Alors que la Suisse accueille en ce moment l’Euro féminin 2025, une promotion signée Clinik, une chaîne spécialisée dans l’épilation laser, n’est pas passée inaperçue. L’entreprise, présente presque partout en Suisse romande, a lancé une «offre sensationnelle» pour «célébrer toutes les femmes qui font du sport, s’engagent, bougent et inspirent».
A la clé: 50% de rabais sur trois séances d’épilation du corps complet, soit jambes, maillot, aisselles et lèvre supérieure, pour 1399 francs au lieu de 2900. Une promo qui se veut en soutien à l’équipe nationale féminine suisse, mais qui provoque un petit malaise.
Sur son site, Clinik affiche clairement ses intentions: «soutenir notre équipe nationale» et «célébrer les femmes qui bougent».
L’idée? Associer le dépassement de soi, le sport, et le bien-être corporel, en l’occurrence, glabre. Un lien qui ne convainc pas tout le monde.
«C’est une démarche commerciale un peu maladroite», estime Michael Kamm, CEO de l’agence de communication suisse Trio:
L’entreprise, que nous avons interrogée sur ce lien, se justifie: 85% de sa clientèle est féminine, et parmi elles, «de nombreuses sportives». L’épilation serait choisie pour le confort, la performance, les massages ou encore les soins post-blessures. Une tentative de cohérence, qui laisse sceptique.
«On célèbre le sport féminin en incitant à l’épilation intégrale? Est-ce qu’on est plus “féminine” en étant épilée? Ce sont des questions très complexes. Et là, on a une réponse très simpliste. Dans la période actuelle, cette association d'idées est réductrice», souligne Michael Kamm.
Le communicant pointe aussi l’absence totale de second degré dans la campagne.
Et il y a un autre détail qui grince: le message «Sans vous déplacer!» glissé dans la présentation de l’offre sur le site internet de l’établissement. «Simplifiez-vous la vie avec l’achat en ligne. Profitez de notre promotion sans vous déplacer!» lit-on. Un argument pratique qui contredit pourtant l’intention initiale de saluer le mouvement, le sport, l’effort. «C’est un peu absurde. On célèbre le fait de bouger… en disant de ne surtout pas se bouger pour acheter?», sourit Michael Kamm:
Dans un monde où la publicité aime surfer sur les vagues féministes, cette promo illustre parfaitement les limites du «femvertising», cette stratégie de communication qui brandit la cause des femmes pour vendre. Ici, on s’adresse à des femmes sportives, inspirantes, modernes… mais on les renvoie aussitôt à une norme esthétique: celle d’un corps sans poils.
«On joue sur l’émotion, on essaie de promouvoir l’achat avec un contexte émotionnel fort. Mais il manque cruellement de sincérité», souligne Michael Kamm. Clinik, de son côté, assume l’approche:
Et même si la marque précise que l’épilation est un choix libre, l’argument tombe à plat dans un contexte aussi genré.
Clinik affirme que la campagne, qui vient d’être lancée, a reçu un bon accueil. Soulignons toutefois que l’entreprise propose régulièrement des réductions à 50%: plusieurs offres similaires existent, tournantes, tout au long de l’année. L’Euro semble donc davantage prétexte que projet de fond.
«Le seul aspect positif dans tout ça, c’est peut-être le fait que l’Euro féminin soit devenu un événement suffisamment important pour que des marques veuillent capitaliser dessus. Il y a quelques années, personne n’aurait tenté», nuance tout de même Michael Kamm. «Mais là, ça rate son but. Et je doute que le public ne sorte pas un carton rouge pour cette promotion opportuniste.»