Ce dimanche, le Conseil fédéral a fait face à une triple défaite: sur le paquet médias, sur le droit de timbre et sur l'initiative populaire pour l'interdiction de la publicité pour le tabac.
L'expérimentation animale, la publicité pour le tabac, le droit de timbre et les médias ont mobilisé moins d'un électeur sur deux ce dimanche. La participation s'est inscrite aux environs de 43,5%, soit légèrement sous la moyenne des dernières années. Schaffhouse, où le vote est obligatoire, arrive comme d'habitude en tête. Environ trois quarts des électeurs se sont prononcés. Il devance de loin Zoug (50%), le deuxième du classement.
Ôtez-moi d’un doute, on vote aujourd’hui sur l’interdiction de la pub pour l’expérimentation animale sur les journalistes.. c’est bien ça?
— Yves Nidegger (@YvesNidegger) February 13, 2022
La Confédération et le Parlement veulent soutenir davantage les médias suisses et ainsi lutter contre la disparition des journaux. Pour cela, environ 150 millions de francs supplémentaires devraient être alloués chaque année en vue de ce soutien. Des opposants ont lancé un référendum contre cette mesure.
Les médias font grise mine. Les Suisses ont refusé dimanche le paquet d'aide de 151 millions de francs pour soutenir les journalistes, selon une tendance de gfs.bern.
Un fossé s'est dessiné entre Romands et Alémaniques. Jurassiens et Neuchâtelois ont été les plus fervents défenseurs de ce paquet d'aide (lire ci-dessous). Le Valais s'est quant à lui rangé dans le camp des opposants.
L'opposition a été quasi unanime Outre-Sarine. Schwyz et Appenzell Rhodes-Intérieures ont massivement rejeté le projet. Plus d'un Bernois sur deux (58%) a dit non à l'aide aux médias. Zurich a aussi rejeté le paquet par 54,7%. Toutefois, les capitales de ces deux cantons ont dit «oui» par 64,3% et 58,8%.
L'opposition au paquet d'aide aux médias s'est focalisée sur les millions qu'auraient reçus les grands éditeurs zurichois, selon la conseillère aux Etats Elisabeth Baume-Schneider (PS/JU). Mais l'avenir des titres régionaux en Suisse romande l'inquiète.
Pour elle, le modèle économique défendu par la droite pour les médias risque de mettre en difficulté les acteurs en Suisse romande, une crainte que reflète le vote des cantons romands qui se dessine en faveur du train de mesures. Le Centre, favorable au projet, a été complètement absent dans la campagne, a-t-elle regretté dimanche.
Le refus de l’aide aux médias est une bonne nouvelle. Les électeurs Suisses estiment encore que l’Etat n’est pas la solution à tous les problèmes (au contraire ?). C’est de bon augure pour le référendum sur la Lex Netflix.
— Philippe Nantermod (@nantermod) February 13, 2022
Philippe Bauer (PLR/NE), qui a milité contre le paquet, a balayé ces craintes: «Demain, la Suisse ne sera pas moins démocratique qu'aujourd'hui», a déclaré le conseiller aux Etats à la RTS. Les médias continueront de toucher l'aide selon la législation actuelle.
Ce n'est pas la première fois que les médias font face à un scrutin populaire. Les attaques précédentes se concentraient principalement sur la redevance radio-TV. En 2018, l'initiative «No Billag» a échoué par plus de 70% des voix.
Les Suisses pourraient donc à nouveau se prononcer sur le sujet rapidement. L'UDC prépare une nouvelle initiative contre la SSR. Le parti de droite veut une réduction de la redevance à 200 francs et la modification de la composition des rédactions du service public, pour qu’elles accueillent davantage de sensibilités bourgeoises.
L'initiative vise à interdire complètement l'expérimentation animale en Suisse. Dans cette idée, les chercheurs ne devraient plus être autorisés à tester leurs médicaments sur les humains et les animaux, et les produits développés à l'aide de telles expériences ne doivent plus être importés.
Les expérimentations animales ne seront pas interdites. La Suisse a très largement refusé dimanche l'initiative populaire qui voulait aussi proscrire l'importation de médicaments testés sur des animaux.
Les partis et les milieux de la recherche sont soulagés par le refus dans les urnes de l'initiative sur l'interdiction de l'expérimentation animale. Ils y voient une reconnaissance de l'importance de l'innovation pour la Suisse. Le peuple a balayé le texte par 79,1%. Tous les cantons l'ont également rejeté.
L'initiative «Oui à l'interdiction de l'expérimentation animale et humaine» était trop extrême, estime la conseillère nationale Léonore Porchet (Verts/VD, ici en image 👇), membre du comité d'opposants.
Le rejet massif du peuple ne constitue pas pour autant un blanc-seing à l'expérimentation. Pour la conseillère nationale, il convient d'investir davantage, afin de restreindre au maximum le recours à l'expérimentation animale dans la recherche. «Notre parti s'est déjà mobilisé à cette fin au Parlement», a-t-elle souligné.
