Le WEF a tourné cette année à une liste d'emplettes: de l'Ukraine en besoin urgent de chars d'assaut à une pétition des activistes pour le climat. Pressée de faire passer son industrie d'armement avant la neutralité, la Suisse n'a pas échappé à cette situation.
Tout au long de la semaine, la réunion des ministres de la défense occidentaux vendredi à Ramstein a occupé en filigrane de nombreuses discussions à Davos (GR).
Réitérant son appel presque quotidien à recevoir des armes, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a relevé par vidéo l'urgence de la situation face à une guerre qui «ne prend pas un tournant positif».
Les chars allemands sont attendus depuis des mois, mais le chancelier Olaf Scholz a semblé doucher les attentes en affirmant que l'Allemagne ne livrerait pas ses chars si d'autres puissances ne font pas de même. Au grand désarroi des nombreux Ukrainiens à nouveau présents au Forum économique mondial (WEF). Les appels les plus virulents seront venus des voisins de l'Ukraine.
De son côté, la Suisse a essuyé une nouvelle salve de demandes allemandes et espagnoles pour que son matériel puisse être réexporté. Des reproches sont venus également de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et du secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg.
La Suisse renvoie tout le monde dans les cordes en expliquant à nouveau, comme souvent depuis le début de la guerre, les contraintes du droit de la neutralité. Et le président de la Confédération Alain Berset ne s'est pas trop formalisé des reproches qui ont pu être lancés cette semaine sur cette question.
Sur le plan du climat, plusieurs jeunes activistes sont venus à Davos avec une pétition réclamant l'arrêt par les multinationales de l'exploitation des énergies non renouvelables. Dans une mise en scène désormais bien rodée, l'attention s'est surtout tournée vers Greta Thunberg.
Sans surprise, la Suédoise a répété ses griefs contre les participants du WEF, qu'elle a accusés d'alimenter la détérioration du climat.
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres est lui aussi venu avec des demandes. Dans un ton très ferme, il a souhaité que les responsables des entreprises pétrolières des années 70 qui savaient que les énergies non renouvelables étaient dommageables paient pour leurs «grands mensonges».
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a dévoilé un prochain règlement européen pour une industrie à zéro émission.
Malgré l'absence d'une rencontre entre Alain Berset et Ursula von der Leyen, la Suisse ne repart pas bredouille sur le dossier européen.
Comme souvent, le dialogue à haut niveau est plus facile avec les Etats membres qu'avec Bruxelles. La présidence suédoise de l'UE a convié la Suisse en mai à une réunion informelle des ministres des Affaires étrangères et de la défense, une première.
De son côté, Alain Berset a estimé que le dialogue informel qu'il a pu avoir avec la présidente de la Commission européenne était «très bon». Les décisions sur la relation entre la Suisse et l'UE «ne se prennent pas à Davos», mais «entre Berne et Bruxelles», a-t-il souligné.
Plus largement à Davos, la Suisse a relayé à certains le souhait d'accueillir à Genève le secrétariat de la Coalition contre la pollution plastique.
L'arrivée de la Suisse au Conseil de sécurité depuis près de trois semaines l'a fait changer de dimension sur la scène internationale, selon Ignazio Cassis. Mais Alain Berset ne voit pas directement une volonté de la part des autres pays de rencontrer les conseillers fédéraux en raison du siège pour deux ans au Conseil.
Aussi bien le président de la Confédération que le chef de la diplomatie, Ignazio Cassis, ont abordé cette question avec les Etats impliqués comme l'Equateur, élu en même temps que la Suisse pour un mandat à l'organe le plus élevé du système onusien. Des rencontres avec le président et le chef de la diplomatie de ce pays ont eu lieu pour anticiper des discussions dans les prochains mois à New York.
Les chefs d'Etat présents à Davos ont une approche variée sur l'arrivée de la Suisse au Conseil de Sécurité. La Macédoine du Nord salue le rôle que pourra jouer Berne pendant deux ans. «Ils vont faire du bon travail», a estimé son président Stevo Pendarovski.
Le président lituanien Gitanas Nauseda souhaiterait que Berne appuie la demande d'un tribunal spécial pour juger les atrocités perpétrées dans le cadre du conflit ukrainien. Mais il sait bien qu'il n'aura que peu d'influence sur un tel soutien. «Cela dépendra du gouvernement suisse», admet-il.
Le président colombien Gustavo Petro a déjà obtenu un soutien important du Conseil de sécurité pour l'application de l'accord de paix de 2016 avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). L'aide politique suisse porte plutôt sur l'accompagnement des pourparlers avec l'Armée de libération nationale (ELN), à la demande de Bogota. Le siège suisse au Conseil de sécurité ne fait qu'étendre l'intérêt de travailler ensemble, dit le président colombien.
Les appels à la sobriété énergétique n'ont pas éteint les illuminations d'entreprises et gouvernements sur la célèbre Promenade de Davos. La municipalité de Davos alerte ceux qui louent à des prix considérables les immeubles de la Promenade pendant le WEF.
«C'est une situation que nous avons anticipée» avant ces menaces d'approvisionnement énergétique, explique le jeune maire Philipp Wilhelm. «De plus en plus de feuilles d'information ont été publiées» sur les attentes de la commune pour des structures permanentes ou provisoires avec davantage d'efficience énergétique.
Comme elle délivre les permis pour les autorisations, la ville mène des discussions avec les grandes entreprises «pour une amélioration par étapes» en termes de durabilité. Pas seulement pour le WEF, mais également pour toutes les grandes manifestations à Davos. L'objectif est d'atteindre une neutralité carbone d'ici 2030 pour la commune.
Cette année, le maire observe un plus grand engagement sur l'efficience énergétique. «Mais on peut toujours faire mieux», affirme l'édile socialiste. Avec les menaces de pénuries, «il est important de montrer» que l'organisation de grands événements n'est pas incompatible avec la durabilité.
Parmi les gouvernements, les entreprises ou les fondations présents au WEF, la bataille est serrée pour obtenir un bâtiment sur la célèbre Promenade. Les prix sont considérables et les acteurs réticents à les dévoiler.
Présent à Davos depuis plusieurs années, mais pour la première fois sur cette rue, le club de football de Manchester United a fait le choix de la sobriété sur la luminosité. «Nous sommes humbles sur le terrain et en dehors», fait remarquer une responsable de la communication.
Chez le géant technologique HCL, l'un des plus visibles, un responsable admet: «Nous sommes en concurrence avec plus d'une centaine d'acteurs, il faut être vu.» L'entreprise revendique une maison alimentée à 100% en énergies renouvelables. «Cela fait partie de notre engagement» pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2040 et une réduction de moitié des émissions d'ici 2030, affirme le responsable mondial de la durabilité chez HCL, Santosh Jayaram. L'énergie vient du lac à 95%, dispositif complété à 5% par le photovoltaïque.
De son côté, le WEF ne contrôle que ce qui a lieu à l'intérieur du périmètre de sécurité. Mais il s'associe également étroitement aux discussions de la municipalité avec les grandes entreprises. Chaque année, des lignes directrices sont établies avec «une sorte de liste de contrôle et de bonnes pratiques dans le domaine de la durabilité», explique l'organisation.
Le WEF demande notamment aux partenaires d'utiliser des LED, et d'éteindre, en dehors de la journée, les systèmes qui consomment de l'électricité. «Nous avons mis en place des mesures d'économie d'électricité» et des plans d'urgence ont été prévus en cas de pénurie, ajoute l'organisation. (sas/ats)