Suisse
Vaud

Il dénonce un problème qui frappe de nombreux Suisses

Obtenir un CDI après le CFC: le parcours du combattant.
Obtenir un CDI après le CFC: le parcours du combattant. source: tiktok @nc.red

Le coup de gueule de ce Romand brise un mythe suisse

Face à la jungle que représente le marché du travail - et le recrutement - pour les jeunes sortant de formation, ce jeune Romand a saisi TikTok pour ventiler son ras-le-bol.
09.05.2023, 06:0211.05.2023, 08:32
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«Bon, là je vais faire un coup de gueule, parce que j'en ai marre, et il va bien falloir qu'on en parle à un moment donné». Nicolas a 23 ans, et il est à bout de nerfs. Nouvellement diplômé comme employé de commerce – un papier qu'il obtient au bout de trois ans de formation, en juillet 2022 – cet habitant de Crissier est confronté à l'impensable. Alors que cela fait des mois qu'il postule, parfois «10 à 15 fois par semaine» sans relâche, et malgré son inscription à des agences de placement, les portes des entreprises – et des postes qui le font tant rêver – restent désespérément closes. Au téléphone, le Romand détaille à watson ses derniers mois sous haute pression financière, entre petits jobs et postulations acharnées.

«Je me suis senti très seul, je devais vraiment trouver une solution, car ma maman, chez qui je loge et qui m'a beaucoup soutenu, est partie à la retraite», développe Nicolas, qui admet ne pas avoir eu le réflexe de s'inscrire au chômage dès la fin de sa formation. Pour vivre, et entre deux lettres de motivation, il enchaîne un temps partiel à Uber Eats, à 17.- de l'heure, parfois sous -5 degrés, et de serveur. Il vit alors avec 1000 francs par mois.

Après 5 mois coincé dans sa situation, Nicolas craque. Il saisit son compte TikTok et sa petite communauté de 2000 âmes, et se lâche dans un message qu'il dit avoir fait «à l'arrache», sur le coup du ras-le-bol.

Le coup de gueule en question👇

Vidéo: extern / rest
«J'ai eu quelques entretiens où on m'a fait espérer pour au final amener à rien du tout, ou d'un coup le recruteur ne me répond carrément plus.»
tiktok@nc.red

Ce qui rend le jeune Vaudois furieux? Les exigences mentionnées dans les offres d'emploi, quasiment inaccessibles pour un junior faisant ses premières armes sur le marché du travail:

«Je pose la question aux recruteurs: comment moi je fais quand je sors d'apprentissage pour avoir 2 à 5 ans d'expérience professionnelle, si on m'embauche pas!»
tiktok@nc.red

Et le jeune Crissirois de donner quelques exemples, preuves (capture d'écran) à l'appui:

Capture d'écran: les annonces privilégient souvent des profils expérimentés.
Capture d'écran: les annonces privilégient souvent des profils expérimentés.TikTok @nc.red

Le cri du coeur ne reste pas sans écho. A peine postée, sa vidéo récolte quelque 150 000 vues, plus de 10k de likes, et moissonne 1500 commentaires. Un buzz que Nicolas décrit comme une vraie «surprise». Echantillon:

«Tout à fait d'accord, je vis la même chose depuis 1 an et demi. Depuis 2019, plus rien 🥲»
une internaute en réponse à la publication de Nicolas@nc.red
«Diplômée en 2018 donc bientôt 5 ans, d'un CFC employé de commerce...qui ne m'a jamais servi jusqu'à ce jour»
tiktok@nc.red
«C’est par piston ici, même sans diplôme si tu connais les bonnes personnes t’as le poste 🤣»
tiktok@nc.red
«Je te comprends, j'ai passé deux ans au chômage, car les entreprises veulent des gens qualifiés, mais ils ne veulent pas former...»
tiktok@nc.red
«Courage, j'ai mis quatre ans à trouver du travail et ce n'était qu'à 40%. J'ai fait la matu et ça n'a pas changé pour autant...»
tiktok@nc.red

«Il faut dégonfler un peu l'image de paradis économique qu'on colle à la Suisse, car dès que j'ai posté mon TikTok, beaucoup de gens se sont reconnus dans mon expérience. J'ai reçu des centaines de messages privés, et de nombreux témoignages similaires au mien», raconte Nicolas. Et la liste des doléances est aussi hétéroclite que leurs auteurs: des jeunes sortant d'un apprentissage comme lui, des seniors, et même des étudiants des hautes écoles et des universités fraîchement diplômés; tous témoignent du même désarroi quant à leur intégration professionnelle.