Avec l'opposition de l'ensemble des partis et d'un grand nombre d'associations animalistes, la parlementaire estime que le texte n'avait aucune chance. «La recherche et les milieux scientifiques se sont aussi massivement mobilisés», conclut-elle.
Du côté des initiants, la déception est vive. Coprésident du comité, Renato Werndli (ici en image 👇) comptait sur l'empathie de la population. «Nous avons tenté de convaincre avec des faits scientifiques, a-t-il déclaré, mais on ne nous a pas crus.»
Les initiants n'entendent pas baisser les bras: «Les animaux ne peuvent pas se défendre eux-mêmes - nous ne pouvons pas les laisser tomber», lance Renato Werndli, qui compte bien relancer le sujet d'ici quelques années. «Nous nous réunirons demain déjà afin de planifier la prochaine initiative».
Les jeunes devraient voir la vie sans cigarettes à l'avenir. Les Suisses auraient accepté dimanche à 57% l'initiative sur le tabac. Selon l'institut gfs.bern, il est quasi certain que le texte a aussi réuni la majorité des cantons.
Avec l'approbation de l'initiative sur le tabac dimanche avec 56,6% des voix, les initiants saluent un «sacré progrès» dans la lutte anti-tabac. Les Jeunes Verts veulent même aller plus loin avec une interdiction générale de la publicité. Du côté des opposants, on met en garde contre «d'autres dérives restrictives».
Seuls dix cantons ont rejeté l'initiative. Schwyz a mené l'opposition avec plus de 60% de non. Uri, Obwald, Nidwald et Appenzell Rhodes-Intérieures l'ont suivi de près.
«Nous devons constater que le contre-projet n'a pas été considéré comme suffisant», a déclaré le conseiller fédéral Alain Berset devant les médias à Berne. L'initiative sur le tabac doit être mise en oeuvre aussi rapidement que possible. Une entrée en vigueur cette année est toutefois impossible.
La publicité cible les mineurs et les incite à tirer leurs premières bouffées de cigarette, ont argumenté les médecins et milieux de la prévention, à l'origine de l'initiative «Enfants sans tabac», tout au long de la campagne. Or, le tabagisme précoce est problématique. Plus les jeunes commencent tôt à fumer, plus ils risquent de développer des maladies chroniques potentiellement mortelles.
Cancers, infarctus et maladies dus au tabagisme sont à l'origine de près de 10 000 décès par an, ont-ils rappelé, soutenus par la gauche et le Parti Vert'libéral. Les coûts directs et indirects pour la société sont estimés entre quatre et six milliards de francs.
Les arguments libéraux de leurs opposants n'ont pas fait le poids. Pour le Conseil fédéral et les partis bourgeois, le texte est trop restrictif. Les lieux et les médias réservés aux adultes sont rares. Dans la pratique, cela reviendrait à une interdiction totale, se sont-ils insurgés. Et de critiquer une atteinte à la liberté économique et une infantilisation des consommateurs.
Le Conseil fédéral et le Parlement veulent supprimer le droit d'émission sur le capital propre. Celui-ci fait partie du droit de timbre que la Confédération prélève sur différents domaines, comme par exemple le marché financier. Un comité de gauche a lancé un référendum contre cette mesure.
Les entreprises devront continuer de payer le droit de timbre d'émission. Les Suisses ont très clairement refusé, dimanche, d'abolir cet impôt par 62,7% des voix. Mais la droite va poursuivre son offensive pour faire baisser la fiscalité des entreprises.
Au final, 1,48 million de votants ont refusé la suppression de l'impôt. Le camp du oui a réuni quelque 882'000 voix. La participation s'est élevée à 43,5%.
Baisser les impôts des gros contribuables et faire payer la population, ça ne passe jamais. Spécialement dans le canton de VD qui rejette la suppression du droit de timbre.
— Jean Chr. Schwaab (@jcschwaab) February 13, 2022
Le PLR VD doit tirer les leçons et retirer son projet de baisser les impôts des vaudois fortunés.#CHvote
Merci mille fois! Une magnifique victoire pour les services publics, les retraité-e-s, les consommatrices et consommateurs, les salarié-e-s. La prospérité doit bénéficier à toutes et tous! pic.twitter.com/wLddIpTS7F
— Samuel Bendahan (@bendahan) February 13, 2022
Le droit de timbre d'émission concerne une proportion infime d'entreprises. En 2019, elles étaient moins d'un pourcent à s'acquitter de cet impôt. La Suisse comptait alors plus de 600 000 entreprises:
Parmi toutes ces sociétés, quelque 2300 ont payé un droit de timbre d'émission sur le capital propre. C'est moins d'un pourcent. Plus de la moitié d'entre elles ont déboursé jusqu'à 10 000 francs. Elles ont donc levé un maximum de deux millions à la fois. L'impôt s'élève à 1% des fonds levés dépassant le million.
Trente-trois entreprises ont, elles, payé une taxe de plus d'un million de francs. Elles ont donc levé au minimum 101 millions à la fois. A elles seules, ces sociétés ont généré plus de la moitié des recettes fiscales issues du droit de timbre d'émission.