Suisse
Santé

Il dénonce le salaire «mirobolant» des médecins en Suisse

Faut-il que les médecins gagnent des millions? Ce gynécologue a un avis.
Gynécologue et politicien, Thomas Eggimann livre son analyse de l'augmentation de coûts liés à la santé en Suisse et comment y remédier.Image: praxis eggimann / Keystone, montage watson

«Certains gagnent un million par an»: il dénonce le salaire des médecins

Le gynécologue et politicien Thomas Eggimann estime que les coûts de la santé ne pourront plus vraiment baisser. Au mieux, leur hausse pourrait être ralentie. Mais pour cela, il faut s'attaquer aux salaires des médecins.
09.08.2025, 07:08
Léonie Hagen / ch media

Après des décennies de négociations, un nouveau système tarifaire pour les prestations ambulatoires entrera en vigueur en janvier prochain en Suisse. Le secteur s’en félicite et l’association des assureurs Santésuisse parle même d’une «performance remarquable».

«Il reste beaucoup à faire»

D'un autre côté, le Conseil fédéral introduit, de façon indirecte, un plafonnement des coûts pour les années à venir. On peut voir cela comme un coup de frein d’urgence pour tenter de maîtriser les dépenses. «Il reste cependant beaucoup à faire», commente Thomas Eggimann, gynécologue et politicien.

Vous suivez les négociations tarifaires depuis dix ans. Peut-on vraiment parler de progrès?
Thomas Eggimann: Absolument. Les gens ne se rendent pas compte à quel point le secteur a longtemps été polarisé sur les questions tarifaires. Les médecins se battaient contre les caisses maladie, les caisses maladie contre l'Etat, et l'Etat contre tout le monde. Pendant quatre ans, les discussions ont tourné en rond.

«Le fait que le nouveau tarif ait été validé et soit mis en œuvre est un vrai tournant, même s’il a été imposé»
A propos de l'intervenant
Thomas Eggimann travaille depuis 2004 en tant que gynécologue et médecin-chef dans différents centres de soins ainsi qu'en tant que politicien. Il a dirigé son propre cabinet pendant huit ans et est désormais directeur adjoint du service de gynécologie à l'hôpital Emmental à Burgdorf, dans le canton de Berne. Depuis 2015, Eggimann est également secrétaire général de la Société suisse de gynécologie et d'obstétrique.
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Pour Thomas Eggimann, gynécologue et politicien, les salaires de plusieurs millions pour les médecins ne sont pas justifiables, et ce, même en prenant en compte la pénibilité du travail.Image: praxis eggimann

Il a fallu que le Conseil fédéral brandisse la menace d'un tarif officiel pour que les médecins et les assureurs se mettent enfin d'accord.
Cette perspective faisait peur à tout le monde: un tarif étatique, sans concertation possible. Cela a aidé à faire bouger les choses. Désormais, il est clair que tout le monde ne peut pas gagner plus si l’on veut que le système coûte moins.

Cela paraît évident. Pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt?
Je pense qu'on en était conscient, mais les tarifs ambulatoires n’ont pratiquement pas bougé depuis 2004. Et les médecins n’ont eu aucune compensation pour l’inflation. En réalité, ils gagnent moins qu’il y a vingt ans. Logiquement, chacun essayait de tirer profit au maximum de la situation. Mais un compromis devenait nécessaire.

Malgré de longues négociations, on constate déjà une forte résistance au tarif. Les premières sociétés de discipline médicale, y compris les gynécologues et les radiologues, auraient annoncé vouloir renoncer à certaines prestations parce qu'elles ne seraient pas rentables. Est-ce vrai?
J’en doute. Il est vrai que c’est douloureux de voir certaines prestations, comme les mammographies soudain moins bien rémunérées. Mais certaines réticences se sont dissipées.

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Les examens médicaux plus précis sont très coûteux en Suisse.Image: keystone

Comment ça?
Les instituts de radiologie tournent jour et nuit. Autrefois, on se demandait encore si un deuxième IRM était nécessaire.