«Certains m'ont dit que ça fait déjà deux ans qu'ils cherchent en vain»
Nicolas à watson

D'autres, écoeurés par un château de cartes d'espoirs qui ne cesse de s'effondrer, ont entrepris une reconversion. «Mais il faut des moyens financiers suffisants pour avoir ce luxe», note Nicolas.

Nicolas dit avoir enchaîné les petits jobs pour joindre les deux bouts.
Nicolas dit avoir enchaîné les petits jobs pour joindre les deux bouts. source: @nc.red

Les promesses d'un diplôme

Ce que le Crissirois regrette le plus, comme il le glisse à watson, ce sont les promesses non tenues par sa formation. En effet, en cours tout comme en entreprise, le papier d'employé de commerce était littéralement «vendu» comme le Graal. Le jeune homme était donc loin de penser qu'il devrait patienter autant une fois son papier en poche. «A l'heure actuelle, nous sommes beaucoup à détenir le même titre», avance le jeune homme. Désormais, les entreprises «ont l'embarras du choix, et certains candidats se retrouvent temporairement sur le carreau».

Selon les chiffres de l'Office fédérale de la statistique (2018), 85% des titulaires d'un certificat fédéral de capacité (CFC) accèdent dans les trois mois suivant leur titre à un premier emploi et 46% restent dans l'entreprise formatrice. Cependant, 19% des titulaires vivent un épisode de chômage dans les deux ans et demi suivant leur titre. Parmi eux, certains renoncent à s'inscrire au chômage: 6% des titulaires d'un CFC ont passé plus de 15 mois dans une situation «ni en emploi, ni en formation».

Entre vie active et formation

Autre injustice énumérée par le Romand, le fait que nombre de recruteurs refusent de comptabiliser ses années d'apprentissage comme expérience légitime. Pourtant, le jeune estime avoir fait montre d'autant d'autonomie qu'un employé régulier, et ce dès sa deuxième année. De quoi mener à des interactions parfois frustrantes.

«Pour un poste où il s'agissait simplement de réserver des salles pour des meetings, on m'a fait valoir que j'étais trop junior. C'est absurde!»
Nicolas à watson

Enfin, le fait que le marché du travail requiert des employés de plus en plus spécialisés n'aide pas. «Mais qu'on sorte de formation ou qu'on change de travail, il y a de toute façon besoin d'un temps d'adaptation à la nouvelle activité», plaide Nicolas.

«Je ne sais pas pourquoi, nous les jeunes, on a une étiquette de gens qui ne savent pas travailler»
Nicolas à watson

TikTok mieux que LinkedIn?

L'histoire aurait pu en finir là, mais elle a trouvé un heureux dénouement. Pour commencer, parmi la foule de commentaires, le jeune professionnel a carrément reçu...de véritables offres d'emploi.

«Mon profil a intéressé des PME, qui m'ont demandé mon CV!»

Et cerise sur le gâteau, voici quelques jours, Nicolas s'est dégotté un CDI. Un comble: son futur employeur fait partie des annonces mentionnées dans sa publication. Le cœur de son sauveur aurait-il fondu devant son cri de détresse?

«C'est peu probable qu'ils soient sur TikTok», sourit le Romand, qui dit se sentir «soulagé» et «libéré» par la perspective d'un salaire fixe – 5000 francs brut – dont il n'a eu de cesse de rêver entre deux petits jobs. Malgré sa bonne fortune, le Crissirois n'en oublie ni ses revendications, ni ses pairs encore en quête de bonne fortune: «il est grand temps que les entreprises publient des annonces plus "junior-friendly". Nous les jeunes avons beaucoup à offrir».

Trouve un job après le CFC: une galère. Ce Vaudois pousse un coup de gueule👇

Vidéo: extern / rest

Que pensent les Alémaniques des Romands et vice versa?👇

Vidéo: watson

On se détend? 33 images générées par IA délicieusement bizarres👇

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33 images générées par IA délicieusement bizarres
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