Un nouveau procès climatique s'est déroulé lundi à Lausanne, où 12 activistes ont été jugés pour avoir bloqué la rue Centrale en 2019. Deux figures du monde de la santé, Valérie D'Acremont et Blaise Genton, font partie des prévenus.
Les deux médecins d'Unisanté, qui sont par ailleurs mariés, sont des visages connus dans la lutte contre le coronavirus:
Ce sont aussi des militants assidus pour le climat, ce qui leur a valu leur convocation au tribunal.
Le 14 décembre 2019, les deux scientifiques, leurs dix coprévenus et des dizaines d'autres militants (dont certains ont déjà été condamnés) avaient pris part à une action d'Extinction Rebellion. Ils avaient participé à un sit-in sur la rue Centrale, au cœur de Lausanne, bloquant ainsi la circulation. Refusant de quitter les lieux, ils avaient été évacués à tour de rôle par la police.
Devant le juge, Valérie D'Acremont et Blaise Genton ont répété qu'ils n'avaient fait que leur «travail et devoir de soignant» en alertant la population sur les conséquences du dérèglement climatique, dont ils ont listé quelques «ravages» en Suisse et ailleurs.
Ils ont critiqué l'inaction des autorités, sourdes selon eux «aux messages d'alerte» des scientifiques. «J'ai essayé de faire tout ce que je pouvais, d'agir à tous les niveaux», a relevé Valérie D'Acremont.
Elle a reconnu qu'à certains moments, elle avait le sentiment que son travail «n'avait plus de sens». Et de demander:
Elle a pris l'exemple du Covid-19 et, selon elle, des inévitables futures pandémies, pour lesquelles «personne ne cherche à agir sur les véritables causes.»
Blaise Genton a, lui, admis sa «honte» de laisser à la jeunesse «une planète qui va dans le mur». «En m'asseyant ce jour-là dans la rue, je me suis dit que je pourrais au moins dire à mes enfants et petits-enfants que j'avais essayé de faire quelque chose», a-t-il dit, des sanglots dans la voix.
Plusieurs autres prévenus ont été rattrapés par l'émotion. Ils ont dit leur «peur» et leur «sentiment d'impuissance» face à l'urgence climatique. Ils ont estimé qu'une condamnation serait contraire à leurs droits fondamentaux, en l'occurrence les libertés d'expression et de manifester pacifiquement.
Ils ont appelé le juge Lionel Chambour, qui rendra son verdict vendredi à 10h, à «prendre ses responsabilités» et à «changer le cours de l'histoire.»
De son côté, le Ministère public n'était pas présent pour soutenir l'accusation. Dans son ordonnance pénale, il a requis, contre chacun des prévenus, une peine pécuniaire de 20 jours-amende avec sursis, ainsi qu'une amende de 300 francs et des frais de procédure à hauteur de 200 francs.
Le passage au tribunal de Valérie D'Acremont et Blaise Genton n'a pas manqué de faire réagir sur la scène politique vaudoise. Interrogé lundi dans la Matinale de la RTS, le président du PLR vaudois, Marc-Olivier Buffat, a estimé que «les hauts fonctionnaires de la santé ont un devoir de loyauté vis-à-vis de leurs employeurs». Il a ajouté avoir interpellé le Conseil d'Etat à ce sujet.
A la sortie du tribunal, Blaise Genton a expliqué que des «discussions» avaient eu lieu avec son employeur Unisanté, mais que ni lui ni son épouse n'avaient été «mis de côté» en raison de leur militantisme.
«J'ai toujours été clair avec mes convictions. J'ai reçu un mandat des autorités pour protéger la population, et c'est ce que je m'efforce de faire», a-t-il dit.
Une cinquantaine de sympathisants, dont une partie venue du monde médical et vêtue de blouses blanches, sont venus soutenir les prévenus lundi au Tribunal d'arrondissement de Lausanne.
A noter finalement que ce procès fait partie de la série dite du «procès des 200», entamée en septembre dernier et qui voit défiler les militants au tribunal pour divers faits de désobéissance civile à Lausanne entre 2019 et 2020. (jah/ats)