«Aujourd’hui, on enchaîne les examens sans se poser la question du coût»

Mais c'est souvent les patients qui le demandent.
C'est vrai. La population augmente toujours plus et devient plus âgée, et n'est donc pas en meilleure santé. Les exigences ont aussi augmenté. Si quelqu'un a mal au genou un jour, il voudra passer une IRM le lendemain.

«On ne peut en revanche pas rejeter la responsabilité de l'augmentation des coûts sur les patients»

Mais qui en est responsable?
Chez nous, on applique toujours le principe du «pay for performance»: celui qui en fait plus gagne plus. Cela inclut par exemple le fait que la prévention fonctionne relativement mal en Suisse et qu'elle est encore plus mal payée. Pourtant, la meilleure opération est celle que nous aurions réussi à éviter. Et puis, il faudrait aussi reparler des salaires des médecins.

«Il y a trop d'incitations à rendre le système plus cher. Et certains collègues médecins gagnent plus d’un million par an»

Un million?
Ce sont bien sûr des cas isolés, mais c’est énorme pour des prestations peu concurrentielles. Si l'UBS paie 20 millions à Sergio Ermotti et que je ne suis pas d’accord avec ça, je n’ai qu’à changer de banque. Mais le système de santé, à l'exception des soins à la charge des patients, est entièrement payé par les impôts et les primes individuelles. C'est nous tous qui payons!

Mais les salaires élevés sont aussi liés aux longues heures de travail, aux services de nuit et de piquet, à la responsabilité pour la vie d'autres personnes.
C'est vrai. Mais il y a beaucoup d'autres personnes qui ont aussi un travail difficile. Une caissière de supermarché dans un passage souterrain de gare, par exemple. Elle est exposée toute la journée à un nombre incroyable de stimuli, sans lumière du jour, avec de longues heures de travail et un stress incroyable.

«Et elle gagne une fraction de ce que nous recevons chaque mois»

Quel devrait être le salaire maximal d'un médecin, selon vous?
Ce n’est pas à moi de décider cela. Mais certainement pas un million. On ne peut pas gagner autant, même en étant un bon praticien. 800 000 francs, c'est encore largement suffisant.

Avec de telles déclarations, vous n'allez pas vous faire beaucoup d'amis.
Il y a bien quelques postes clés, des médecins qui prennent en charge les cas les plus difficiles et les plus complexes pour toute une région sanitaire. Ce travail a un prix, qui peut être un peu plus élevé. Mais il n'y en a pas plus d'une douzaine en Suisse dans ma spécialisation. Un collègue a dit un jour:

«Ce n'est pas qu'il y a trop peu de médecins en Suisse, mais ceux qui existent en font trop»

Niez-vous la pénurie de médecins?
La pénurie existe bel et bien en périphérie. Mais dans les villes, de nouveaux cabinets ouvrent sans cesse, et ils tournent bien. Il y a là un potentiel économique.

Par exemple?
J'ai des patientes qui ont été convoquées tous les trois mois pour une échographie mammaire, pour s'assurer qu'elles n'aient vraiment pas un cancer. C'est totalement inutile.

De telles prestations seraient partiellement déficitaires avec les nouveaux forfaits. Est-ce que cela suffira à faire baisser les salaires maximaux?
Bien sûr, on est allé un peu au-delà de l'objectif. Mais ce n'est peut-être pas une si mauvaise chose si cela se stabilise. Personne ne mourra de faim. Même les radiologues peuvent vivre avec ces tarifs.

Faut-il plafonner les salaires ?
Dans les hôpitaux, c’est déjà fait, les salaires sont généralement réglés et plafonnés selon les grilles cantonales. Là, les nouveaux tarifs ne changeront pas grand-chose.

Mais les cabinets privés gagnent plus.
C’est vrai. Mais les cas extrêmes y restent rares. Et les coûts ne viennent pas que des salaires: il y a le matériel, les médicaments… Même si les médecins gagnaient deux fois moins, cela ne résoudrait pas tout.

