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Pendant la Seconde Guerre mondiale, les CFF avaient la patate

Travail de la terre dans le Wylerfeld à Berne, avril 1943.
Travail de la terre dans le Wylerfeld à Berne, avril 1943.Image: SBB Historic
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Pendant la Seconde Guerre mondiale, les patates ont battu les CFF

Durant la Seconde Guerre mondiale, la Suisse a opéré une extension massive de ses terres agricoles afin de pallier les pénuries alimentaires et les difficultés d’importation. Ainsi, à bien des endroits où il avait été prévu de construire des voies ferrées, on cultiva des pommes de terre.
01.07.2023, 08:0501.07.2023, 11:41
Marc Ribeli / musée national suisse
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De prime abord, la scène ci-dessus pourrait aisément être assimilée à un énième projet de construction ou d’entretien du réseau ferroviaire. En observant mieux ce cliché capturé en 1943, on remarque toutefois que ce site de construction est séparé des voies ferrées, tandis que le relief du sol laisse deviner la présence de plates-bandes de légumes. Ici, pas d’aménagement de nouvelles voies: l’endroit deviendra une zone agricole. Cette photographie témoigne des conséquences de la «bataille des champs» du côté des Chemins de fer fédéraux (CFF).

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La bataille des champs, nommée «Anbauschlacht » ou «Anbauwerk» en allemand, a débuté en novembre 1940 avec le lancement du «plan Wahlen». Ce projet élaboré par l’agronome puis conseiller fédéral Friedrich Traugott Wahlen visait à assurer l’autosuffisance alimentaire de la Suisse durant la Seconde Guerre mondiale, un objectif qui devait être réalisé par l’extension massive des terres cultivables. Il s’agissait d’acquérir de nouvelles surfaces agricoles grâce à la transformation de prairies en terres arables, à l’arrachage et au déboisage, ou encore à des techniques d’amélioration des sols.

Le conseiller fédéral Friedrich Traugott Wahlen, vers 1965.
https://permalink.nationalmuseum.ch/100637770
Le conseiller fédéral Friedrich Traugott Wahlen, vers 1965.Image: Musée national suisse / ASL

L’obligation d’autosuffisance fut imposée au large public, mais également à l’industrie, les entreprises étant appelées à cultiver de la nourriture pour les besoins de leurs collaborateurs. A titre d’employeur comptant plus de 100 collaborateurs, les Chemins de fer fédéraux auraient également dû participer à la concrétisation du plan Wahlen. Toutefois, au vu de charges exceptionnelles dues à une forte augmentation du trafic ainsi qu’à une sollicitation accrue du personnel, l’entreprise se vit libérée de cette obligation.

La Confédération exprima néanmoins son attente de voir le personnel et l’administration participer autant que possible, sur une base volontaire, à l’augmentation de la production agricole. La direction générale des CFF, quant à elle, encouragea l’implication active du personnel ferroviaire face aux difficultés croissantes sur le plan alimentaire.

Le personnel ferroviaire s’adonne au maraîchage près de Freienbach, canton de Schwytz, mai 1942.
https://www.sbbarchiv.ch/detail.aspx?ID=268530
Le personnel ferroviaire s’adonne au maraîchage près de Freienbach dans le canton de Schwytz en mai 1942.Image: SBB Historic

Cette situation entraîna une forte demande en surfaces arables. Les ingénieurs et contremaîtres des chemins de fer eurent alors pour mission d’identifier les éventuelles terres pouvant se prêter à l’agriculture dans leurs districts. Mais les terres situées à proximité directe des voies ferrées étaient déjà en grande partie louées à des exploitations agricoles ou au personnel ferroviaire, qui les cultivaient souvent pour leur propre usage. Les fossés situés le long des voies ferrées, encore inutilisés, furent donc comblés et transformés en d’étroites plates-bandes pour de nouvelles cultures. Ces sols, presque tous de piètre qualité, devaient généralement être enrichis en humus et en engrais pour être exploitables.

