Quand le passé vient chatouiller le présent. Une soirée de campagne électorale vaudoise, le 25 février 2022, à l’hôtel Aquatis, à Lausanne. Public présent sur invitation. D’importants conférenciers et débatteurs: Ueli Maurer, chef du Département fédéral des finances, les candidats au Conseil d’Etat Michaël Buffat (UDC) et Frédéric Borloz (PLR), Yves Noël, avocat et professeur de droit fiscal à l’Université de Lausanne. Ce dernier n'est autre que l’auteur du récent avis de droit blanchissant Valérie Dittli de tout manquement aux règles de la fiscalité, selon les termes de cette expertise.
Thème de la table ronde, organisée par la Fédération des contribuables, la FEDCO, un lobby contre le «trop d’impôts» créé en 2018, aujourd’hui «en pause»: «Fiscalité des personnes physiques: perspectives suisses et vaudoises»
La future ministre des Finances vaudoises est présente dans la salle. A-t-elle assisté à l’ensemble des interventions? Est-elle partie avant la fin? Les souvenirs divergent à ce propos. Ce qui est sûr, c’est qu’elle n’a pas pris la parole. Elle était pourtant candidate au Conseil d’Etat, elle aussi, et la matière traitée serait la sienne quelques mois plus tard.
«La fiscalité, c’était mon sujet à moi», précise à watson Michaël Buffat, non élu au gouvernement cantonal, devancé au second tour par la centriste Valérie Dittli, arrivée en sixième et dernière position des prétendants ayant obtenu leur ticket pour le «Château».
Ce 25 février 2022, qui aurait parié une bouteille de Dézaley sur l’élection de la Zougoise? La soirée était marquée du sceau de l’UDC. Co-organisateur, Michaël Buffat avait cependant tenu à faire une place au PLR, d’où la prise de parole de Frédéric Borloz, futur élu au gouvernement. Bien que membre de l’Alliance vaudoise pour le scrutin à venir, Le Centre faisait figure de marginal. Valérie Dittli était peu connue. Les organisateurs de la conférence ne lui avaient pas témoigné d'égards particuliers.
«Je ne crois pas l’avoir rencontrée avant le mois de janvier», confie son ancien colistier, Michaël Buffat – la centriste, alors présidente du Centre Vaud, avait été désignée candidate par son parti en décembre, mais l’alliance électorale nouée avec le PLR et l’UDC avait été conclue plus tôt, en sa présence et avec son accord.
Les déclarations faites le 25 février 2022 prennent un relief particulier au vu des soupçons d’opportunisme fiscal pesant sur Valérie Dittli – ses allers-retours entre Zoug et Vaud quand bouillait la marmite électorale. «Ueli Maurer était venu présenter de grands dossiers fédéraux, la fiscalité des couples mariées, l’impôt sur la valeur locative», se rappelle une personne ayant assisté au débat.
«La tonalité était au moins d’impôts», se souvient une autre, qui ajoute :
De son côté, Michaël Buffat, qui aurait peut-être hérité des Finances s’il avait été élu, plaidait pour un «compromis», soit une diminution de 200 millions de francs de l’imposition des personnes physiques – la grande cause du FEDCO, le lobby précité.
Yves Noël avait fait, lui, «une présentation très neutre», affirme l’un des organisateurs de la conférence. «Très neutre? Pas vraiment. Le professeur Noël a montré par des comparaisons qu'on payait dans le canton de Vaud plus d'impôts qu'ailleurs», affirme une autre source. Sollicité par watson sur sa participation à la conférence, l'intéressé a répondu par courriel:
S’agissant de l’expertise consacrée au parcours fiscal de Valérie Dittli, le professeur et avocat invoque le «secret professionnel» qui ne lui permet pas de s’exprimer sur sa «consultation».
«Ce qui se passe aujourd’hui avec Valérie Dittli est le symptôme d’une élection improbable», observe un membre du PLR préférant garder l’anonymat. Après sa défaite aux municipales de mars, la Zougoise avait mis le cap sur la Suisse alémanique où l’appelait sa vie professionnelle, nous dit-on. Pour autant, elle restait liée au parti, comme en réserve au cas où une occasion se présenterait.
Elle en demeurait même la présidente et aurait dû, à ce titre, comme l’ensemble des membres du Centre Vaud, être domiciliée dans le canton – le distinguo entre domicile fiscal (Zoug) et domicile secondaire (Vaud) peine à convaincre.
«Mais qui respecte les statuts des partis?», relativise le membre du PLR vaudois cité plus haut. Il fait allusion aux socialistes vaudois, qui ont dérogé aux leurs pour permettre à Roger Nordmann, l'actuel chef du groupe socialiste au Conseil national, de briguer un cinquième mandat à la Chambre basse, Pierre-Yves Maillard étant candidat au Conseil des Etats cette fois-ci.
Michaël Buffat défend Valérie Dittli, estime qu’elle n’a rien à se reprocher, parle de «tempête dans un verre d’eau». Tout est affaire de point de vue.