Suisse: ce secteur de soin est concerné par une pratique «indésirable»
Les soins prodigués par les proches préoccupent le monde politique, car certaines organisations privées de soins à domicile sont soupçonnées de gagner beaucoup d’argent en employant des membres de la famille.
Plusieurs responsables de la politique de santé souhaitent désormais encadrer plus strictement ce domaine afin d’empêcher que des bénéfices soient réalisés aux dépens des payeurs de primes et des contribuables.
Un secteur en plein boom
Le Conseil fédéral a mandaté le bureau Bass pour réaliser une enquête. Celle-ci révèle la croissance fulgurante de ce secteur en trois ans seulement: en 2022, les entités privées employaient 333 proches. En 2024, ce chiffre atteignait 3023. Cela ne reflète toutefois pas l'ampleur réelle du phénomène, car seule la moitié des organisations ont participé au sondage.
Quoi qu'il en soit, le gouvernement estime sur cette base que le nombre de proches aidants poursuivra sa progression.
Et cela peut coûter cher. Selon l'enquête, les proches aidants ont facturé plus d'un million d'heures de soins en 2024, pour un tarif horaire moyen de 80 francs. Les entreprises, elles, leur ont versé 39 francs, ce qui signifie qu'elles ont facturé en moyenne 41 francs pour la formation et l'administration.
Une pratique indésirable, mais pas combattue
Berne reconnaît certes que les membres d'Aide et soins à domicile Suisse (l'association faîtière nationale des associations cantonales d'aide et de soins à domicile), «peuvent éventuellement engranger des bénéfices élevés» avec ce modèle commercial. Et cette maximisation des profits est «en principe indésirable», commente un nouveau rapport. Car ce sont en effet les assurés et les cantons qui en font les frais.
Malgré tout, le Conseil fédéral a décidé, mercredi, de ne prendre aucune mesure supplémentaire. Il se contente d'émettre des recommandations à l'intention des acteurs concernés: cantons, caisses maladie et organisations de la faîtière.
Car les proches aidants jouent un rôle central dans le système de santé helvétique. Le gouvernement veut ainsi éviter de l'alourdir avec des charges administratives supplémentaires. Il souhaite en revanche en améliorer la qualité par la formation et une meilleure surveillance.
Du point de vue de la Confédération, les cantons sont avant tout responsables de la prévention des abus. Comme ce sont eux qui assurent le paiement des prestations, il leur revient de contrôler la somme allouée par heure de soins. Les cantons d'Argovie, Zurich, Lucerne ou Bâle-Campagne ont ainsi déjà pris des mesures.
Un manque de transparence
Cependant, le problème actuel réside souvent dans le fait que les organisations d'aide et soins à domicile ne précisent pas quelles prestations sont fournies par les proches et quelles autres sont assurées par des professionnels. Pour accroître la transparence, le Conseil fédéral attend des organisations qu'elles indiquent systématiquement sur leurs factures si un proche a fourni un soin.
Le gouvernement est convaincu que ces informations permettront également aux assurances de mieux vérifier l'efficience et l'adéquation des prestations. Pour ce faire, elles sont désormais tenues de contrôler régulièrement leur étendue. Les organisations membres sont en outre tenues de déterminer objectivement les besoins.
On peut toutefois se demander si celles-ci voudront limiter les prestations de soins alors qu'elles en tirent un profit. Il appartient donc principalement aux cantons de lutter contre les abus. En cas de manquement aux règles, l'exécutif recommande par ailleurs des mesures drastiques: les cantons auraient alors à tout moment la possibilité d'infliger des amendes aux organisations fautives, voire de leur retirer leur autorisation.
(Adaptation en français: Valentine Zenker)
