un contrôle peut être effectué sans qu'il existe aucune suspicion de violation de la loi. Les caméras installées dans le local d’appel ne sont pas dissimulées, nos salariés sont au courant de leur présence.»
Cédric Bouchard, directeur de Taxiphone

Cédric Bouchard justifie les caméras pour prévenir l’utilisation de téléphones portables à l’intérieur du local d’appel. «Il ne faudrait pas que des employés de la centrale, parce qu’ils entretiendraient des relations amicales avec certains chauffeurs, les privilégient par rapport à d’autres en leur donnant les trajets les plus rémunérateurs, via des appels passés depuis leur téléphone portable», explique-t-il.

Voici les décisions que peut prendre le canton

L'OCIRT doit rendre à présent une décision. Que dit l'inspection du travail du canton de Genève à ce stade? Sa réponse transmise à watson:

«L’OCIRT ne s’exprime pas sur des cas particuliers. Mais sachez qu’en cas de visite, qui fait toujours partie d'un contrôle, les éventuels constats d'infraction sont portés à connaissance de l'employeur, à qui il est demandé de prendre les mesures correctives (avertissement). Ces mesures doivent être communiquées aux employés, comme d'ailleurs nos visites, en sorte que ceux-là puissent participer de la bonne application de la loi, comme elle-même le prévoit. Une décision au sens formel n'interviendra que si l'employeur ne se conforme pas aux invites de l'autorité. Dans les cas graves, d'atteinte à la santé ou de non-respect de la décision de l'autorité, l'employeur peut être dénoncé pénalement. Dans le cas contraire, l'employeur, et avec lui les travailleurs, sera averti de la clôture du contrôle.»

Ce que dit la loi

Mais que contient la loi? Il faut se référer à l’article 26 de l’ordonnance 3 relative à la législation sur le travail. Le premier alinéa penche clairement du côté de l’interdiction:

  • «Il est interdit d’utiliser des systèmes de surveillance ou de contrôle destinés à surveiller le comportement des travailleurs à leur poste de travail.»

Le second alinéa introduit de la nuance:

  • «Lorsque des systèmes de surveillance ou de contrôle sont nécessaires pour d’autres raisons, ils doivent notamment être conçus et disposés de façon à ne pas porter atteinte à la santé et à la liberté de mouvement des travailleurs.»

Il ressort de cette loi que tout est question de proportionnalité. Sans préjuger de la décision qui sera rendue à propos de «Taxiphone», un spécialiste du droit du travail, s’exprimant sous couvert d’anonymat, envisage divers cas de figure.

«S’agissant des problèmes posés par la présence des téléphones portables sur les lieux de travail, il est tout à fait possible de demander aux employés de les laisser momentanément à l’entrée de l’entreprise. C’est par exemple ce que des employeurs demandent à leurs apprentis, sachant que les jeunes peuvent être accros aux smartphones.»
Un spécialiste du droit du travail

Il ajoute:

«D’une manière générale, les caméras ne sont pas destinées à filmer les employés. Dans les magasins, leur office est une surveillance contre le vol. L’employeur fera en sorte que les caissiers et caissières ne soient pas filmés entièrement, mais seulement leurs mains, par exemple. Prenons ensuite le cas d’un garage de réparation de voitures. Durant la journée, les caméras seront éteintes, mais activées la nuit, pour empêcher les vols.»
Un spécialiste du droit du travail

Le directeur de Taxiphone dit encore à ce sujet:

«Il ne s’agit en aucun cas de fliquer nos employés. Si la personne n’est pas contente avec la présence de caméras, elle peut s’en aller»
Cédric Bouchard, directeur de Taxiphone

Les employés de Taxiphone avec qui nous avons parlé font part de mesures perçues par elles comme de pesantes contraintes. Hormis la présence de caméras, elles évoquent ainsi des «notes de service», soit un ensemble de remarques concernant leur comportement et manière de travailler, rangées dans un classeur qui les accompagne. «Ces notes de service permettent aux employés de s’améliorer lorsque cela est nécessaire », fait observer Cédric Bouchard.

La direction de Taxiphone comme les employés mécontents attendent maintenant la ou les décisions que rendra l’inspection du travail.

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