Dans les zones urbaines, qui enregistraient une demande en surface agricole particulièrement élevée, les sites où l’on entreposait rails et traverses furent transformés en terrains cultivés. Les difficultés d’importation rencontrées durant la guerre contribuèrent à réduire la surface nécessaire au stockage de matériel.

Un exemple de transformation pour faire de la place à l'agriculture 👇

Le site de stockage des rails près de Winterthour ...
Le site de stockage des rails près de Winterthour...Image: SBB Historic
... transformé en champ cultivé dans les années 1940.
...transformé en champ cultivé dans les années 1940.Image: SBB Historic

Il arrivait même que la nourriture soit cultivée sur les voies ferrées: certaines lignes datant de l’époque des chemins de fer privés étaient suffisamment larges pour accueillir un trafic à deux voies, mais n’en comportaient qu’une seule. La «voie aveugle» en résultant formait alors un espace inoccupé de trois mètres de large environ. Après quelques travaux d’aménagement, ce terrain, qui n’était certes pas d’excellente qualité, pouvait généralement être cultivé.

Vol de noisettes et augmentation des vacances

Les terres arables nouvellement gagnées accueillaient surtout des cultures de pommes de terre et de légumes, mais aussi, selon les conditions climatiques, de maïs ou autres céréales. Des saules furent également plantés pour produire de l’osier à des fins industrielles. En revanche, la culture de noisetiers se révéla problématique: les noisettes ayant fait l’objet de vols répétés, on abandonna ce projet.

Voie aveugle utilisée pour la culture de céréales, vers 1943.
Voie aveugle utilisée pour la culture de céréales, vers 1943.Image: SBB Historic

Les surfaces sélectionnées par l’administration étaient travaillées par les membres du personnel. Nombre d’entre eux consacraient leur temps libre aux cultures, ce qui leur valait des réductions sur leurs voyages ou des avantages en matière de vacances, ou leur permettait d’échanger des tours de service. La commande de grandes surfaces agricoles donnait lieu à l’octroi d’un, voire deux jours de congés supplémentaires pour les collaborateurs. Ceux-ci touchaient également de petites primes ou recevaient des lettres de reconnaissance en contrepartie de contributions particulières, comme la plantation de parcelles isolées.

Les apprentis étaient également tenus de consacrer une partie de leur temps à la réalisation du plan Wahlen. Les associations sportives des cheminots firent également preuve d’un grand engagement: ainsi, en 1943, l’association sportive des cheminots de Berne commanda une surface de 20 ares.

Maison de garde-barrière à Schmitten (Fribourg) à l’ère de l’expansion de la production agricole, août 1942.
https://www.sbbarchiv.ch/detail.aspx?ID=223520
Maison de garde-barrière à Schmitten (FR) à l’ère de l’expansion de la production agricole, août 1942.Image: SBB Historic
Remblayage de fossés et dépôt d’humus à côté des voies, avril 1945.
https://www.sbbarchiv.ch/detail.aspx?ID=249460
Remblayage de fossés et dépôt d’humus à côté des voies, avril 1945.Image: SBB Historic

Grâce à ces efforts, des portions de terrain appartenant aux chemins de fer fédéraux furent progressivement intégrées au programme d’autosuffisance alimentaire. Le personnel et l’administration des CFF contribuèrent ainsi à améliorer la situation de l’approvisionnement en Suisse. Si les objectifs visés par le plan Wahlen n’ont pas été atteints, ce programme demeure néanmoins un grand symbole de cohésion nationale.

Le personnel des chemins de fer s’est engagé aux côtés de nombreux autres groupes de population dans la réalisation du projet, prouvant ainsi la résilience et l’indépendance de la Suisse pendant les années de guerre. Quant à l’administration des CFF, elle ne fut que trop heureuse d’intégrer les activités de plantation de son personnel dans ses rapports, se mettant ainsi au diapason d’une propagande nationale rondement menée.

>>> Plus d'articles historiques sur: blog.nationalmuseum.ch/fr
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