Peut-on participer à un forum censé trouver des solutions contre le changement climatique et s'y rendre en jet privé? Pour Greenpeace, la réponse est clairement négative. L'ONG a publié vendredi une étude portant sur l'utilisation de ce moyen de transport contesté lors de l'édition 2022 du Forum économique mondial de Davos (WEF). Tout juste trois jours avant le début de la prochaine édition, qui s'ouvre lundi prochain.
Les résultats sont éloquents. Pendant le WEF 2022, les vols en jets privés ont explosé. Les auteurs de l'étude, réalisée par le cabinet néerlandais CE Delft, ont analysé les données relatives à sept aéroports situés à proximité de Davos: 1040 vols en jet privé ont été signalés pendant la semaine du forum, contre une moyenne de 540 lors des semaines qui ont précédé et suivi cette période.
La comparaison avec les chiffres de la même période en 2021, année où le WEF n'avait pas eu lieu, est encore plus saisissante:
Compte tenu du trafic «normal» des jets privés, les auteurs attribuent 500 vols au WEF: ces derniers ont doublé pendant la semaine du forum. Les participants ayant été environ 2500, cela signifie que près d'une personne sur dix est arrivée et repartie en jet privé, estime le Tages-Anzeiger, qui a fait le calcul.
Tout cela a un coût. Ces trajets ont généré 7400 tonnes de CO2, selon l'étude, ce qui correspond aux émissions engendrées par 26 700 voitures faisant l'aller-retour entre Paris et Davos, soit une distance de 750 kilomètres.
Cela est d'autant plus problématique si l'on considère la distance parcourue par ces avions, déplore Greenpeace. Plus de la moitié d'entre eux (53%) ont effectué des vols court-courriers de moins de 750 km. 38% étaient des vols de moins de 500 km, tandis que le plus court ne mesurait que 21 km. L'Allemagne, la France et l'Italie font partie des pays avec le plus grand nombre d'arrivées et de départs.
«Ces vols ultra-courts, en particulier ceux couvrant une distance entre 51 et 100 km, auraient pu être remplacés par la voiture ou le train sans grande perte de temps», notent les auteurs de l'étude.
L'étude publiée par Greenpeace intervient quelques jours avant que les dirigeants politiques et économiques se réunissent dans la localité grisonne pour participer au WEF 2023, dont l'objectif autoproclamé est de lutter contre le changement climatique et les crises en cours par des «mesures collectives courageuses».
«Alors qu'une transition énergétique mondiale est déjà en cours, des mesures supplémentaires sont nécessaires pour réduire les émissions de carbone et atténuer les effets du changement climatique», détaille le programme de l'événement.
Une contradiction flagrante, dénonce Greenpeace. Klara Maria Schenk, de la campagne européenne sur la mobilité de l'ONG, affirme dans un communiqué:
Les jets privés sont en effet le moyen de transport le plus polluant par passager-kilomètre. Leur impact sur l'environnement est «disproportionné», affirmait l'organisation européenne Transport et Environnement (T&E) dans un rapport. En une heure seulement, l'un de ces engins peut émettre deux tonnes de CO2, alors qu'une personne vivant dans l'UE en génère en moyenne 8,2 au cours d'une année entière.
Toujours selon T&E, les jets privés sont 5 à 14 fois plus polluants par passager que les vols commerciaux, et 50 fois plus polluants que les trains.
«80% de la population mondiale n'a jamais pris l'avion mais souffre des conséquences des émissions du trafic aérien qui nuisent au climat», constate Klara Maria Schenk. «Les jets privés et les vols courts doivent disparaître».