Il existe également d'autres possibilités pour limiter les coûts. Par exemple, en n'autorisant plus de nouveaux médecins dans certaines spécialisations. Qu'est-ce que cela apporte?
Il existe effectivement des groupes pour lesquels il y a trop de médecins qui ont la même spécialisation dans une région. Un gel des autorisations peut être bienvenu. Mais la question est bien sûr de savoir comment faire cette coupure. Et peut-être que cela se fera tout seul si la relève ne suit plus à l'intérieur du pays.

«Mais il faut une analyse fine des besoins, sans quoi les effets pourraient être dramatiques»

On pourrait également assouplir l'obligation de contracter: les caisses d'assurance maladie pourraient ainsi décider avec quels médecins elles souhaitent collaborer. Cet assouplissement est en discussion depuis vingt ans déjà. Pourquoi n'a-t-il toujours pas été introduit?
Parce que les conséquences de telles restrictions sont difficiles. En soi, ce serait peut-être une bonne idée. Mais la question est de savoir quels médecins resteraient. N'autorise-t-on alors que les médecins les moins chers? Peut-être qu'un autre aura simplement les cas les plus complexes. Selon les conditions, une limitation peut également entraîner une guerre des prix vers le bas. Ce qui, là encore, ne serait pas dans l'intérêt des patients.

Donc, on doit continuer à accepter des salaires élevés pour les médecins.
Nous disposons toujours d'un système de santé coûteux, mais de qualité, qui peut actuellement répondre à des exigences élevées. A titre de comparaison: au Royaume-Uni, vous ne recevez plus de prothèses de hanche à partir de 70 ans. Chez nous, vous les aurez encore à 80 ans, et vous pouvez donc encore faire du sport à cet âge. Nous devons pouvoir maintenir ça, c'est précieux. Ce qu'il faudrait limiter, ce sont ces revenus mirobolants.

«Ce qui m'irrite, ce sont les médecins qui s'enrichissent grâce à ce système»

Ce sont justement les disciplines où les salaires sont élevés qui se plaignent le plus des nouveaux tarifs. Certains ont déjà fait part de leurs souhaits de modification, qui seront examinés au cours des prochaines années. Est-ce que cela peut vraiment faire avancer les choses? Je pense que oui, la pression exercée par le Conseil fédéral et le monde politique apporte quelque chose dans ce domaine. Cela a lancé une nouvelle dynamique.

Dans quelle mesure?
Autrefois, il y avait aussi beaucoup d'inimitiés entre les médecins, surtout entre les spécialistes et les généralistes. Les choses semblent avoir changé. Avec les nouveaux forfaits, on accepte plus facilement les inconvénients pour les spécialistes afin de parvenir à une solution. Et à l'inverse, les médecins de famille ont eux aussi compris que nous avions besoin des spécialistes.

Là encore, on pourrait dire que tout le monde aurait pu s'en rendre compte.
Bien sûr que oui. Et en même temps, il y a toujours des choses qui passent à la trappe. Récemment, j'ai par exemple été invité à une réunion de projet. Ils ont mené des enquêtes avec les cantons, les médecins et la population. Mais la politique fédérale avait été oubliée.

«Maintenant, j'ai l'impression que tout le monde est plus conscient du fait que nous ne pouvons maîtriser les coûts qu'ensemble»

Justement aussi parce que les gens ont remarqué que, sinon, on pourrait basculer dans un système purement étatique. Et personne ne veut de ça.

Pourquoi?
Parce que c'est un système déconnecté du patient. De telles structures existent dans d'autres pays, par exemple à Cuba. Mais elles sont très rigides, exclusives et chères.

D'un autre côté, le système ne sera pas meilleur marché chez nous non plus.

«Les coûts de la santé ne baisseront plus. C'est déjà impossible d'un point de vue purement démographique»

Mais si la courbe de croissance par patient et par an s'aplatissait légèrement à moyen terme, cela aurait déjà un gros impact.

Comment y parvenir?
Je n’ai pas de recette miracle. Mais ce sera une œuvre collective. Les assureurs en sont aussi conscients. Des idées sont en train de se mettre en place, par exemple une caisse unique pour les soins de base. Nous avons encore quelques changements de système devant nous. Et cette fois, je suis convaincu qu'on n’attendra pas vingt ans.

Traduit de l'allemand par Anne Castella

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